Un tatoueur jugé pour viols et agressions sexuelles en série de clientes

Le procès d'un tatoueur de 39 ans s'est ouvert mercredi devant la cour criminelle de Seine-Saint-Denis, pour des viols et agressions sexuelles...

Le palais de justice de Bobigny, le 20 avril 2020, en Seine-Saint-Denis © Ludovic MARIN
Le palais de justice de Bobigny, le 20 avril 2020, en Seine-Saint-Denis © Ludovic MARIN

Le procès d'un tatoueur de 39 ans s'est ouvert mercredi devant la cour criminelle de Seine-Saint-Denis, pour des viols et agressions sexuelles sur une dizaine de clientes.

Tatoueur dans un salon de Neuilly-sur-Marne jusqu'à son arrestation et son incarcération en juin 2022, Dorian S. - T-shirt blanc manches longues à l'audience, tatoué au cou et aux bras - et déjà condamné en 2018 pour une agression sexuelle sur une cliente mineure, est poursuivi pour viols et agressions sexuelles sur dix clientes entre 2019 et 2021, ainsi qu'un viol conjugal sur sa femme de l'époque en 2012.

L'affaire avait commencé en juin 2021, quand une jeune femme avait déposé plainte au commissariat du Raincy, accusant Dorian S. de lui avoir imposé une pénétration digitale et d'avoir frotté son sexe contre elle lors d'une séance nocturne de tatouage, un créneau que l'artiste réserve à "des gens spéciaux". 

Dans le sillage du mouvement #MeToo, le monde du tatouage - "un monde merveilleux", a ironisé le président Benoît Blanchy à la lecture des faits - commence à cette époque à être secoué par des questionnements sur le tabou des violences sexuelles, dans une activité qui suppose une grande proximité des corps.

En exploitant les relevés téléphoniques du mis en cause, les policiers découvrent plusieurs clientes faisant état de faits similaires.

L'instruction va mettre en évidence qu'au total une quinzaine de femmes ont accusé Dorian S. de violences sexuelles depuis 2008, date à laquelle il a commencé à exercer la profession de tatoueur apprise lors d'un séjour au Canada.

Esprit vif

Les récits des clientes victimes, souvent des femmes fragiles, font état d'un mode opératoire bien rodé. 

A l'occasion de séances avec une femme seule, Dorian S. insiste pour tatouer à proximité de l'entrejambe ou se débrouille pour leur toucher les parties intimes au motif de tendre la peau pour réaliser leur tatouage. 

Plusieurs d'entre elles rapportent également des frottements ou pénétrations avec son sexe. Lors de ces sessions, l'accusé revêt à l'occasion un short à trou, porté sans sous-vêtements, pour sortir plus aisément son pénis.

Devant les policiers et magistrats, Dorian S. a généralement évoqué des rapports sexuels consentis. Il a également soutenu durant l'instruction qu'il était "normal" d'avoir des érections car "les êtres humains sont des animaux". Il a admis prendre "parfois" les mains de ses clientes et les poser sur son corps pour "les réchauffer", ou encore se considérer comme "un gynécologue". 

Plusieurs membres de son entourage personnel et professionnel décrivent l'accusé comme un pervers narcissique, à la personnalité toxique, très porté sur le sexe.

Entendus comme témoins dans l'après-midi, un expert-psychiatre et une psychologue ont souligné que l'accusé ciblait des femmes ayant le "même profil que lui", avec un vécu d'abandon. 

"Ce qu'on trouve (chez lui) c'est un trouble de la personnalité borderline, caractérisé par une immaturité affective et un sentiment d'abandon", a relevé la psychologue. 

L'expert-psychiatre a évoqué un signe "préoccupant, d'un point de vue criminologique", du fait de l'habilité de Dorian S., qui avait entamé des études de psychologie, à "percevoir les vulnérabilités d'autrui". 

"Il faut toujours être vigilant avec Dorian, ne jamais lâcher le morceau", a prévenu à la barre son père. "A l'adolescence, il avait toujours l'envie de convaincre."

La mère de l'accusé a quant à elle assuré ne pas "comprendre ce qui lui arrive", décrivant son fils comme "un homme réfléchi, à l'esprit vif" et qui "apporte la lumière (aux autres)". "Son salon de tatouage, c'était un petit peu une maison familiale", a-t-elle déclaré. 

Invité par la cour à s'exprimer à la fin de la première journée d'audience, Dorian S. s'est contenté de contredire l'expertise de la psychologue. "Elle notait que je n'avais pas de compassion pour les victimes. Mais on a eu que 40 minutes pour échanger (...) J'en ai", a-t-il simplement fait valoir.

Il encourt vingt ans de réclusion. Le verdict est attendu le 23 mai. 

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