Aux Lilas, mobilisation contre la fermeture d'une maternité pionnière du féminisme
Les femmes y ont vanté des accouchements "plus doux et plus libres" qu'ailleurs depuis 60 ans: des centaines de personnes se sont mobilisées jeudi aux Lilas, en Seine-Saint-Denis, pour protester contre la...
Les femmes y ont vanté des accouchements "plus doux et plus libres" qu'ailleurs depuis 60 ans: des centaines de personnes se sont mobilisées jeudi aux Lilas, en Seine-Saint-Denis, pour protester contre la fermeture imminente d'une maternité pionnière du féminisme.
"Le but de la maternité des Lilas était qu'une femme soit plus forte en sortant qu'en y entrant", a résumé au micro une sage-femme retraitée de l'établissement, Chantal Birman, 75 ans, en ouvrant un meeting en soirée dans un gymnase de la ville des Lilas.
Créée en 1964 par une comtesse fortunée, Colette de Charnière, la clinique aura été l'une des premières en France à pratiquer des méthodes d'"accouchement sans douleur" venues d'URSS.
Elle était aussi devenue un lieu d’accueil pour les femmes et médecins militant pour la libéralisation de la contraception et de l'avortement, pratiqué clandestinement entre ses murs, avant la loi Veil de 1975.
En sursis pour raisons financières depuis des années, cet établissement privé à but non lucratif va définitivement fermer ses portes vendredi soir.
Massée devant sa façade, les manifestants ont d'abord écouté chanter des dizaines de membres de l'équipe en blouses violettes, massés sur les escaliers extérieurs, qui entonnaient: "Nous sommes venues vous dire que nous partons et nos larmes n'y pourront rien changer".
Dans la rue, quatre féministes des "Femen" arboraient sur leur poitrine nue les mots "politiques hypocrites, clinique historique".
La petite structure, à un kilomètre à l'est d'une porte de Paris, compte quatre salles de naissance ainsi qu'un centre d'interruption volontaire de grossesse.
Pour Suewellyne, 39 ans, donnant le sein à son bébé né aux Lilas de cinq mois, "il n'y a pas assez de lieux comme ça, où c'est l'humain qui prime. Oui, les locaux étaient désuets, mais humainement les sages-femmes compensaient tout, car elles écoutaient vraiment, se concertaient vraiment".
Magique" d'être vraiment écoutée
Son garçon de trois ans dans les bras, Marion Bernard, professeure de 42 ans, a témoigné les larmes aux yeux auprès de l'AFP, face à l'établissement: "J'avais vécu mon premier accouchement comme un traumatisme dans un CHU, c'était froid, tendu. Le second, ici, était aussi très difficile mais en même temps magique, car j'étais écoutée, dans une institution féministe pas jugeante".
Pour elle, "c'est imposer une forme de torture aux femmes de les priver de toutes ces compétences qui rendent les accouchements plus doux et plus libres".
Les intervenants au meeting ont décrit une maternité où les futures mères étaient encouragées à choisir leur manière de mettre au monde leur enfant; où les sages-femmes ne cherchaient pas à accélérer le travail quand c'était possible (pour éviter les injections d'ocytocyne ou prévenir l'usage des forceps et de la césarienne).
Un établissement aussi où les soignants tutoyaient et appelaient par leur prénom mamans et papas, qui pouvaient y rester jusqu'à cinq jours après la naissance.
"Plus vous aidez les femmes à bien vivre ce qu'elles ont à vivre - en amont, pendant et après l'accouchement - moins vous aurez de jeunes mères qui feront des dépressions profondes ensuite, pouvant conduire au suicide, première cause de mortalité des femmes dans l'année suivant une naissance", a aussi insisté Chantal Birman.
La clinique aura dû lutter pour sa survie depuis 2012.
"Un terrain avait été réservé pour une reconstruction de l'établissement ailleurs il y a dix ans déjà" mais "l'Etat n'a pas tenu ses engagements", a déploré le maire des Lilas, Lionel Benharous (PS).
Cette fois, la fermeture est entérinée, "la maternité ayant d'abord perdu sa certification par la Haute autorité de santé" et le gestionnaire ne parvenant plus "à assurer la soutenabilité financière de l’activité", selon l'Agence régionale de santé.
La ministre de la Santé Stéphanie Rist a fait valoir jeudi sur franceinfo qu'un centre pour la santé des femmes remplacerait la maternité, avec "une prise en charge avant et après l'accouchement", mais pas au moment même de l'accouchement.
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