Dossier culture et loisirs
Tourisme de mémoire: se fédérer pour rayonner
Inscrits au Patrimoine mondial de l’Unesco, les 139 sites funéraires et mémoriels de France et de Belgique devraient profiter d’une dynamique commune et fédératrice portée par la mission Patrimoine de la première Guerre mondiale qui a conclu un accord-cadre en février dernier. L’enjeu est de miser sur une communication et des actions communes pour un meilleur rayonnement.

Chaque année, le tourisme de mémoire attire des millions de touristes et participe au besoin de replonger dans le passé, retrouver ses racines ou encore mieux comprendre l’histoire. Et parmi les dix hauts lieux de la mémoire nationale, l’Ossuaire de Verdun est le site le plus visité. 2018 aura été la dernière année des commémorations du Centenaire de la Première Guerre mondiale. À ce titre, le Grand Est a bénéficié d’une importante couverture médiatique qui s’est traduite par des résultats encourageants comme le prouve la fréquentation du Mémorial de Verdun qui a doublé passant de
73 000 visites en 2013 à plus de 191 000 en 2016. Une dynamique stoppée nette par l’épidémie de Covid à partir de 2020. En 2022, 11,4 millions de visiteurs étaient recensés, soit une hausse de 46 % par rapport à 2021, selon le ministère des Armées qui a notamment la charge des hauts lieux de mémoire et des nécropoles. Parmi ces touristes, 2,7 millions étaient étrangers. Après deux années marquées par la crise sanitaire qui a conduit à une baisse drastique de la fréquentation des sites mémoriels en France, le nombre de voyageurs a donc retrouvé des couleurs. Mais malgré les bons résultats affichés, la fréquentation n’atteignait pas son niveau de 2019 (- 25 %). Dans ce contexte, comment continuer à faire vivre la mémoire sans dénaturer les sites à l’heure où les derniers témoins ont tous disparu ? Comment s’inscrire dans la durée ? Après les doutes entre 2020 et 2022, la Meuse a vite retrouvé le sourire. «Le Mémorial ainsi que les Forts de Vaux et de Douaumont se portent bien en termes d’affluence, notamment grâce à une vraie programmation culturelle ce qui permet aux sites de rester attractifs et dynamiques», analyse Jérôme Dumont, le président du département de la Meuse.
Programmation et investissement : deux piliers incontournables
Depuis 2024, deux nouveaux rendez-vous sont proposés en Meuse avec le Festival Passeurs d’histoire en novembre ou encore le week-end aviation en juin. En 2024,
316 000 entrées étaient dénombrées pour les trois sites incontournables verdunois qui sont enfin revenus à la hauteur de 2019. Au-delà de la programmation culturelle et des campagnes de communication, les travaux de rénovation jouent un rôle moteur dans la dynamique observée localement. Après le Mémorial qui avait été entièrement rénové et agrandi, c’est désormais le Fort de Vaux qui va faire peau neuve avec cinq millions d’euros prochainement injectés et cofinancés par l’État, la Région Grand Est et le département de la Meuse. «Nous devons faire vivre ces sites qui représentent la porte d’entrée touristique», confie le président Dumont, conscient que cet afflux de visiteurs est indispensable pour impluser le tourisme vert ou encore le tourisme d’affaire. Les Meusiens pensent d’ores et déjà à la future inauguration du Fort de Vaux en 2026 et ont ainsi lancé l’invitation au président Macron, espérant un déplacement présidentiel synonyme d’une internationale.
Une nécessité de se fédérer
Si chaque département joue sa carte et met en avant ses sites mémoriels, tous ont bien en tête le célèbre adage : «l’union fait la force». C’est tout l’enjeu de l’accord-cadre signé en février dernier par la mission Patrimoine de la Première Guerre mondiale. Un accord qui marque une étape essentielle après des années d’engagement portée par l’association franco-belge «Paysages et sites de mémoire de la Grande Guerre» fondée en 2011 avec la volonté de voir les cimetières militaires et les sites mémoriels inscrits et reconnus comme «patrimoine mondial». Un travail de longue haleine récompensé par «une vision partagée pour l’ensemble des sites et leur valeur universelle», le 23 septembre 2023, lors de la 45e session du comité du patrimoine mondial avec l’inscription des 139 sites, sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco. Désormais présidée par le Meusien Jérôme Dumont, la mission Patrimoine vise ainsi à «fédérer les collectivités et les gestionnaires de sites», sachant que l’État gère 82 % des sites. Ce sont donc trois régions françaises dont le Grand Est, 13 départements et des collectivités territoriales qui font partie de l’aventure. Partageant tous une même vision, ils vont pouvoir enfin porter collectivement des actions. Vote d’un budget dédié, recrutement d’un directeur et d’une équipe, création d’un site internet et d’un logo… sont au programme. La priorité est de créer une même signalétique autour de panneaux directionnels. La volonté affichée est de ne pas tomber dans l’oubli et de profiter des retombées économiques, à l’instar de Compostelle. Passer de la mémoire à l’histoire ; c’est le défi que tous ont décidé de relever collectivement.
Quatre régions au top
Selon une étude conduite en 2022, par le ministère des Armées, seules quatre régions françaises dépassent le million de visiteurs, c’est-à-dire le palier d’avant Covid (2019, année de référence et de record pour le tourisme de mémoire) avec :
- les Hauts-de-France avec 1 million de visiteurs ;
- le Grand-Est avec 1,6 million de visiteurs ;
- l’Île-de-France avec 1,9 million de visiteurs ;
- la Normandie avec 5,1 millions de visiteurs.