L’Éducation artistique et culturelle trace son avenir à Amiens
495 acteurs et professionnels de l’Éducation artistique et culturelle (EAC) se sont réunis à Amiens pour des assises européennes. Ils ont dressé durant trois jours un état des lieux de l’EAC, tout en explorant les défis à venir.

57 ans après le «Colloque d’Amiens» qui a contribué à bâtir l’éducation artistique et culturelle en France, près de 500 professionnels et représentants d’institutions se sont de nouveau réunis dans la cité picarde, du 8 au 10 octobre. Ces premières Assises européennes avaient pour objectif de dresser un état des lieux des pratiques artistiques à l’école, d’en montrer les bénéfices sur l’ensemble des apprentissages, mais aussi de réfléchir à l’avenir de l’EAC.
Combattre les inégalités
«L’éducation culturelle, c’est bien sûr la connaissance des œuvres, de l'histoire des arts, la rencontre avec des artistes, la découverte de structures culturelles, mais surtout la pratique», raconte Sophie Béjean, rectrice des Hauts-de-France. Pour la haute fonctionnaire, cette pratique doit susciter l'ouverture, la curiosité, la créativité des élèves et contribuer à leur réussite, y compris dans la maîtrise des savoirs fondamentaux. «La lecture, l'écriture, ça passe aussi par la culture», affirme-t-elle, rappelant que l’EAC est un levier pour l’égalité des chances où l’on peut concilier apprentissage et plaisir.
«Tant que l’éducation artistique et culturelle ne sera pas inscrite dans le socle des apprentissages, il sera très compliqué de compenser les inégalités, qui se forment très tôt et constituent de véritables injustices», abonde Xavier Bertrand, président de la région Hauts-de-France. Un avis partagé par Emmanuel Ethis, délégué interministériel à l’éducation artistique et culturelle : «64% des jeunes ont bénéficié d’au moins une expérience d’éducation artistique et culturelle. Mais cela signifie que 25% n’y ont pas accès. Nous devons y remédier», souligne-t-il, avant d’évoquer la nécessité de préserver une culture commune. «On voit que ceux qui continuent à faire des enfants sont plutôt issus des classes les plus favorisées ou défavorisées. Est-ce que l’on sera encore capable de construire un programme commun qui nous permette de faire qu’à l’école se produise le meilleur ?», s’interroge-t-il.
Une ouverture européenne
L’enjeu de ces Assises était aussi d’apporter une dimension européenne à l’EAC, en valorisant les coopérations et initiatives transnationales. Des échanges rendus possibles notamment grâce à Erasmus+. «Ce programme soutient de nombreux projets artistiques et culturels européens, comme des résidences d'artistes en milieu scolaire, des échanges entre conservatoires, théâtres, associations culturelles, ou encore des formations de professeurs à la médiation culturelle», explique Nelly Fesseau, directrice de l’agence Erasmus+ France.
Ce dispositif bénéficie, entre 2021 et 2027, d’un budget de 2,2 milliards d’euros. La Commission européenne a d’ores et déjà annoncé une augmentation de 55% pour la prochaine programmation, soit plus de 3 milliards d’euros uniquement pour la France. Cette hausse concernera principalement les secteurs scolaires et de la formation professionnelle. «Former des citoyens européens sensibles, ouverts, créatifs, dans un monde fragmenté, est sans doute la plus belle de nos missions communes», ponctue Nelly Fesseau.
Amiens Métropole en pointe sur l’EAC
Déployée dès les années 1950 dans les écoles d’Allonville et de Creuse, l’Education artistique et culturelle a toujours irrigué les politiques publiques d’Amiens Métropole. Signataire en 1993 des premiers Contrats Locaux d'Education Artistique, la collectivité a repensé le dispositif en 2022, avant de signer un an plus tard un Contrat métropolitain de généralisation de l’EAC, et de décrocher, en 2024, le label 100% EAC. «L'accès à la culture n'est pas simplement un besoin, mais une nécessité, encore plus sur un territoire qui souffre de pauvreté comme le nôtre», observe Alain Gest, président d’Amiens Métropole. Aujourd’hui, trois élèves sur quatre bénéficient d’un des dispositifs de l’EAC au cours de l’année scolaire. «Amiens est un laboratoire pour l’EAC de demain», affirme pour sa part Hubert de Jenlis, maire d’Amiens, avant d’annoncer la création, dès ce mois d’octobre, du premier réseau de partenaires de l’EAC. Avec le soutien d’Erasmus+, ce réseau réunira des villes, des établissements culturels, des chercheurs, des artistes et des enseignants de six pays européens. «Ils vont partager leurs pratiques, apprendre les uns des autres et faire émerger une vision commune de l'éducation culturelle à l'échelle du continent», détaille l’édile.