Agroalimentaire

Concombres de France, made in Meuse

Installée à Maizey depuis 1898, l’entreprise familiale Marchal Maraîchers vient d’être rachetée par la Coopérative agricole des serristes de l’Aube et de l’Yonne (CASAY). Actuellement en plein pic d’activité, la société spécialisée dans les concombres de France lancera prochainement sa seconde vague de production.

© Johann Marin-Thiery -Benoit Fedeli a pris la tête de l'entreprise Marchal Maraîchers à Maizey
© Johann Marin-Thiery -Benoit Fedeli a pris la tête de l'entreprise Marchal Maraîchers à Maizey

Près de douze hectares de serres chauffées qui produisent 7 000 tonnes de concombres de France hors sol, au cœur du centre Meuse, à deux pas de Saint-Mihiel. Voilà pour le cadre. Installée depuis plus de cent vingt-cinq ans à Maizey, Marchal Maraîchers a connu un vrai bouleversement avec un changement de propriétaire à la suite de la vente de cette entreprise familiale. Un changement dans la continuité qui n’a pas fait de bruit pour cette structure discrète qui change de direction mais aussi de modèle de communication. Nommé à la tête de l’entreprise, Benoit Fedeli, a vite imprimé sa marque. Après avoir longtemps travaillé dans l’agroalimentaire, notamment pour la marque de salaison artisanale L’Argonnais qu’il avait créée, il arrive dans un secteur d’activité nouveau, bien différent et qui affiche «une belle dynamique.» Observer, apprendre mais aussi mettre en place de nouveaux codes avec une communication et une ouverture clairement affichées et assumées. Moins de trois mois après sa prise de poste, il a d’ailleurs reçu une délégation de chefs d’entreprise du Medef Meuse, lors d’un petit déjeuner découverte. L’occasion de mieux faire connaître cette pépite meusienne. «L’activité est plutôt méconnue, souvent associée à des contre-vérités ou des clichés», explique le nouveau visage de Marchal Maraîchers qui souhaite jouer la carte de la transparence et mettre en avant cette production certifiée HVE (Haute valeur environnementale), signe de qualité. «Contrairement à ce que beaucoup pensent, la législation française impose des règles en limitant les produits phytosanitaires ce qui n'est pas le cas en Espagne ou au Pays-Bas. Le traitement est minimal. Et quant à notre consommation d’énergie pour chauffer les serres, nous produisons également avec une chaudière de cogénération», tient à préciser le directeur du site de qui souhaite souhaite valoriser les exigences environnementales.

Une plante vivante et fragile

Si les graines sont achetées à un semencier puis confiées à un pépiniériste, c’est en février que les premiers plants de 30 cm sont intégrés progressivement parmi les cinq serres. 15 000 plants à l’hectare, soit 170 000 sur la surface totale. Des plantes qui ont besoin avant tout de luminosité pour se développer. Au cœur de l’hiver, il leur faudra près de cinq semaines pour atteindre leur taille adulte contre moins de trois semaines en été où le concombre peut prendre 100 grammes en une seule journée, juste avant d’être cueilli. Ce printemps particulièrement ensoleillé en avril aura accéléré la croissance du fruit. «C’est vraiment évolutif. Parfois on pense récolter dans une semaine mais finalement, en fonction des éléments météorologiques, on doit ajuster avec les équipes. Ce n’est pas anormal pour une activité agricole mais je tiens à le dire, même la production hors-sol sous serre chauffée est impactée», confie le nouveau directeur. Le concombre a ainsi besoin d’un environnement stable puisqu’il s’endort à 18 degrés et supporte les variations jusqu’à 28 degrés pour une humidité de 80 %. L’environnement tropical est donc piloté par des ordinateurs, des écrans, des capteurs où la ventilation et l’irrigation sont surveillées de près. «Le métier est de plus en plus technique», aime à rappeler Benoit Fedeli qui souhaite aussi mieux communiquer pour faciliter les recrutements. Si en période creuse entre la Toussaint et février, trente salariés sont recensés sur le site de Maizey, actuellement plus de cent personnes fourmillent entre les différents services : techniques, production, approvisionnement.

Les défis de demain

Trouver des ouvriers agricoles est encore possible, il est toutefois plus difficile de recruter des profils techniques comme les chefs de serre. Une réflexion est actuellement engagée pour «créer des passerelles» avec les écoles spécialisées qui sont implantées en Loire-Atlantique, au cœur du berceau des serristes. «Nous devons aussi nous remettre en question pour mieux accueillir les jeunes pousses, les capter et surtout les garder et les faire monter en compétences, c’est un des défis.» L’autre se veut stratégique autour de la question centrale de l’énergie et de son coût. Et pour cause, si les serres sont chauffées au gaz naturel, elles sont également approvisionnées par une cogénération qui permet de produire de l’électricité et de la revendre. Or en 2026, «les cogénérations n’existeront plus. Nous n’aurons plus de visibilité avec la fin programmée des contrats C13. Nous allons être soumis à la volatilité des cours de l’énergie», s’alarme la direction qui ne sera pas la seule concernée. C’est tout le secteur qui s’inquiète. Une nouvelle stratégie va devoir se mettre en place, mais avec quel modèle ? Telle est la question. Méthanisation, chaudière bois, à paille, pompe à chaleur, photovoltaïque… Et pourquoi ne pas se raccorder à un projet de méthanisation ? C’est une option si les agriculteurs du secteur saisissent cette opportunité. Des questions que le directeur souhaite poser directement aux élus : sénateur, président du département… tous seront invités à découvrir les serres, mais pas seulement. L’enjeu est aussi de les interpeller et de voir dans quelles mesures ils peuvent intervenir.