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"En prison, notre mémoire se vide", témoigne Boualem Sansal

"En prison, notre mémoire se vide", a témoigné l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal, de retour en France après un an d'incarcération en Algérie, dans un entretien...

L'écrivain franco-algérien Boualem Sansal pose le 4 septembre 2015 à Paris © Joël SAGET
L'écrivain franco-algérien Boualem Sansal pose le 4 septembre 2015 à Paris © Joël SAGET

"En prison, notre mémoire se vide", a témoigné l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal, de retour en France après un an d'incarcération en Algérie, dans un entretien diffusé lundi sur France Inter. 

"J'ai découvert cette chose terrible en prison, c'est que notre mémoire se vide (...) On ne sait plus parler", confie l'auteur de 81 ans, qui dit avoir tenté de réciter des poèmes appris "par cœur" avant de "caler", notamment sur des vers de Verlaine.

Incarcéré pour certaines prises de position sur son pays natal, Boualem Sansal a retrouvé la liberté le 12 novembre, gracié par le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, à la demande des autorités allemandes. 

Transféré dans un premier temps à Berlin pour des soins médicaux avant d'arriver à Paris mardi, il a témoigné dimanche soir sur France 2 et dans le journal Le Figaro. 

Au départ, "j'étais un détenu comme les autres", raconte-t-il à la radio publique dans l'entretien enregistré dimanche chez son éditeur Gallimard. Mais face aux réactions en Europe et aux appels à sa libération, ses conditions de détention ont évolué: "À partir de là, j’étais comme un coq en pâte."

Même ainsi, "être prisonnier, c'est une humiliation", insiste-t-il. "On vous fouille du matin au soir, vous êtes comme un toutou: +Viens ici, assieds-toi là-bas, va là-bas, mange+. Ça, c'est terrible." 

Il nuance toutefois: "La prison, on peut s'y habituer, il ne faut pas croire que c'est si terrible que ça. On s'habitue, on a des amis, on a sa petite routine, la cellule, la cour, l’infirmerie...".

Durant son incarcération, l'écrivain dit avoir été "l'animateur" de cours pour les détenus préparant des examens et de séances de sport.

Mais "on est obligé de garder sa souffrance pour soi", assure-t-il. "On pleure dans sa cellule le soir, tout seul dans sa tête". 

La lecture lui a été en grande partie inaccessible. Les ouvrages disponibles étaient principalement religieux, en arabe. Les rares livres en français, "abandonnés" par d'anciens détenus, étaient parfois "bouffés par les mites". 

Il cite "Notre-Dame de Paris" de Victor Hugo, ainsi que des œuvres de Henry de Montherlant et Guy de Maupassant, "deux de (ses) auteurs favoris".

Écrire, en revanche, lui a été impossible: "On a besoin d’être avec soi, ça ne peut pas se faire dans ces conditions". Il y a renoncé, redoutant les fouilles "à l'improviste".

Boualem Sansal n'exclut pas d'écrire un livre sur cette période, mais "il faut trouver la façon de raconter cette histoire-là."

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