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Famille juive empoisonnée: une nourrice condamnée à de la prison ferme, relaxée pour antisémitisme

Reconnue coupable d'empoisonnement, relaxée pour antisémitisme: une nourrice ayant intoxiqué les parents d'enfants juifs dont elle avait la garde a été condamnée jeudi à deux ans et demi de prison ferme...

La justice a condamné à deux ans et demi de prison ferme une nourrice pour avoir empoisonné les parents d'enfants juifs dont elle avait la garde, mais a écarté la circonstance aggravante d'antisémitisme © DAMIEN MEYER
La justice a condamné à deux ans et demi de prison ferme une nourrice pour avoir empoisonné les parents d'enfants juifs dont elle avait la garde, mais a écarté la circonstance aggravante d'antisémitisme © DAMIEN MEYER

Reconnue coupable d'empoisonnement, relaxée pour antisémitisme: une nourrice ayant intoxiqué les parents d'enfants juifs dont elle avait la garde a été condamnée jeudi à deux ans et demi de prison ferme, mais aucune circonstance aggravante n'a été retenue.

Dans son jugement, le tribunal correctionnel de Nanterre a relevé "la gravité des faits, non pas dans leurs conséquences mais dans les modalités de leur réalisation", estimant qu'il s'agissait d'une "trahison majeure de la confiance" accordée par les parents.

Le président du tribunal a évoqué un "abus de pouvoir" et un "traumatisme durable" pour la famille, regrettant la "position erratique" de la prévenue tout au long du processus judiciaire.

Il n'a toutefois pas retenu la circonstance aggravante d'antisémitisme requise par le parquet lors du procès pour des phrases prononcées lors d'une perquisition au domicile de la nourrice dans lesquelles elle évoquait "l'argent et le pouvoir" de ses employeurs et disait regretter avoir travaillé pour une famille juive.

Le tribunal a jugé que les propos incriminés véhiculaient bien des clichés antisémites, mais ayant été tenus plusieurs semaines après la commission des faits et ayant été retranscrits par un officier de police judiciaire sans la présence d'un avocat, il était impossible de condamner la prévenue pour ce motif.

"Nous attendons du parquet qu'il interjette appel de ce jugement", a réagi auprès de l'AFP Me Sacha Ghozlan, l'avocat des parents.

"Écarter la circonstance aggravante de l'antisémitisme dans une affaire de cette nature envoie un signal particulièrement préoccupant", a pour sa part déploré Me Céline Bekerman, avocate de la Licra, partie civile au procès.

Satisfaite

Lors de sa garde à vue, cette nourrice de nationalité algérienne avait admis avoir versé en janvier 2024 des produits de nettoyage dans des bouteilles d'alcool, disant agir en raison d'un conflit sur sa rémunération pour la garde des enfants de 2, 5 et 7 ans de cette famille de Levallois-Perret (Hauts-de-Seine).

Mais lors du procès mardi dernier, cette femme de 42 ans était revenue sur ses aveux, affirmant avoir "inventé une histoire" sous la pression des policiers.

Une rétractation loin de convaincre le président du tribunal, qui avait rappelé à la nourrice qu'elle avait elle-même détaillé avoir ajouté de l'eau savonneuse dans une bouteille de whisky et de jus de raisin, des précisions alors inconnues des policiers.

Un démaquillant et un plat de pâtes avaient également été contaminés par des produits nettoyants, ont supposé les enquêteurs.

"La thèse de la manipulation policière semble pouvoir être écartée", a déclaré le président du tribunal lors de la lecture de la condamnation.

Lors de la perquisition, la nourrice avait affirmé avoir agi de la sorte contre ses employeurs "parce qu'ils ont de l'argent et le pouvoir, j'aurais jamais dû travailler pour une juive".

Le parquet avait dans un premier temps décidé de ne pas retenir la circonstance aggravante d'antisémitisme. Le juge d'instruction avait émis un avis différent, que le ministère public avait fini par suivre lors de ses réquisitions à l'audience, évoquant "un antisémitisme latent".

Le procureur avait demandé une peine de trois ans de prison.

La nourrice a pour sa part admis qu'il s'agissait d'une "phrase de haine" et présenté ses excuses aux parents, assurant ne pas être raciste ou antisémite.

Son avocate, Me Solange Marle, s'est dite "satisfaite" de la relaxe pour antisémitisme.

"Heureusement, les juges font leur travail consciencieusement et de manière indépendante et savent constater que la circonstance aggravante d'antisémitisme ne s'appliquait pas dans ce dossier", a-t-elle affirmé.

Le tribunal également condamné la nourrice pour usage de faux administratif, en l'occurrence une carte d'identité nationale belge factice. Elle se voit interdite du territoire français pendant cinq ans.

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