Dossier

Savoir communiquer en période de crise

Face à une crise qui couve ou qui explose au grand jour, les responsables se doivent de réagir rapidement pour mettre en place une stratégie de communication afin de ne pas subir la situation qui peut avoir de graves conséquences sur la santé économique de l’entreprise mais aussi sur son image. Le silence n’est plus une option à l’ère du numérique et de la prolifération d’informations.

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L'entreprise encore appelée France Télécom confrontée à une vague de suicides, la Société générale qui a perdu près de cinq milliards d’euros lors de l’affaire Kerviel, ou plus récemment, la marque Kinder qui a dû faire face à une contamination à la Salmonelle, sans oublier les eaux en bouteille du groupe Nestlé Waters ; autant de scandales qui ont éclaté au cours des deux dernières décennies avec des répercussions sur l’image de marque mais aussi sur les résultats des entreprises. Le monde entrepreneurial n’est pas le seul à souffrir de «bad buz», les collectivités sont tout aussi concernées après certains choix. Quand un scandale éclate, les réactions et les explications des responsables sont attendues. Force est de constater que le silence n’est plus de mise. Et contrairement à ce que certains semblent encore penser, l’important n’est pas de faire parler de soi. Dans un monde hyperconnecté, la crise peut vite se propager et prendre une ampleur incontrôlable. La situation de crise va mettre en jeu la survie de l’entreprise ou d’une marque. La communication est donc aussi importante que la gestion. La maîtrise est un élément fondamental, notamment la maîtrise du narratif de l’histoire.

Des erreurs à ne pas commettre

Selon l’école des nouveaux métiers de la communication, les principes fondamentaux d’une bonne communication de crise passent avant tout par une anticipation et une préparation. Une étape que l’équipe dirigeante devra donc réfléchir en amont pour établir le rôle de chacun et penser une organisation pour réagir au plus vite. Deuxième règle à respecter : miser sur la réactivité et la transparence. «La transparence, ce n’est pas tout dire, c’est une attitude, lors d’une conversation», explique une experte.

En cas de problèmes avec un produit, par exemple, mieux vaut prévenir le consommateur ou les clients que d’attendre, dans son coin, en espérant que personne ne se rende compte de rien. Plus la réponse sera tardive et floue, «plus il y aura un loup», comme le consacre l’expression… avec comme conséquence une perte de crédibilité et une aggravation de la situation. La cohérence du message devra donc s’imposer pour éviter tout message contradictoire. Pour la papesse de la communication et de la gestion de crise, Emmanuelle Hervé, présidente fondatrice d’EH&A : il s’agit de «ne pas commettre les erreurs de base» qu’elle assimile aux «sept péchés capitaux.» Certaines attitudes sont à proscrire comme le déni, le fait de jouer la carte du bouc-émissaire, la victimisation, l’arrogance ou encore la globalisation dans le sens où «tout le monde fait ça», sans parler de la minimisation ou encore de la mauvaise foi.

Reprendre la main

En pleine crise, la communication en interne est souvent oubliée, or, selon les spécialistes elle est le moyen «de passer les messages aux collaborateurs qui bénéficient d’une meilleure image que la direction.» L’enjeu est donc de leur transmettre des éléments de langage, de s’appuyer sur eux, qui restent dans la plupart du temps les grands oubliés. Face à une situation problématique, le directeur de la communication n’est pas le spécialiste à qui se référer, car «faire de la communication et de la communication de crise, ça n’a rien à voir», ne cesse de marteler les experts qui rappellent que la communication de crise doit expliquer les faits, présenter les actions avec toujours de l’empathie face aux problèmes rencontrés et aux victimes potentielles. Pour réussir à convaincre, il faut donc s’engager et incarner ce rôle. Dans le cas inverse, sans empathie et sans incarnation, l’échec est assuré. La veille sur les réseaux sociaux va permettre à l’entreprise incriminée de mieux percevoir comment l’entreprise est perçue. Remonter les informations va ainsi permettre d’adapter la communication.

Jouer la carte de la prudence

Les exemples récents montrent que personne n’est à l’abri. Pas plus les grands groupes comme le géant Stellantis au cœur d’une crise qui secoue l’industrie avec les airbags Takata et un rappel tardif révélateur «d’une gestion de crise désastreuse», selon les spécialistes. D’autres, pourtant avertis comme un patron de presse qui après avoir liké une publication d’extrême droite sur LinkedIn a dû démissionner. Son mea-culpa n’aura pas suffi, ce qui démontre l’importance de ne pas sous-estimer le pouvoir des réseaux sociaux. Une simple réaction, en l’occurrence un pouce levé peut provoquer une tempête. Un exemple que beaucoup devraient garder à l’esprit avant de réagir à la va-vite.

La veille sur les réseaux sociaux

Avec la montée en puissance des réseaux sociaux et à l’heure où l’ensemble de la société est hyperconnectée, les équipes de direction gardent toujours un œil grand ouvert sur les commentaires qui suivent un post sur les réseaux sociaux. L’enjeu est de débusquer un commentaire négatif qui peut poser un problème. «Il ne s’agit pas de répondre à chaque message que l’on juge faux ou sévère, mais de réagir dès qu’on se sent attaqué de façon malhonnête. Récemment, c’étaient des commentaires sur notre politique d’intégration des nouveaux salariés alors que ces haters n’avaient jamais travaillé chez nous. J’ai trouvé ça tellement injuste et faux que j’ai décidé de ne pas attendre pour réagir», confie une DRH. Avoir l’œil ouvert et réagir vite. Qu’importe la taille de l’entreprise, les répercussions sur la réputation ou encore sur la marque employeur ne peuvent plus être ignorées à une période où les directions peinent à recruter, faute de candidats. Face à la viralité de l’information, supprimer les commentaires négatifs accessibles et visibles à la vue et au su de tous est donc indispensable mais ne suffit pas. Pour nettoyer l’e-réputation, un enrichissement avec des contenus éditoriaux positifs devra être engagé.