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Dossier : les grands projets 2026

FertigHy : l'engrais bas-carbone au cœur du territoire agricole

FertigHy est le grand projet d'usine de production d'engrais bas-carbone, à Languevoisin-Quiquery sur la communauté de communes de l'Est de la Somme. Pour un investissement privé à l'échelle européenne, estimé à 1,34 milliard d'euros, le projet est en phase de concertation continue, en attente de l'instruction du dossier et de l'enquête publique en 2026.

Le projet d'unité de production d'engrais bas-carbone, implanté sur une surface de 20 hectares à Languevoisin-Quiquery. © FertigHy
Le projet d'unité de production d'engrais bas-carbone, implanté sur une surface de 20 hectares à Languevoisin-Quiquery. © FertigHy

FertigHy est le nom de la société créée en juin 2023 par un consortium d'acteurs économiques européens que sont EIT InnoEnergy, RIC Energy, Maire, Siemens Financial Services, InVivo et Heineken. La dénomination «FertigHy» associe les mots «fertilizer» (engrais en anglais) et «hydrogène», celle-ci voulant ouvrir la voie à la transition vers une industrie européenne des engrais à faible émission de carbone. «Le concept est né des problèmes d'approvisionnement en engrais depuis l'entrée en guerre de la Russie en Ukraine, explique Thomas Habas, chef de projet FertigHy. L'explosion des prix des engrais a suivi les prix du gaz, l'enjeu est de contribuer à notre souveraineté industrielle et alimentaire car l'Europe et la France sont toujours dépendants à 70% des importations d'engrais».

Le chef de projet Thomas Habas. © FertigHy

RTE, co-maître d'ouvrage

FertigHy ajoute à son projet l'enjeu de décarbonation du secteur agricole et agro-alimentaire, avec une unité de production d'engrais bas-carbone à partir d'hydrogène renouvelable, produit sur site par électrolyse de l'eau. «Le procédé réduit les émissions de dioxyde de carbone de 80 à 90% par rapport aux autres usines utilisant des énergies fossiles, souligne Thomas Habas. Pour la production annuelle de 500 000 tonnes d'engrais envisagées, cela représente un million de tonnes de CO2 non émis par rapport au procédé traditionnel issu du gaz naturel, soit l'équivalent d'un quart des émissions de la ville de Paris».

Le concept de transformation de l'eau en hydrogène par l'électricité nécessite en revanche beaucoup d'eau par définition. Elle était estimée à 11 400 mpar jour selon les standards industriels. L'eau est utilisée à 80% pour le refroidissement, la société a alors investi près de 25 millions d'euros pour réviser son process. Elle réduira ainsi ses rejets et recyclera intégralement son eau pour diminuer sa consommation de 42% et arriver à 6 600 m3 par jour. Pour une usine qui fonctionnera 350 jours sur 354, 24 heures sur 24, la consommation d'eau est annoncée à près de 2,3 millions de mpar an.

Ce process de production d'hydrogène bas-carbone par électrolyse demande également une puissance de 200 mégawatts. C'est pourquoi RTE, le Réseau de transport d'électricité, est co-maître d'ouvrage du projet pour le raccordement de l'usine au réseau public. Afin d'assurer l'alimentation électrique de la future usine, RTE prévoit donc la création d'une liaison souterraine de 250 MW, sur 12 km entre le poste électrique de Pertain-Hypercourt et l'installation de Languevoisin-Quiquery.

250 emplois directs

Thomas Habas apporte des précisions sur cette alimentation électrique et ses bénéfices jusqu'aux utilisateurs des engrais : «50% de la capacité électrique sera fournie par le réseau nucléaire français dont le prix est défini, ce qui apporte de la stabilité au client à la grande différence du prix du gaz fluctuant. Les autres 50% seront issus d'un mix des énergies renouvelables françaises, avec des opportunités de baisse des prix. C'est donc un modèle très différent de la production d'engrais utilisant des énergies fossiles, il permettrait de signer des contrats de vente à long terme». L'engrais sorti de l'usine de production de Languevoisin-Quiquery sera en l'occurrence l'engrais minéral azoté CAN 27, il se présente sous forme de granulés de 2 à 5 mm de diamètre.

Étant donné la nature et la quantité des produits stockés, le site serait classé Seveso seuil haut, mais garantissant aussi les exigences de sécurité les plus strictes et une surveillance accrue de la part des autorités réglementaires. Le choix d'implantation du site à l'est de la Somme n'est évidemment pas un hasard, il se situe dans les Hauts-de-France, «grande région productrice agricole et première consommatrice d'engrais en France, souligne le chef de projet. Il est aussi placé entre le canal du Nord existant et le futur canal Seine-Nord Europe. La logistique fluviale sera primordiale pour l'apport de la dolomie en matière première puis l'export de l'engrais, notamment vers le Benelux».

Thomas Habas avance également l'impact socio-économique important pour le territoire : 250 emplois directs et 700 emplois indirects, ainsi que des retombées fiscales de trois à quatre millions d'euros par an à moyens termes. Après les phases de concertations préalable et continue lancées il y a un an, le projet FertigHy poursuit en 2026 son instruction du dossier de demande d'autorisation environnementale, bientôt suivie de l'enquête publique. La décision finale d'investissement sera prise en 2027 pour une possible mise en service en 2030, après trois années de construction de l'usine au sein de la future plateforme agri-logistique de Languevoisin-Quiquery.