Narcotrafic: à Nîmes, "la peur est là" mais le couvre-feu pour mineurs divise
Dans le quartier de Pissevin à Nîmes, "la peur est là" chez les habitants, après une succession d'actes criminels liés au narcotrafic. Sceptiques sur le couvre-feu pour adolescents qui commence lundi soir...

Dans le quartier de Pissevin à Nîmes, "la peur est là" chez les habitants, après une succession d'actes criminels liés au narcotrafic. Sceptiques sur le couvre-feu pour adolescents qui commence lundi soir, ils attendent surtout des renforts de police.
Sur la place Léonard de Vinci, théâtre d'une énième fusillade jeudi, les habitants ne traînent pas. "La peur est là", confie Mohamed Ali Bedja, 63 ans, gardien d'immeuble, qui aimerait "voir passer un peu plus de voitures de police".
A côté, c'est porte close au centre social Les Mille Couleurs, d'habitude en pleine effervescence. "Nous avons décidé de protéger nos adhérents et nos salariés. Même après la mort du petit Fayed (NDLR: victime collatérale de 10 ans tuée en août 2023) je n’avais pas ressenti autant de tension", déplore son directeur, Raouf Azzouz.
"Il va falloir imaginer autre chose pour que la population ne reste pas enfermée chez elle et ne se sente pas abandonnée", plaide-t-il.
Ce climat tendu est alimenté par un message en boucle sur les réseaux sociaux: "on va tuer meme les ptit de 5 ans, gardé vos goss ch vous en sécurité (…) Chak personne qui croisse no homme en noir sera cribler de balles ", avertit ce texte, selon qui "clients et guetteurs risquent de mourir".
La menace est d'autant plus prise au sérieux que les vidéos sont fréquentes sur internet d'hommes en noir courant en plein jour dans les travées de Pissevin, armés de Kalachnikov.
La pharmacie, les trois bureaux de poste et la médiathèque étaient également fermés samedi. Seuls quelques commerçants avaient osé ouvrir, comme cet épicier de 33 ans préférant rester anonyme: "Avant il y avait plusieurs centres de loisirs. On partait en camping, en sortie pique-nique, on n'avait pas le temps de traîner. Plutôt qu'un couvre-feu, il faudrait plus d'argent pour les associations du quartier", préconise ce natif de Pissevin.
Pas une "solution durable
Evoquant une succession de "fusillades, règlements de comptes (et) tensions entre bandes", la municipalité de droite a annoncé vendredi un couvre-feu à partir de lundi pour les moins de 16 ans, de 21h00 à 6h00, pour 15 jours renouvelables. L'arrêté vise six quartiers paupérisés et gangrénés par les trafics de stupéfiants, Pissevin, Valdegour, Mas de Mingue, Vistre, Clos d'Orville et Chemin Bas.
Cet été d'autres villes, de toutes couleurs politiques, ont mis en place des mesures similaires comme Béziers (Hérault), Triel-sur-Seine (Yvelines) ou Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis).
Le préfet du Gard, Jérôme Bonet a annoncé lui des renforts d'une soixantaine de policiers, promettant que "tout est mis en œuvre pour mettre fin à cet enchaînement de violences".
En attendant, la devanture du futur commissariat, qui devait acter le retour de la police dans le quartier, est toujours murée. Il n'avait pu être inauguré l'été dernier, après l'incendie criminel d'un local commercial jouxtant le bâtiment.
"Ces renforts viennent sécuriser une population et des commerçants qui n'ont pas envie de recevoir une balle perdue. Le couvre-feu vise à protéger les mineurs qui n'ont rien à voir avec le trafic mais aussi ceux, parfois âgés de 12 ou 13 ans, qui sont utilisés par les narcotrafiquants", a expliqué à l'AFP l'adjoint au maire en charge de la sécurité, Richard Schieven.
Mardi, le corps d'un jeune majeur de 19 ans, originaire de Seine-Saint-Denis, avait été retrouvé partiellement calciné dans un village proche. Un meurtre en lien avec les événements récents dans les quartiers nîmois, selon le parquet.
Depuis quelques années, des villes moyennes comme Nîmes ou Avignon sont rattrapées par un niveau de violences jusqu'alors réservé à Marseille, épicentre du narcobanditisme dans le sud de la France.
"Utile", ce couvre-feu n'est cependant "pas une solution durable contre le narcotrafic", selon le syndicat de police Unité. "Les jeunes délinquants tirent en toute impunité sur les gens, en plein jour", explique à l’AFP le secrétaire départemental adjoint du syndicat, Wissem Guesmi, "ce n'est certainement pas un couvre-feu qui va les en empêcher".
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