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Lilaea, préserver la qualité de l'eau

Née dans l'Aisne, à Saint-Quentin, en 2021, Lilaea est une start-up spécialisée dans le suivi de la qualité de l'eau douce pour les collectivités et les entreprises. Fortes d'un certain succès dans ce domaine, ses créatrices, Anne Gaspar et Élodie Géba, développent un volet de transmission des connaissances autour des grands enjeux de la gestion de l'eau auprès de tous les publics.

Elodie Géba et Anne Gaspar, dirigeantes de Lilaea. (c) Marie-Line Waroude
Elodie Géba et Anne Gaspar, dirigeantes de Lilaea. (c) Marie-Line Waroude

C'est une start-up qui monte depuis son lancement en 2021. Lilaea se spécialise dans le suivi de la qualité de l'eau douce de nos cours d'eau, notamment à l'aide de stations de surveillance. La société incubée à EuraTechnologies à Saint-Quentin a été créée par deux jeunes femmes, Anne Gaspar et Elodie Géba. «Nous nous connaissons avec Anne depuis 2011 et nous nous sommes rencontrées sur les bancs de la faculté en biologie à Reims, raconte Élodie Géba. Je voulais être chercheuse en environnement et océanologue et j'ai découvert la partie eau douce à la fac où j'ai suivi une licence de biologie en physiologie des organismes, un master en génie écologique faune sauvage et environnement puis j'ai continué en thèse d'écotoxicologie, une science qui étudie l'arrivée des polluants dans les écosystèmes». 

Association de compétences 

Le parcours de ces étudiantes d'alors se rejoint quand Anne Gaspar, qui n'a pas achevé sa licence de biologie, se réoriente plus tard dans l'informatique et les systèmes embarqués. Les deux amies échangent alors sur leurs problématiques respectives. «L'idée de s'associer est née de mon projet d'études réalisé à l'Insset à Saint-Quentin durant lequel j'ai eu l'occasion de travailler sur un drone se posant dans l'eau puis sur un sous-marin embarquant des capteurs, raconte Anne Gaspar. J'ai demandé à la faculté ce qu'ils feraient du projet et j'ai compris qu'il ne deviendrait qu'un démonstrateur. En échangeant avec Élodie, elle me disait que de leur côté, pour réaliser le suivi de la qualité de l'eau douce, ils manquaient d'outils et devaient bricoler avec des appareils développés pour surveiller les milieux marins». 

Les deux jeunes femmes décident donc de mettre leurs compétences en commun, la technique et la robotique d'Anne et la connaissance de l'eau pour Élodie, et réfléchissent au développement d'une start-up dans ce domaine. Toutes deux passionnées de mythologie grecque, elles pensent au nom de Lilaea qui est une naïade, c'est-à-dire une nymphe aquatique, protectrice d'une source d'eau. Peut-être aidées par les dieux de l'Olympe, elles se rendent compte assez vite que le suivi de la qualité de l'eau peut constituer un marché intéressant et répondre à un besoin. 

Les stations de surveillance de Lilaea, amarées ou ancrées dans l'eau, effectuent des relevés 7j/7 et 24h/24. (c) Marie-Line Waroude

«En 2018, la loi NOTRe fait en sorte que les collectivités récupèrent toutes les compétences de la gestion de l'eau dont le suivi de la qualité sur les environnements, auparavant assuré par les agences de l'eau, c'est la compétence Gémapi (Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations) et la compétence de gestion des eaux pluviales est créée pour les grosses communautés d'agglomération, relève Élodie Géba. Avec ces compétences développées et créées, un tout nouveau marché de l'eau apparaît, avec peu d'acteurs présents. Et puis, nous ne sommes plus seulement dans une gestion industrielle de l'eau où on pompe de l'eau pour en faire de l'eau potable, on la distribue, on la rejette. La Gémapi réconcilie les usages humains de l'eau avec son cycle naturel et prévoit une approche globale, il fallait tout repenser». 

Une start-up soutenue 

Le contexte de la création de la start-up se révèle donc favorable et les deux jeunes femmes sont encouragées par leur écosystème. L'après-Covid et la sécheresse de l'été 2022 remettent les enjeux autour de l'environnement et de la préservation de la ressource eau au cœur des préoccupations. Lilaea est soutenue par des financements publics de nombreux acteurs : la BPI et la région Hauts-de-France via le fonds régional d'incubation. «Nous avons eu 15 000 euros de subventions, cela nous a permis de fabriquer un premier prototype de station de surveillance en temps réel et cela nous a donné de la crédibilité quand nous sommes allées voir les banques», souligne Elodie Géba. Les deux jeunes femmes remportent aussi le prix Pépite 2021 récompensant les étudiants entrepreneurs. 

Développer une pédagogie 

Les premières stations de surveillance de l'eau sont posées dans les marais d'Isle à Saint-Quentin et permettent à l'agglomération du Saint-Quentinois de relever la qualité de l'eau du site qui abrite une base de loisirs et une aire de baignade. «Nous travaillons pour des collectivités pour lesquelles nous interprétons les résultats récoltés et allons jusqu'à préconiser un plan d'action et à les accompagner dans leurs futurs choix d'investissements pour qu'ils soient le plus efficace possible. Et nous travaillons avec des entreprises pour leur suivi des rejets industriels mais aussi pour celles qui souhaitent intégrer l'eau à leur politique RSE, nous leur faisons un diagnostic qu'elles aient ou pas des prélèvements ou des rejets d'eau. Une entreprise peut ne pas utiliser d'eau mais être dépendante de l'eau chez ses fournisseurs ou sous-traitants, parfois sans le savoir», explique Élodie Géba. 

Lilaea développe aussi un autre volet de son activité : la transmission des connaissances auprès du grand public dès l'âge de six ans et auprès de publics spécialisés : entrepreneurs, techniciens, élus. Une pédagogie nécessaire pour apprendre à renaturaliser des cours d'eau, raisonner son usage de l'eau et réduire son empreinte eau. Lilaea a même créé un jeu de société sur cette question. «Il y a plusieurs années, ce sujet de l'eau qu'on croyait pour toujours abondante, n'en était pas un, les sécheresses avec les arrêtés de limitation d'usage et les inondations ont changé la donne. Les gens sont de plus en plus réceptifs et on ne les culpabilise pas, l'idée n'est pas du tout de leur faire la morale, souligne Élodie Géba. Nous expliquons par exemple à des élus comment arrêter de bétonner, ils nous disent que ça n'est pas simple parce que cela revient à leur dire d'agir à l'inverse de ce qui a été fait ces dernières décennies. L'aspect médiation et pédagogie est important». 

Lilaea sensibilise également les jeunes publics avec des jeux qui permettent d'une part de rendre ce sujet moins angoissant et d'autre part, d'inviter à agir et de démontrer que cette problématique est surmontable. La start-up, qui travaille essentiellement dans les Hauts-de-France, souhaite désormais développer sa clientèle vers le Grand Est et l’Île-de-France. Elle souhaiterait aussi développer le volet prévention pour les entreprises qui ont des rejets industriels dans les cours d'eau. Les projets ne manquent pas pour les deux associées.

En chiffres

- 5 employés

- 160 000 € de CA en 2024

- 1 500 personnes sensibilisées aux enjeux de l'eau