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Retraites : comment le « conclave » est parti en fumée

Alors que les négociations sur les retraites ont échoué, l’ultime concertation entre partenaires sociaux voulue par le Premier ministre vient également de faire long feu. Le gouvernement est désormais face à ses responsabilités.

(c) adobestock
(c) adobestock

Selon François Bayrou, ce devait être une « méthode inédite et quelque peu radicale » de négociation entre les partenaires sociaux sur l’épineuse réforme des retraites. Quatre mois plus tard, ce « conclave » n’a finalement débouché que sur quelques avancées, certes non négligeables, mais pas suffisamment marquantes pour assurer un coup de communication politique. C’est pourquoi le Premier ministre a tenu à rencontrer en urgence les différentes organisations pour les enjoindre à une ultime concertation de quelques jours, afin de « rechercher une voie de passage dans l’intérêt de notre pays ». Hélas, tout est parti en fumée avec le refus des syndicats de poursuivre dans cette voie.

Des points de convergence

François Bayrou s’est pourtant voulu rassurant lors de sa conférence de presse, le 26 juin : « je suis impressionné par les progrès qui ont été faits depuis quatre mois ». Dithyrambique, il est allé jusqu’à citer le nom des négociateurs pour les féliciter et ainsi mieux réfuter toute idée de revers : « oser parler d’échec quand on a un tel nombre d’accords sur le régime des retraites, cela ne me paraît pas réaliste » ! Pourtant, à bien y regarder, la réalité est, comme souvent, bien plus nuancée.

Au fond, le seul sujet consensuel aura été le calcul des retraites pour les femmes, qui ont été les grandes perdantes de la réforme de 2023. Pour y remédier, le calcul de leur pension sera fondé sur les 24 meilleures années pour les mères d’un enfant (23, si plusieurs enfants) et, dans le cas d’un départ anticipé au titre des carrières longues, les mères gagneront deux trimestres de cotisation.

Quant à l’âge d’annulation de la décote, il devrait être abaissé de 67 ans à 66,5 ans. Alors qu’initialement les syndicats penchaient plutôt vers 66 ans et que le Medef voulait que cette borne soit liée à l’amélioration de l’espérance de vie, une entente a été possible dans la mesure où le retour de l’âge légal de la retraite de 64 à 62 ans — principale revendication — avait été exclu par le gouvernement. Sur ce dernier point, François Bayrou contorsionne la réalité en affirmant l’entente de toutes les organisations syndicales sur l’âge de départ, car dans leur communiqué commun elles se déclarent « fermement opposées au décalage de l’âge de la retraite à 64 ans ».

Crispations sur la pénibilité et le financement

Les rares points d’accord cachent cependant un point de crispation très fort sur la pénibilité, qui date au moins de 2017. Les syndicats réclament ainsi un départ anticipé en retraite pour les salariés exerçant un emploi pénible, tandis que le patronat penche davantage pour une reconversion ou une formation professionnelle.Quant au financement des mesures, François Bayrou se veut confiant dans la capacité des partenaires sociaux à s’entendre prochainement, alors même qu’il s’agit d’un autre point important d’achoppement depuis le début des négociations. Qualifier alors la pénibilité et le financement de « points seconds » est à l’évidence audacieux, d’autant que ces mêmes contentieux ont finalement fait capoter les négociations.

Toujours est-il que François Bayrou ne pouvait ignorer qu’en ajoutant dès le début des négociations la contrainte de rétablir l’équilibre financier du système pour 2030, il ne laissait quasiment aucune marge aux partenaires sociaux pour un compromis d’ampleur. D’aucuns ont dès lors voulu y voir un moyen commode pour lui de gagner du temps face à l’hostilité d’une partie significative de l’Assemblée nationale.

Un véritable accord ?

Quoi qu’il en soit, le Premier ministre en est certain : les points de convergence constituent un « accord pour ainsi dire acquis ». Mais, peut-on réellement parler d’un accord lorsque aucun document final n’a été paraphé ? Et quelle portée donner à ce dialogue social entre seulement trois syndicats (CFDT, CFE-CGC, CFTC) et deux groupements patronaux (Medef et CPME), les autres organisations (FO, CGT, U2P) ayant jeté l’éponge bien en amont pour marquer leur mécontentement sur la nature ou la tournure des discussions ?

Certes, avouer l’échec de la méthode Bayrou illustrerait l’existence d’un malaise démocratique, puisque ni l’Assemblée nationale ni les partenaires sociaux ne semblent plus en mesure de s’entendre. Voilà certainement pourquoi Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du Travail et de l’Emploi, se persuade encore qu’un compromis est possible, à la faveur de discussions directes entre syndicats et patronat. Certains y verront une application de la méthode Coué, d’autres un optimisme panglossien

Toutefois, accord ou non, le système des retraites connaîtra selon la Cour des comptes un déficit stable d’environ 6,6 milliards d’euros jusqu’en 2030, avant une nouvelle dégradation continue jusqu’en 2045. L’objectif d’équilibre financier nécessiterait donc, dès à présent, une nouvelle réforme. Mais il n’est pas certain qu’un tel débat, inscrit au menu du projet de loi de financement de la Sécurité sociale à l’automne, aboutisse à autre chose qu’une censure du gouvernement…