Droit
Commissaires de justice : 10 ans après la loi Macron, la profession poursuit sa transformation
La profession de commissaire de justice, qui finalise sa structuration, continue de se voir confier de nouvelles missions par l’État.
Dix ans après la Loi Croissance et activité ( dite « loi Macron » ) qui a imposé la fusion des professions d’huissier de justice et de commissaire-priseur judiciaire et six mois avant la fin de la période de transition de structuration de la nouvelle profession, le 4e Congrès national des commissaires de justice qui s’est tenu mi-décembre à Paris a été l’occasion de faire le point sur le chemin parcouru et sur les étapes à venir. Et pour poursuivre le travail engagé par la profession, les 3 800 commissaires de justice ont réélu Benoît Santoire à la présidence de la Chambre nationale des commissaires de justice.
« Juristes du dernier kilomètre »
Lors de ce congrès, le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, a répondu à l’invitation de la profession de venir s’exprimer devant ces « juristes de proximité ». « Je sais que vous êtes au quotidien des artisans, comme les notaires, de cette justice de proximité », a déclaré le garde des Sceaux. « Vous êtes les juristes du dernier kilomètre, et ce positionnement très particulier n’a pas échappé à l’État qui a fait le choix de vous confier de plus en plus de responsabilités. »
Réforme de la saisie sur salaire
La première mission concerne la saisie sur salaire. Depuis le 1er juillet 2025, c’est le commissaire de justice est chargé d’initier la procédure de saisie des rémunérations, sans requête auprès d’un tribunal ou audience devant le juge de l’exécution. Cinq mois après l’entrée en vigueur de cette réforme, la profession a déjà géré « 97 000 dossiers de reprise de procédure » et « 2 700 accords pris dans le cadre de la phase amiable de la procédure et ayant suspendu celle-ci », s’est félicité Benoît Santoire. Il est encore « trop tôt pour se prévaloir d’un bilan définitif » et il reste « de nombreuses questions techniques qu’il nous faut encore résoudre », mais « je suis content de dissiper les doutes ou réserves que d’aucuns auraient pu nourrir avant cette réforme ».
Recouvrement forcé des amendes pénales et injonction de payer
Autre mission à venir : le projet de loi de Finances pour 2026 prévoit que les administrations puissent confier le recouvrement forcé des amendes pénales aux commissaires de justice. « Vous pouvez compter sur nous, monsieur le garde des Sceaux », a déclaré le président de la Chambre nationale des commissaires de justice. Mais, pour que ces réformes de déjudiciarisation soient pleinement effectives, « cela suppose que nous disposions de moyens plus efficaces », a-t-il poursuivi. « Cela implique, par exemple, une modernisation de l’injonction de payer, qui souffre encore de délais beaucoup trop longs », et « de nous donner un accès au FICOBA », le fichier national des comptes bancaires et assimilés.
Si le ministre de la Justice – et ancien ministre chargé des Comptes publics – ne s’est pas prononcé sur la demande d’accès au FICOBA, il a en revanche annoncé que le décret visant à moderniser l’injonction de payer allait être publié début janvier 2026 : « Dorénavant, au bout de trois mois, l’absence de retour du greffe permettra l’exécution forcée. À terme, ce délai sera ramené à deux mois », a-t-il précisé.
Recouvrement simplifié des créances commerciales incontestées
Autre mission en perspective : accompagner les entreprises sur le terrain de la lutte contre les impayés, tel que le prévoit la proposition de loi visant à instaurer une procédure simplifiée de recouvrement des créances commerciales incontestées, déposée le 4 décembre dernier au Sénat. « Nous avons travaillé avec le sénateur François Patriat à déposer une proposition de loi, élaborée avec votre profession », pour « mettre en place un circuit court, sécurisé, de confiance, dans lequel le commissaire de justice devient l’acteur clé », a expliqué le ministre.
Carte des installations et premier tarif unifié de la profession
Une autre évolution demandée par la profession – et par les notaires – est d’ores et déjà prévue dans les mois à venir : la périodicité de la révision de la carte des installations, telle que prévue par la loi Croissance et activité, va passer de deux à cinq ans. 2026 sera aussi l’année de l’élaboration du premier tarif unifié pour les commissaires de justice. Sur ce terrain, « dans un contexte avéré de recul de nos activités monopolistiques », « nous plaidons pour distinguer clairement les produits de nos activités régulées de ceux de nos activités concurrentielles » et « pour que soit bien pris en compte le taux de résultat de nos activités régulées, qui tend actuellement vers le plancher légal, ce qui devrait conduire mécaniquement à une augmentation de notre tarif », a déclaré Benoit Santoire.
En octobre 2025, près de 500 candidats se sont présentés à l’examen professionnel de commissaire de justice. « Des chiffres inédits qui en disent beaucoup sur le chemin parcouru depuis 2022. Notre image change positivement. Notre métier attire de plus en plus de nouveaux profils », s’est félicité le président nouvellement réélu à la tête de la représentation nationale de la profession.