Procédure contre symbole: tensions autour d'une statue de Jeanne d'Arc à Nice
La justice examine jeudi après-midi le sort d'une monumentale statue de Jeanne d'Arc, érigée à l'automne à Nice et devenue un point de crispation, entre symbole national et...

La justice examine jeudi après-midi le sort d'une monumentale statue de Jeanne d'Arc, érigée à l'automne à Nice et devenue un point de crispation, entre symbole national et respect du code des marchés publics.
Au départ, c'est d'abord l'histoire d'un parking souterrain construit devant l'église Sainte Jeanne d'Arc, dans un quartier résidentiel près du centre-ville par la régie Parcs d'Azur, organisme public dépendant de la métropole.
Compte tenu de l'emplacement, la métropole a choisi d'agrémenter le parc aménagé en surface d'une statue de la Pucelle.
Une commande de 170.000 euros, pour la statue d'une figure religieuse récemment adoptée par l'extrême droite, confiée à l'atelier Missor, dont les rêves de statues en titane ont récemment attiré un compliment d'Elon Musk sur X...
L'initiative a provoqué des réticences à gauche, d'autant qu'elle est portée par Gaël Nofri, président de Parcs d'Azur, adjoint au maire Christian Estrosi (Horizons) mais passé par le Front national.
Installée à l'automne 2024, lors de l'inauguration du stationnement, la statue en bronze doré à l'or fin montre une Jeanne jeune et ardente, en armure et à cheval, brandissant une épée qu'elle tient par la lame. Un geste d'apaisement selon Missor, une manière détournée de brandir une croix selon ses détracteurs.
Au-delà des symboles, c'est un doute beaucoup plus prosaïque sur la légalité du marché public qui a poussé l'ancien préfet Hugues Moutouh, admirateur revendiqué de Jeanne d'Arc, à saisir le tribunal administratif.
La décision est tombée en janvier: faute de mise en concurrence, le marché a été annulé et ordre a été donné de démonter la statue.
"Je ne céderai rien. Les déboulonneurs de notre grand destin national peuvent passer leur chemin", a promis M. Estrosi.
"Si on déboulonne la statue de Jeanne d'Arc, c'est comme si on la brûlait une deuxième fois!", a lancé Missor sur les réseaux sociaux, accusant "la bureaucratie, avec la complicité d'intellectuels de gauche et de profs des Beaux-Arts" de créer "un monde gris et triste".
Espèces de limaces
"On ne fait que construire des choses moches, morbides, mortifères, pour être sûr que nous, les citoyens, devenions des espèces de limaces", a-t-il insisté.
Saisie par la régie Parcs d'Azur et par Missor, la cour administrative d'appel de Marseille se penche jeudi sur le dossier.
En première instance, la régie avait argué avoir suivi une disposition permettant de se passer de mise en concurrence lorsqu'un seul opérateur économique est en mesure de réaliser la commande.
Rien ne prouve qu'aucun autre atelier n'était capable de réaliser une grande statue en bronze, a répondu le tribunal.
Pour Me Carine Chaix, avocate de l'atelier Missor, "Missor n'a pas été choisi seulement pour ce qu'il sait faire, mais pour ce qu'il est, pour sa vision d'artiste, pour son engagement esthétique, qui n'appartiennent qu'à lui-même".
Si l'annulation du marché est confirmée, la solution pourrait venir d'une cagnotte ouverte en janvier pour racheter la statue. Rapidement montée à plus de 52.000 euros, elle plafonne depuis plusieurs mois, mais pourrait être relancée en cas de décision contraire.
Parce que la toute jeune statue a beaucoup d'admirateurs. Elle est devenue un point de ralliement du RN et de Reconquête! et le 1er mai, plusieurs dizaines de jeunes identitaires du groupuscule niçois Aquila Popularis s'y sont donné rendez-vous.
"Jeanne n'est pas un souvenir, elle est un ordre. Français, niçois, défends ton héritage !", ont-ils lancé sur les réseaux sociaux.
Mais M. Estrosi a lui aussi organisé une cérémonie quelques semaines plus tard devant la statue, avec porte-drapeaux et marseillaise: "Notre Jeanne d'Arc est apaisée et forte à la fois. Elle rassemble et vaut infiniment mieux que toutes les récupérations".
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