Contrôles d'identité "au faciès": la CEDH rend sa décision
La France va-t-elle être condamnée pour des contrôles d'identité discriminatoires ? La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) rend sa décision jeudi, épilogue d'un...

La France va-t-elle être condamnée pour des contrôles d'identité discriminatoires ? La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) rend sa décision jeudi, épilogue d'un long combat judiciaire pour six hommes.
Ces six Français, d'origine africaine ou nord-africaine et résidant à Roubaix, Marseille, Vaulx-en-Velin, Saint-Ouen et Besançon, dénoncent des "contrôles au faciès", subis en 2011 et 2012.
Après avoir perdu devant la justice française, ils ont saisi en 2017 la CEDH, qui veille au respect de la Convention européenne des droits de l'homme dans les 46 Etats qui l'ont ratifiée.
Ils demandent à la cour de condamner la France pour discrimination, violation de leur vie privée et de leur liberté de circulation.
Ils souhaitent aussi contraindre les autorités françaises à mettre en place des mesures pour empêcher les contrôles discriminatoires et garantir une traçabilité de ces contrôles, avec la remise d'un récépissé lors de chaque contrôle d'identité, par exemple.
Ces six requérants font partie d'un groupe de 13 hommes qui s'étaient lancés dans un combat judiciaire, dénonçant des contrôles injustifiés, parfois associés à des palpations, des insultes ou du tutoiement.
Après avoir perdu en première instance en octobre 2013, les plaignants avaient fait appel et en juin 2015, la cour d'appel de Paris avait donné raison à cinq d'entre eux, condamnant l'Etat à verser 1.500 euros de dommages et intérêts à chacun.
En novembre 2016, la Cour de cassation avait définitivement condamné l'Etat dans trois dossiers, une première historique.
Six hommes qui n'avaient pas obtenu gain de cause avaient décidé de porter l'affaire devant la CEDH.
Briser l'inertie
"Dans un contexte politique où les autorités ne prennent pas de mesures contre ce problème généralisé, la décision de la Cour européenne des droits de l'homme est particulièrement importante", estime Lanna Hollo, juriste et cofondatrice de l'association de lutte contre les discriminations (RE)Claim.
"Une décision forte pourrait enfin briser le déni et l'inertie des autorités françaises et les obliger à prendre des mesures concrètes et efficaces", souligne-t-elle.
La proportion de personnes ayant fait l'objet d'un contrôle d'identité a fortement augmenté entre 2016 et 2024, selon une enquête du Défenseur des droits (DDD) dévoilée mardi, pour laquelle 5.030 personnes ont été interrogées.
En 2024, 26% des personnes interrogées ont déclaré avoir été contrôlées par la police ou la gendarmerie au moins une fois au cours des cinq dernières années, contre 16% en 2016.
Les hommes jeunes et perçus comme arabes, noirs ou maghrébins ont quatre fois plus de risques de faire l'objet d'au moins un contrôle d'identité que le reste de la population et 12 fois plus de risques d'avoir un contrôle poussé (fouille, palpation, ordre de partir, etc.), révèle cette enquête.
Plus d'une personne sur deux (52%) déclare ne pas avoir reçu de justification du contrôle et 19% des personnes contrôlées évoquent des comportements inappropriés de la part des forces de l'ordre lors du contrôle (tutoiements, insultes, provocations, brutalité).
Au regard de ces résultats, la Défenseure des droits Claire Hédon a émis plusieurs recommandations, dont la traçabilité des contrôles d'identité afin de garantir aux personnes contrôlées la possibilité d'exercer un recours, notamment en cas d'allégation de discrimination.
Elle suggère aussi de modifier le cadre légal des contrôles d'identité en précisant à l'article 78-2 du Code de procédure pénale que les contrôles d'identité ne doivent pas être fondés sur les critères de discrimination prévus par la loi, et que le motif du choix de la personne contrôlée doit être objectivé et énoncé à la personne contrôlée, dans la mesure du possible.
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