Au procès de Le Scouarnec, pas de pardon des victimes mais de la "colère"
Les victimes ne "pardonneront jamais" au pédocriminel Joël Le Scouarnec dont les excuses sont considérées comme une "grande sérénade", ont affirmé mercredi les avocats des parties civiles au deuxième jour des plaidoiries devant...

Les victimes ne "pardonneront jamais" au pédocriminel Joël Le Scouarnec dont les excuses sont considérées comme une "grande sérénade", ont affirmé mercredi les avocats des parties civiles au deuxième jour des plaidoiries devant la cour criminelle du Morbihan à Vannes.
Devant une cinquantaine de victimes, une cour parfois émue aux larmes et un accusé toujours impassible, une trentaine d'avocats ont défilé à la barre pour porter, une dernière fois, la parole de leurs clients.
Tour à tour, ils ont dessiné ces "vies cabossées", raconté comment une femme, jeune mère, a vu son couple exploser lorsque les enquêteurs lui apprennent qu'elle a subi des violences sexuelles, comment une autre a manqué de s'effondrer lorsque l'accusé, face à elle, a appuyé "avec délectation" sur le mot viol.
Comme chaque jour depuis le début du procès, la sincérité des excuses répétitives de Joël Le Scouarnec, déclamées à des victimes même si elles indiquaient les refuser, a été mise en doute.
"Il nous a été martelé votre grande repentance, la grande sérénade de +j'ai changé+", s'agace Me Delphine Caro. "Mais à qui ferez-vous croire que vous avez changé?"
"Vous êtes le pire pédophile de masse qui ait jamais existé (...) la bombe atomique de la pédophilie", lance Me Thomas Delaby.
Quand se pose la question de "pardonner" Joël Le Scouarnec, sa voix se durcit. "Jamais", assène-t-il. "Ils ne vous pardonneront jamais."
Maître du jeu
Si plusieurs avocats louent la "défense bienveillante" incarnée par Me Maxime Tessier et Me Thibaut Kurzawa, qui ont aidé le médecin à reconnaître le 20 mars l'ensemble des faits dont il est accusé, d'autres ont vu dans ce moment fort du procès un "aveu utilitaire", comme Me Iannis Alvarez.
Ces "aveux n'en sont pas vraiment. Ce sont juste un nouvel outil de contrôle et une manière d'apparaître honorable", accuse-t-il.
Pour Me Giovanni Bertho-Briand, "reconnaître tout, c'est ne rien reconnaître. Et reconnaître des faits sans s'en souvenir, ça ne fait aucun sens."
Car tout au long du procès, Joël Le Scouarnec a opposé aux questions de la cour et des parties civiles une amnésie presque totale sur son enfance dans une famille hantée par les non-dits et l'inceste.
Il a aussi constamment répété "ne pas se souvenir" des agressions sexuelles et viols commis.
"Oublier, c'est s'interdire de se souvenir", estime Me Théo Barrière. "Votre parole est inaudible".
Me Anne Gastine, elle, rapporte le ressenti d'un de ses clients, "humilié", "souillé" lors de sa déposition, face à un accusé resté tout au long du procès "maître du jeu".
Colère
A l'issue de trois mois d'audience, les victimes éprouvent "beaucoup de colère, de frustration, de déception", résume Me Delphine Caro.
Il aurait fallu "davantage bousculer" Joël Le Scouarnec pour "accéder à la vérité", affirme Me Bertho-Briand, puisqu'aujourd'hui, "on ne sait toujours pas beaucoup plus qui est Joël Le Scouarnec, ce qui l'a poussé à agir ainsi", selon sa consoeur Me Séverine Nivault.
Et les institutions médicales n'ont pas pris leur part de responsabilité alors qu'"il suffisait qu'un seul parle pour que tout s'arrête", assure Me Jean-Sébastien Le Saux.
Jugé depuis le 24 février pour viols et agressions sexuelles sur 299 patients, majoritairement mineurs au moment des faits, Joël Le Scouarnec avait été condamné en 2005 pour détention d'images pédopornographiques, sans interdiction d'exercer.
Sa titularisation en août 2006 comme chef du service de chirurgie à Quimperlé (Finistère) avait été validée quelques mois plus tard par le Conseil départemental de l'Ordre des médecins (CDOM) de ce département breton.
L'accusé avait ensuite exercé à partir de 2008 à l'hôpital de Jonzac (Charente-Maritime) bien que la directrice ait été informée, par le chirurgien lui-même, de sa condamnation. Le CDOM de Charente-Maritime avait également donné son feu vert.
Le Conseil national de l'Ordre des médecins a dit mercredi, par la voix de son avocate Me Negar Haeri, "regretter" ces "dysfonctionnements" et assuré avoir mis en oeuvre des mesures pour "réparer non pas le passé mais l'avenir".
Une promesse dont doutent ses confrères.
"Est-ce qu'un nouveau Joël Le Scouarnec pourrait avoir lieu? La réponse est oui", affirme Me Alvarez. "Tout reprendra comme avant."
Suspendue, l'audience reprendra jeudi pour des plaidoiries qui se prolongeront jusqu'à vendredi. Les réquisitions sont attendues dans la foulée et le verdict sera rendu le 28 mai.
Joël Le Scouarnec risque 20 ans de prison.
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