Narcotrafic et radicalisation: un 3e quartier de haute sécurité créé dans une nouvelle prison en Guyane
Après Vendin-le-Vieil et Condé-sur-Sarthe, un troisième quartier de haute sécurité sera construit d'ici à 2028 dans la prison qui doit sortir de terre à Saint-Laurent-du-Maroni, en Guyane, territoire gangréné par le narcotrafic...

Après Vendin-le-Vieil et Condé-sur-Sarthe, un troisième quartier de haute sécurité sera construit d'ici à 2028 dans la prison qui doit sortir de terre à Saint-Laurent-du-Maroni, en Guyane, territoire gangréné par le narcotrafic et où règne une forte surpopulation carcérale.
En déplacement sur place, le garde des Sceaux Gérald Darmanin a annoncé dimanche la création de ce quartier au sein de la prison de 500 places, attendue dans la deuxième ville la plus peuplée de la collectivité territoriale ultramarine.
Ce nouveau centre pénitentiaire, qui vise à répondre à la surpopulation de la prison de Rémire-Montjoly, près de Cayenne, s'inscrit dans le cadre du projet de cité judiciaire prévu par le plan d'urgence des accords de Guyane signés en avril 2017.
"J'ai décidé d'implanter en Guyane la troisième prison de haute sécurité de France. Soixante places, un régime carcéral extrêmement strict, et un objectif: mettre hors d'état de nuire les profils les plus dangereux du narcotrafic", a déclaré le ministre au Journal du dimanche.
Devant la presse, Gérald Darmanin a justifié ce nombre en mentionnant la présence, en Guyane, Guadeloupe et Martinique, de "49 narco-bandits" considérés comme "extrêmement dangereux". "Il faut que les citoyens ultramarins aient la même sécurité que les citoyens hexagonaux", a-t-il argué.
"Quinze places" seront également "dédiées aux islamistes/radicalisés" condamnés pour terrorisme jihadiste, a précisé son cabinet à l'AFP samedi.
Le Mouvement de décolonisation et d'émancipation sociale a critiqué les annonces du ministre, l'accusant de vouloir "désengorger les prisons françaises surchargées et éloigner de Paris les grands bandits". "La Guyane n'a pas vocation à accueillir les criminels et terroristes de la France hexagonale", a dénoncé, dans un communiqué, la collectivité territoriale de Guyane.
"Cet espace n'est pas le lieu où nous devons faire revenir des prisonniers déportés dans l'ouest. Cette page de l'Histoire est tournée et j'espère qu'elle ne reviendra pas", a asséné Sophie Charles, maire sans étiquette de Saint-Laurent du Maroni, dans un discours prononcé devant M. Darmanin dans la matinée.
Narco-département
Ce nouveau quartier de haute sécurité devrait être le troisième à ouvrir après ceux des centres pénitentiaires de Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais) et Condé-sur-Sarthe (Orne). Gérald Darmanin souhaite y isoler d'ici à l'été les "cent plus gros narcotrafiquants" afin de les empêcher de poursuivre leur activité criminelle depuis leur cellule.
Or la Guyane est devenue "un narco-département et un des principaux hubs" du trafic de cocaïne, selon une source interrogée par l'AFP en 2023. Au moins 20% de la cocaïne consommée en métropole en provient.
Chaque année, des centaines de mules sont arrêtées à l'aéroport de Cayenne, les bagages ou l'estomac lestés de cocaïne sud-américaine. Les autorités estiment qu'une trentaine parviennent à embarquer sur chacun des vols quotidiens entre la Guyane et la métropole.
Le cœur du trafic bat à Saint-Laurent du Maroni, cerné par le fleuve qui sépare la Guyane du Suriname sur 500 km. Faute d'école ou d'emploi, beaucoup de ses 50.000 habitants cèdent souvent à l'argent facile généré par ce trafic.
C'est également l'ancien port d'entrée du bagne où débarquaient les forçats venus de métropole, de 1850 à 1938.
"La symbolique qui consiste à installer en Guyane une prison pour des non-Guyanais et +les plus dangereux+ est extrêmement problématique parce qu'on voit bien la référence historique au bagne de Cayenne", a déploré, sur BFMTV, Marine Tondelier, secrétaire nationale des Ecologistes.
Interrogé sur ce point, M. Darmanin s'est agacé, appelant à "éviter les comparaisons qui sont une insulte à la République".
"Créer une prison supplémentaire de haute sécurité, (...) on en a besoin, on a un narcotrafic (...) qui prend sa racine pas seulement dans l'Hexagone mais par des flux internationaux dont certains passent par l'Amérique du Sud, par la Guyane", a réagi sur Franceinfo le Haut-commissaire au Plan Clément Beaune.
"Je ne suis pas du tout hostile sur le principe à ce genre de propositions", a estimé pour sa part sur France 3 Nicolas Mayer-Rossignol, maire PS de Rouen, avant d'ajouter: "Est-ce que ce sera suffisant pour résoudre le phénomène et la gangrène du narcotrafic? Absolument pas."
Selon le JDD, le permis de construire de ce bâtiment situé sur un terrain de plusieurs dizaines d'hectares et d'un coût de 400 millions d'euros est en passe d'être signé par le préfet.
Cette cité doit aussi comprendre un tribunal judiciaire, un service pénitentiaire d'insertion et de probation ainsi que des locaux de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse.
La Guyane enregistre une forte surpopulation carcérale, avec une densité de 134,7%, selon les chiffres du ministère de la Justice au 1er juin 2024.
Dimanche, M. Darmanin a évoqué la possibilité de créer d'autres quartiers de haute sécurité, notamment dans le sud de la France. Il a également fait part de "renforts de magistrats et d'assistants de justice extrêmement importants" en Guyane, qu'il doit annoncer lundi à Cayenne.
4778363