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L'allongement de la rétention d'étrangers jugés dangereux en voie d'adoption au Parlement

Le Parlement devrait définitivement adopter mercredi un texte allongeant jusqu'à 210 jours la durée de rétention d'étrangers en instance d'expulsion jugés dangereux, une mesure chère au ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau mais...

Un centre de rétention administrative à Metz, le 2 mai 2025 en Moselle © Jean-Christophe VERHAEGEN
Un centre de rétention administrative à Metz, le 2 mai 2025 en Moselle © Jean-Christophe VERHAEGEN

Le Parlement devrait définitivement adopter mercredi un texte allongeant jusqu'à 210 jours la durée de rétention d'étrangers en instance d'expulsion jugés dangereux, une mesure chère au ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau mais rejetée par la gauche et les associations.

La proposition de loi a été adoptée mardi par l'Assemblée nationale, avec 303 voix contre 168, grâce au soutien du socle commun, du Rassemblement national et du groupe centriste Liot.Le Sénat devrait la voter mercredi sans modification, ce qui signifierait une adoption définitive, conformément au souhait de son auteure, la sénatrice LR Jacqueline Eustache-Brinio.

Au cours des débats, les députés de tous bords ont une nouvelle fois rendu hommage à Olivier Marleix (LR), rapporteur du texte, qui a mis fin à ses jours lundi.

M. Retailleau a salué un "texte important", à l'origine duquel se trouve "le drame de la jeune Philippine". "Lorsque la loi ne protège plus nos compatriotes, alors il faut (la) changer", a-t-il argumenté.

La proposition de loi avait émergé après le meurtre de Philippine, étudiante retrouvée morte à Paris en 2024. Le meurtrier présumé était un Marocain faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire (OQTF), qui venait de sortir d'un centre de rétention après plusieurs années en prison.

"A quelques jours près, l'administration détenait le laissez-passer consulaire" qui aurait permis de l'"éloigner", selon M. Retailleau.

"La violence et la brutalité dont a été victime Philippine devraient mener à un consensus sur la nécessité d’assurer la sécurité de tous et partout. Nous souhaitons rendre hommage à M. Marleix, rapporteur de cette loi, qui a tant œuvré pour qu'elle soit votée", ont réagi dans un communiqué les parents de la victime, Loic et Blandine Le Noir de Carlan.

Pour défendre la mesure, le ministre a fait valoir que le droit européen permet une durée de rétention pouvant aller jusqu'à 18 mois. 

Il a par ailleurs rappelé l'ouverture prochaine de trois nouveaux Centres de rétention administrative (CRA), pour passer de 1.950 à 2.400 places.

Particulière gravité

A l'heure actuelle, la durée de rétention dans ces centres, où peuvent être enfermés des étrangers en vue de leur expulsion afin de "prévenir un risque de soustraction", est de 90 jours maximum, sauf pour ceux ayant été condamnés pour terrorisme: elle peut alors aller jusqu'à 210 jours, soit sept mois.

Le texte prévoit d'étendre cette durée de 210 jours aux étrangers dont le "comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour l'ordre public", ainsi qu'à ceux ayant été condamnés pour certains crimes ou délits graves (meurtre, viol, trafic de stupéfiants, vol aggravé avec violences...).

Seraient également concernés les étrangers condamnés à une interdiction du territoire (ITF), ou visés par une décision d'expulsion ou d'interdiction administrative du territoire. 

Plusieurs associations, dont France terre d'asile et la Cimade, ont alerté la semaine dernière contre un allongement qui pourrait s'appliquer à "nombre" de personnes retenues en CRA. 

La "menace d'une particulière gravité pour l'ordre public" est une notion "floue, laissant la porte ouverte aux interprétations arbitraires", se sont-elles inquiétées.

Cette rétention prolongée, "dans le désoeuvrement quotidien et parfois la violence, va accroître inutilement les souffrances et traumatismes des personnes enfermées", ont-elles ajouté. 

La gauche, vent debout, dénonce aussi une mesure inutile, arguant que l'allongement de la durée moyenne de rétention (33 jours en 2024, le double de 2020 selon un rapport d'associations) n'a pas permis d'augmenter le taux d'expulsion.

En 2018, une loi avait déjà doublé la durée maximale de rétention de 45 à 90 jours.

Rétention de demandeurs d'asile

Le texte intègre par ailleurs des mesures, parfois réécrites, de la dernière loi immigration, retoquées au Conseil constitutionnel. 

Comme le placement en rétention de certains demandeurs d'asile "dont le comportement constitue une menace à l'ordre public". 

Ou encore la possibilité de relever des empreintes digitales et faire des photos d'identité sous la contrainte, dans le but de faciliter l'identification des personnes.

la-ama/alh 

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