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A Rillieux-la-Pape, l'escalade des violences urbaines

A Rillieux-la-Pape, près de Lyon, où le tournage sauvage d'un clip a dégénéré en incendie, les violences urbaines se multiplient dans un climat de défiance des jeunes...

Des appartements incendiés dans un immeuble de Rillieux-la-Pape, en périphérie de Lyon, le 10 novembre 2025 © JEFF PACHOUD
Des appartements incendiés dans un immeuble de Rillieux-la-Pape, en périphérie de Lyon, le 10 novembre 2025 © JEFF PACHOUD

A Rillieux-la-Pape, près de Lyon, où le tournage sauvage d'un clip a dégénéré en incendie, les violences urbaines se multiplient dans un climat de défiance des jeunes envers le maire et sa police.

Samedi, un immeuble de la cité des Alagniers s'est embrasé sans faire de blessés, mais cinq appartements ont été sinistrés. Selon les autorités, le feu a pris à partir d'un mortier tiré sur les policiers par des jeunes qui participaient au tournage du clip d'un rappeur de la ville voisine de Vénissieux, BFK.16. 

Ce dernier a été interpellé et placé en garde à vue jeudi matin, avec trois autres personnes soupçonnées d'avoir participé au tournage et aux affrontements avec les forces de l'ordre qui ont suivi.

Bus et voitures incendiés, caillassages contre la police, attaque du commissariat...: les violences urbaines ponctuent depuis des années la vie de cette commune de 31.480 habitants, dont les deux-tiers vivent dans la ville nouvelle aux 85% de logements sociaux.

Pour le maire, Alexandre Vincendet (droite, Horizons), "c'est une guerre de territoire" qui se joue entre certains jeunes et les autorités.

Pour "reprendre le contrôle" des lieux, l'édile de 42 ans a mis en place un vaste programme de rénovation urbaine, qui prévoit la démolition d'environ 1.000 logements sociaux, dont l'une des plus vieilles barres, l'Arche de la Paix, un point de deal selon lui.

Le maire voit les violences de samedi, survenues au pied de cette tour, comme une manifestation de l'opposition à sa destruction et assure ne rien vouloir céder. 

"Plusieurs dizaines de policiers vont être mobilisés pendant plusieurs mois pour qu'on puisse la démolir, pour qu'on puisse tenir le secteur, pour montrer que la République ne peut pas reculer", tonne-t-il dans son bureau, où trônent les portraits présidentiels de Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy.

Il assure également planifier l'expulsion locative d'environ 40 personnes en lien avec les violences urbaines: "Si on tape assez fort, ça va finir par rentrer." 

Travestir la ville

De fait, les grands projets du maire ne sont pas toujours bien perçus. 

L'Arche de la Paix, "c'est un pilier du quartier. La démolir, c'est travestir la ville", dénonce le rappeur de Rillieux GRC, 27 ans, qui a lui aussi tourné plusieurs clips en bas de cette tour. "Depuis cinq ans, c'est travaux, travaux, travaux", dit-il, déplorant ne plus reconnaître la ville.

Plusieurs jeunes rencontrés par l'AFP assurent mollement que "c'est dommage" de la démolir, mais dénoncent surtout un maire en retrait de sa population - "qui nous parle à travers les plateaux télé" -  et l'importante présence policière à Rillieux. 

Passée en zone police il y a une quinzaine d'années, la ville bénéficie de renforts réguliers et d'une brigade de terrain. 

Quant à sa police municipale, l'une des mieux dotées du département avec 31 policiers et une brigade cynophile, elle est aussi l'une des premières à avoir été armée et dotée de caméras piétons. 

Selon la mairie, 160 caméras sont disposées sur l'ensemble de la commune.

Trafic "résiduel

Aux Alagniers, résidents âgés, mères de familles et même fonctionnaires assurent avoir déjà entendu des agents de la police municipale insulter ou provoquer les jeunes.

Un discours amplifié par Abdelkader Lahmar, député LFI de la circonscription depuis 2024, qui a dénoncé en mars à l'Assemblée des "verbalisations abusives et inefficaces qui se multiplient à Rillieux-la-Pape". 

Soulignant que la ville n'est pas "touchée par la grande délinquance", il a jugé que le "phénomène avait participé à fragiliser les relations police-population".

Rillieux abrite du trafic "résiduel" de cannabis , "sans commune mesure avec ce qu'on peut rencontrer dans d'autres communes de l'agglomération", confirme une source policière.

Selon elle, la ville abrite en revanche un petit groupe de jeunes "spécialisés dans les violences urbaines" et "habitués à faire des guet-apens" à la police: des "gamins de 13, 14 ans, "pas forcément déscolarisés, puisqu'on a un pic de délinquance les week-ends et durant les vacances scolaires".

S'ils sont minoritaires, le climat est tellement tendu qu'il favorise toutes les rumeurs. Depuis samedi, beaucoup de jeunes sont convaincus que le feu a été déclenché par une étincelle d'un tir de LBD même quand s'ils n'ont rien vu de la scène.

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