Bourse

Le niveau record de l’indice CAC 40 a-t-il un sens économique ?

Depuis que l’indice CAC 40 a dépassé les 8 000 points, le 7 mars dernier, les places financières sont à la fête, même si ce record ne dit rien de la situation économique de l’immense majorité des entreprises en France…

Depuis que l’indice CAC 40 a dépassé les 8 000 points, le 7 mars dernier, les places financières sont à la fête.
Depuis que l’indice CAC 40 a dépassé les 8 000 points, le 7 mars dernier, les places financières sont à la fête.

Un simple rallye boursier depuis le dernier trimestre 2023, qui a permis de dépasser les plafonds historiques : 7 000 points en novembre 2023 et 8 000 en mars 2024 ! Voilà comment de trop nombreux petits investisseurs interprètent l’évolution récente du CAC 40, le principal indice boursier de la place de Paris, négligeant les raisons profondes de cette tendance haussière.

Le CAC 40 indice phare

L’indice CAC 40 est composé des 40 actions les plus importantes et les plus activement négociées sur Euronext Paris. Outre les géants du luxe comme LVMH, L’Oréal ou Hermès, l’on y trouve de grandes banques, des groupes industriels (BNP Paribas, TotalEnergies, Air Liquide,…) et d’autres sociétés de renommée mondiale. Mais depuis sa création le 31 décembre 1987, le CAC 40 a vu sa composition se modifier au gré des réunions trimestrielles de mise à jour, de sorte que seules 12 sociétés, dont L’Oréal, Michelin et Air Liquide, peuvent s’enorgueillir de ne l’avoir jamais quitté depuis ses débuts. L’importance du CAC 40 tient aussi au fait qu’il sert de sous-jacent à de très nombreux produits dérivés (contrats à terme, options…), permettant de se couvrir de certains risques sur le marché actions, et aux fonds indiciels comme les ETF (Exchange Traded Fund), qui offrent la possibilité de répliquer l’évolution du CAC 40, sans avoir à acquérir la totalité des titres en portefeuille. Par construction, le CAC 40 reflète ainsi avant tout la performance de 40 grandes entreprises, multinationales, cotées sur Euronext Paris. C’est pourquoi il a été décidé de créer toute une famille d’indices en complément, afin de mieux refléter le reste du marché : le CAC Next 20 pour accueillir les potentiels candidats à l’indice phare (et les relégués), le CAC Small pour les valeurs moyennes, etc.

Les moteurs du CAC 40

Comment expliquer l’évolution récente du CAC 40 ? En premier lieu, l’indice a été tiré par les excellents résultats des sociétés qui le composent, puisque les profits cumulés dépassent les 140 milliards d’euros pour la troisième année consécutive. Paradoxal, alors que l’économie française est léthargique ? Pas vraiment, dans la mesure où les fleurons du CAC 40 réalisent, bon an mal an, les trois quarts de leur chiffre d’affaires à l’international, profitant ainsi de la croissance aux États-Unis et en Asie. Et à bien y regarder, c’est d’abord le secteur du luxe, dont les entreprises pèsent près du quart de l’indice (avec L’Oréal), qui tire l’évolution du CAC 40. Dans les autres secteurs, soumis à la réalité des fluctuations économiques - dont le prix des matières premières -, les bonnes performances ont souvent été obtenues au prix d’une forte rationalisation des coûts, d’une gestion dynamique de la trésorerie et de gains de productivité. Bref, la performance à court terme se paie aussi d’un stress sur toute la chaîne de valeurs. Les promesses de l’intelligence artificielle (IA) en matière de gains de productivité et de profits ont, par ailleurs, tiré les valeurs technologiques en Bourse, même si l’UE accuse dans ce domaine un retard considérable par rapport aux États-Unis. Or, nul ne sait si ces promesses se réaliseront, comme en témoignent les résultats mitigés à long terme en matière de profit, de productivité et d’emploi de la précédente vague technologique, baptisée alors NTIC (Nouvelles technologies de l’information et de la communication). Enfin, la performance du CAC 40 tient aussi au retour des investisseurs sur les marchés d’actions, rassurés par le reflux de l’inflation, mais surtout friands des versements très généreux de dividendes (67 milliards d’euros, en 2023) et des rachats d’actions (30 milliards d’euros en 2023). Et, outre que la baisse possible des taux directeurs de la BCE (Banque centrale européenne) pourrait doper les investissements productifs des entreprises, et donc leurs performances futures, elle devrait également déplacer les capitaux des marchés obligataires vers les marchés d’actions, avec de belles perspectives de plus-values à la clé.

Les arbres ne montent pas au ciel

Quoi qu’il en soit, la situation macroéconomique et financière demeure bien incertaine, dans un contexte social qui ne l’est pas moins. Les excellentes performances d’un quart des sociétés du CAC 40 constituent peut-être une exception autoréférentielle, comme semble le confirmer la stagnation du CAC Next 20 et du CAC Small, depuis le début de l’année. L’évolution du CAC 40 pourrait alors se lire comme une exubérance dont les marchés sont coutumiers, eux qui croient toujours que les arbres montent jusqu’au ciel. Or, comme l’a montré l’économiste américain Hyman P. Minsky dans ses travaux sur les crises financières et bancaires, la tranquillité euphorique sur les marchés financiers va de pair avec la hausse de l’endettement, ce qui est aujourd’hui le cas pour de nombreuses sociétés. Mais «cette fois, c’est différent», nous disent chaque fois les prophètes, car la robustesse du système empêchera l’effondrement boursier. Jusqu’au moment où les comportements grégaires déboucheront inévitablement sur une nouvelle crise…