Alerte du FMI sur les finances publiques de la France
Inquiet de l’état des finances publiques françaises, le FMI enjoint le gouvernement à des réformes draconiennes de ses dépenses sociales, afin de ramener au plus vite le déficit en deçà de 3 % du PIB.

« L’engagement
des autorités françaises à ramener le déficit en dessous de 3 %
du PIB d’ici à 2029 est bienvenu et doit être étayé par un
ensemble de mesures bien défini et crédible ». C’est en
ces termes choisis que l’étude annuelle du FMI consacrée à la
France invite le gouvernement à des actions significatives et
difficiles concernant les finances publiques. Il est vrai que le
sujet n’avait été qu’effleuré durant la campagne
présidentielle de 2022, avant de devenir central depuis la
dissolution manquée de 2024. Hélas, les marges de manœuvre politiques pour réformer se sont réduites comme peau de chagrin,
entre menace de censure parlementaire et danger de compromettre ses
chances lors des prochaines échéances électorales.
« 6 %
de déficit public à moyen terme »
Dans
le projet de loi de Finances (PLF) pour 2025, le gouvernement
français prévoyait un taux de croissance de 1,1 % (identique à
2024), un déficit public de 5 % du PIB (6,1 % en 2024) et
un taux d’endettement public de 114,7 % du PIB (112,9 %
en 2024). Mais, depuis, l’incertitude s’accroît — tant au
niveau national qu’international —, l’indicateur de climat des
affaires se dégrade, la consommation des ménages reste en berne…
Par conséquent, l’activité reste atone en France et à peine plus
dynamique au sein de l’UE, conduisant à réviser négativement
tous les chiffres du budget : croissance de 0,9 %, déficit
public à 5,4 % du PIB et dette à 115,4 % du PIB.
Tant
et si bien que le déficit qui stabiliserait le taux d’endettement
public (environ 2,6 % du PIB) devient hors d’atteinte à
périmètre constant de dépenses et de recettes. Le FMI en déduit
que « sans l’adoption de mesures additionnelles
significatives, il resterait autour de 6 % du PIB à moyen terme
et la dette publique continuerait d’augmenter jusqu’en 2030 »,
ce qui rendrait l’endettement difficilement soutenable, d’autant
qu’il se situe à un niveau déjà très élevé (50 points de plus
qu’outre-Rhin). Pourtant, en dehors de l’Allemagne, d’autres
pays (Italie, Espagne…) ont réussi à mettre en œuvre des mesures
importantes pour soutenir la croissance tout en maîtrisant le solde
budgétaire, ce qui leur a valu des félicitations de la part du FMI.
La France se classe donc
lanterne rouge au sein de la zone euro, toujours sous les menaces
conjuguées d’une procédure européenne pour déficit excessif,
d’une exaspération sociale et d’une éventuelle dégradation de
la note souveraine de la France par les agences de notation.
Les
pistes socialement explosives du FMI
Voilà trois décennies que les gouvernements successifs s’engagent à résorber le déficit public et à stabiliser l’endettement. Mais au fur et à mesure de la dégradation des comptes publics, l’équation est devenue plus difficile à résoudre. Trouver, en 2025, 40 milliards d’euros ne pourra cependant pas résulter uniquement de coupes dans les dépenses, sous peine de plonger le pays dans une grave récession, tant cela amputerait la demande adressée aux entreprises. C’est pourquoi le Premier ministre, François Bayrou, ne cesse d’osciller entre longues discussions avec les partenaires sociaux et ballons d’essai nombreux sur des mesures chocs (taxation de l’épargne, hausse de TVA…), suggérant même la tenue d’un référendum sur les mesures budgétaires.
Le
FMI, quant à lui, ne s’embrasse pas de tant de préventions et
recommande un ajustement structurel important de 1,1 % du PIB
dès 2026, puis 0,9 % du PIB par an à moyen terme, tout en
cherchant à préserver les dépenses essentielles, les
investissements favorables à la croissance et aux gains de
productivité, tant ces derniers font défaut en France. Ce sont donc
25 à 30 milliards d’euros minimum qu’il faudra trouver
chaque année, jusqu’à revenir en dessous de la barre fatidique
des 3 % du PIB de déficit public !
Même
s’il n’est pas contre « des mesures exceptionnelles et
temporaires sur les recettes », le FMI préconise d’abord de
réduire les dépenses fiscales et sociales inefficaces, tout en
luttant mieux contre l’évasion fiscale. Beau programme, mais
comment cibler ces dépenses inefficaces et autres niches sociales ou
fiscales sans susciter l’ire de leurs bénéficiaires, parfois
bien organisés ? Quant à l’idée de « rationaliser
les dépenses publiques et à en renforcer l’efficience, au moyen
d’une action concertée à tous les niveaux d’administrations
publiques », elle est
un serpent de mer depuis les premières lois sur la décentralisation
en 1982. Et que dire de la proposition choc de lancer une énième
réforme de l’assurance- chômage
et des retraites, dans un pays où chaque gouvernement s’y est pour
ainsi dire frotté de proche ou de loin, le plus souvent avec un
bénéfice économique (temporaire) à peine plus élevé que le coût
social et politique ?
Au-delà
du caractère indispensable de certaines réformes, l’enjeu est
avant tout de les rendre équitables, de leur donner un sens
politique en y associant largement les parlementaires, afin que
l’opinion publique s’y rallie. Difficile, cependant, lorsque
l’Assemblée nationale et le corps électoral sont autant divisés…