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Procès Péchier: l'accusé affirme que son patient était seul lors de son empoisonnement

Que s'est-il passé le 20 janvier 2017 lorsque la dernière victime imputée à l'ex-anesthésiste Frédéric Péchier a fait un arrêt cardiaque au bloc opératoire ? A la surprise générale, l'accusé a affirmé mercredi à la cour que son patient était resté seul 20 minutes ce matin-là...

L'ex-anesthésiste Frédéric Péchier arrive au tribunal de Besançon le 9 septembre 2025 © SEBASTIEN BOZON
L'ex-anesthésiste Frédéric Péchier arrive au tribunal de Besançon le 9 septembre 2025 © SEBASTIEN BOZON

Que s'est-il passé le 20 janvier 2017 lorsque la dernière victime imputée à l'ex-anesthésiste Frédéric Péchier a fait un arrêt cardiaque au bloc opératoire ? A la surprise générale, l'accusé a affirmé mercredi à la cour que son patient était resté seul 20 minutes ce matin-là, sous-entendant qu'un autre que lui avait pu empoisonner le malade.

La semaine dernière, les débats sur le cas de ce patient, Jean-Claude Gandon, alors âgé de 70 ans, avaient mis en évidence que "l'empoisonneur" avait sévi entre 08H15 et 09H00. Et que les deux personnes les plus susceptibles de lui avoir injecté le poison, de la mépivacaïne (un anesthésique local), étaient le Dr Péchier et une élève infirmière anesthésiste avec laquelle il travaillait.

Or, l'accusé a demandé dans ce laps de temps à cette soignante de quitter la salle d'opération pour prendre une pause. "Vous la faite sortir en pause et vous injectez le produit quand vous êtes seul", retrace Me Stéphane Giuranna, l'avocat de M. Gandon, résumant la thèse de l'accusation.

Pour la première fois en huit ans d'enquête, l'accusé a cependant avancé à la barre une autre version. Après le départ de l'infirmière, a-t-il expliqué, "le patient allant bien", il est lui-même "sorti" pour aller signaler que des poches de perfusion avaient été retrouvées percées dans son bloc.

Conséquence: jusqu'au retour de l'infirmière - qui précédera de peu les premiers signes de malaise cardiaque - de "08H40 à 09H00, le patient reste seul", résume l'accusé.

"Vous n'en avez jamais parlé", s'étonne la présidente Delphine Thibierge, "alors qu'il y a une suspicion d'empoisonnement de votre patient pendant ce temps là".

"On ne m'a jamais posé la question", répond le Dr Péchier, imperturbable. 

"Au contraire", poursuit la présidente, "dans une écoute téléphonique vous avez dit: +Il y en a toujours un qui est resté (avec le patient), personne n'a pu entrer mettre des trucs+".

Porte dérobée

A son tour, l'avocate générale Christine de Curraize s'étonne que l'accusé n'ait jamais présenté cette version auparavant. "On a l'impression que vous évoluez constamment en fonction de l'évolution du dossier", commente-t-elle. 

"Si on vous suit, quelqu'un est venu discrètement, par une porte dérobée, pour polluer la poche (de perfusion)?"

"C'est une hypothèse qu'on peut retenir", rétorque le Dr Péchier, avant d'insister: "je ne suis pas cet empoisonneur-là".

Sans surprise, les avocats des parties civiles disent ne pas croire pas à cette version. "Vous nous donnez un créneau alibi", raille le conseil de la clinique Saint-Vincent, Me Frédéric Douchez - regrettant au passage que depuis le début du procès, Frédéric Péchier n'ait pas eu "un seul mot pour les victimes". 

Jean-Claude Gandon, qui a survécu -il assiste à l'audience- est le seul, parmi les 30 victimes de ce dossier, dont l'anesthésie avait été prise en charge directement par Frédéric Péchier.

Selon les enquêteurs, l'accusé s'en serait pris à ce patient septuagénaire pour se forger un "alibi" et ne pas être le seul anesthésiste de la clinique dont aucun patient n'avait été empoisonné.

A cette thèse, il répond que lui aussi a eu à affronter, en tant qu'anesthésiste, des "événéments indésirables graves" (EIG) concernant ses patients. "J'en ai eu six des EIG, mais ils n'ont pas été retenus", par les enquêteurs, s'agace-t-il.

Frédéric Péchier, qui a toujours clamé son innocence, réfute également avec vigueur l'hypothèse qu'il ait empoisonné des patients dans le but de nuire à des collègues avec lesquels il était en conflit: "Je suis soignant, jusqu'à preuve du contraire. Jamais je ne me serais servi d'un patient comme d'une arme contre mes confrères", assure-t-il. 

Ce qui ne l'empêche pas de mettre en cause, devant la cour, un de ses collègues, le Dr Sylvain Serri. Ce dernier est intervenu lors de l'arrêt cardiaque de M. Gandon: soupçonnant une intoxication aux anesthésiques locaux, il a préconisé d'administrer au patient des intralipides, ce qui le sauvera. Pour l'accusé, puisque le Dr Serri a posé le bon diagnostic sur la nature du poison, cela le rend suspect d'avoir été lui-même l'empoisonneur. L'accusation souligne au contraire que le docteur Serri a établi un "diagnostic conjoint" avec d'autres médecins.

Frédéric Péchier comparaît libre, mais encourt la réclusion criminelle à perpétuité. Le verdict est attendu le 19 décembre.

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