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Quatre ans de prison requis contre la gérante d'un salon de massage pour traite d'êtres humains

"Un amour de l'argent presque infini": quatre ans d'emprisonnement avec mandat de dépôt ont été requis jeudi contre la gérante d'un salon de massage du 11e arrondissement de Paris, jugée pour...

Quatre ans d'emprisonnement avec mandat de dépôt ont été requis  contre la gérante d'un salon de massage du 11e arrondissement de Paris, jugée pour traite d'êtres humains et travail dissimulé © LOIC VENANCE
Quatre ans d'emprisonnement avec mandat de dépôt ont été requis contre la gérante d'un salon de massage du 11e arrondissement de Paris, jugée pour traite d'êtres humains et travail dissimulé © LOIC VENANCE

"Un amour de l'argent presque infini": quatre ans d'emprisonnement avec mandat de dépôt ont été requis jeudi contre la gérante d'un salon de massage du 11e arrondissement de Paris, jugée pour traite d'êtres humains et travail dissimulé. 

Un an de prison avec sursis a été requis contre sa fille, Thanrawee R, jugée pour complicité.

Lorsque Pranida Sopradit a refusé un acte sexuel à un client, la gérante,"Nannapat R., s'est mise très en colère et a retiré 500 euros de (son) salaire", assure à la barre l'ancienne employée dont la plainte est à l'origine de l'affaire. 

"Elle m'a punie et m'a retiré ma clef, ajoute-t-elle, d'une voix hésitante. Elle est aussi allée voir mon compagnon pour le menacer".

Son salaire, de moins de 1.000 euros par mois pour "près de 200 heures" travaillées, a ensuite été réduit de moitié.

Thanyakamon Pakdeewan, seconde employée ayant porté plainte contre la gérante, assure avoir elle aussi "refusé" de telles pratiques sexuelles, mais sans répercussion sur son salaire.

Je voulais aider ces filles

Ces dires ont été corroborés par trois autres employées, qui n'ont pas souhaité se constituer parties civiles. "Une masseuse n'a pas voulu faire de prestation sexuelle. Avant elle travaillait cinq jour par semaine, maintenant que deux", a assuré l'une d'elle pendant son audition.

"Ma mère m'a déjà demandé" de réaliser des actes sexuels, abonde Thanrawee R., la fille de la gérante.

"J'ai refusé et c'était pour rire", poursuit-elle. "Drôle de sens de l'humour n'est-ce pas", rétorque la présidente de la cour.

La gérante de 59 ans affirme avoir toujours refusé de telles pratiques dans son salon, fermé administrativement depuis le printemps 2025. "A chaque fois,j'ai dit +non, non, non+", assure-t-elle. Depuis qu'elles (les employées) sont descendues de l'avion, elles voulaient le faire", des massages à caractère sexuel.

Car Mmes Sopradit et Pakdeewan ont été recrutées depuis la Thaïlande, leur pays d'origine. La prévenue les auraient contactées en 2023 via des groupes Facebook en leur proposant de travailler pour elle, en France.

Nannapat R. leur aurait ensuite permis, à l'aide de passeurs, de rejoindre le territoire français, moyennant 4.500 euros pour Pranida Sopradit et 5.100 euros pour Thanyakamon Pakdeewan.

Toutes deux incapables de régler les sommes demandées, des retenues sur leurs salaires ont été effectuées pendant plusieurs mois.

Leur ayant promis l'hébergement à leur arrivée, Nannapat R. loge les deux plaignantes, "à même le sol ou sur une table de massage" pour 250 euros par mois. 

"Je voulais aider ces filles", assure la prévenue, également de nationalité thaïlandaise.

En contrepartie, les employées travaillent cinq à sept jours sur sept, sont payées "25% des sommes dues" selon l'inspection du travail, font le ménage dans le salon gratuitement et n'ont "pas ou peu de congés".

Climat oppressant

Des "conditions de travail indignes", selon la procureur de la République, que les deux employées n'auraient pas eu d'autre choix que d'accepter: "nous sommes obligées de travailler parce que nous n'avons aucun moyen de subsister", ont-elles déclaré lors de leurs auditions.

"C'est un cas d'école de la traite" d'êtres humains : "il y a le recrutement, le transfert, l'hébergement et l'accueil", dénonce Me Alix Ottou, avocate des parties civiles.

Elle fustige également "un climat oppressant et une logique de contrôle" de la part de Nannapat R., couplée à une "surveillance personnelle intrusive": plusieurs caméras étaient présentes dans le salon. 

"Une emprise" appuyée par la procureure, qui a lu certains messages envoyés par la prévenue à ses salariées: "il faut honorer ton employeur", "en te permettant de quitter la Thaïlande, je t'ai offert une nouvelle vie".

Il est également reproché à Nannapat R. le travail dissimulé de 25 salariées au cours des cinq dernières années ainsi que l'emploi d'étrangers sans titre de séjour. "Si je déclare beaucoup de salaires, il faut que je paie beaucoup de cotisations", se justifie la prévenue à la barre.

Si Thanrawee R. assure n'avoir eu aucun rôle décisionnaire au sein de la société par "peur de (se) disputer" avec sa mère, elle a reconnu avoir eu connaissance des faits reprochés.

En 2015, Nannapat R. avait déjà été condamnée à 2 ans d'emprisonnement et 1,5 million d'euros d'amende pour des faits similaires.

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