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Saint-Gobain, une forêt résiliente face au changement climatique

Forte de la richesse de ses sols et de la diversité de ses essences, la forêt de Saint-Gobain dans l'Aisne, est en avance par rapport à ses voisines, face au défi du changement climatique. L'ONF gère la plus grande partie des 8 500 ha de massif, un travail au quotidien qui mobilise sur place 12 personnes.

Jérôme Jaminon et Julien Staub de l'ONF avec Fanny Anor, préfète de l'Aisne, en forêt de Saint-Gobain.
Jérôme Jaminon et Julien Staub de l'ONF avec Fanny Anor, préfète de l'Aisne, en forêt de Saint-Gobain.

La forêt de Saint-Gobain, située entre Saint-Quentin et Laon, est gérée par l'Office national des forêts (ONF). Jérôme Jaminon, directeur de l'agence territoriale ONF de Compiègne qui s'occupe des forêts de l'Aisne et de l'Oise et Julien Staub, responsable de l'unité territoriale de Saint-Gobain, ont accueilli Fanny Anor, préfète de l'Aisne, vendredi 27 juin. L'occasion de présenter ce massif de 8 500 ha et de le situer par rapport aux autres forêts du secteur. «Les forêts de Compiègne, Saint-Gobain, Retz à Villers-Cotterêts, de Chantilly et d'Halatte, forment un ensemble de grandes forêts de 50 000 ha au nord de Paris dans des espaces paysagers plutôt agricoles, souligne Jérôme Jaminon. Ce sont de véritables réservoirs de biodiversité, des zones d'accueil, des espaces de nature gratuits ouverts toute l'année, des zones de ressourcement et de découverte de richesses patrimoniales. Elles contiennent du bois de qualité, des feuillus principalement, et la valorisation de cette ressource, notamment auprès de transformateurs locaux, est un enjeu important. D'autant plus que les besoins en bois sont énormes, pour la construction, pour le chauffage, et que la France importe beaucoup de bois transformé».

Un projet de territoire à affirmer

La forêt de Saint-Gobain en grande partie domaniale est gérée par l'ONF, ce qui peut parfois créer des tensions avec certaines communes et collectivités. Ces dernières peuvent avoir l'impression que cette forêt pourtant bien présente sur leur territoire, leur échappe, et elles ne comprennent pas toujours les actions de l'ONF. «En Thiérache, les communes possèdent des massifs importants, à tel point que la gestion des forêts rentre dans leur économie, représente une part de leur budget avec la revente, ils peuvent faire du volume, expose Jérôme Jaminon. À Villers-Cotterêts, il y a une très bonne dynamique avec un projet commun et collectif de gestion depuis le projet «Forêt d'exception» et l'arrivée de la Cité internationale de la langue française, élus, associations travaillent sur tous les sujets : l'économie du bois, l'accueil du public, la protection de la biodiversité. À Saint-Gobain, nous sommes dans un mix entre les deux : il y a entre 200 et 300 demandes de bois de chauffage par an, nous sommes dans une ancienne forêt royale, l'économie du bois est importante mais on n'arrive pas à se projeter sur un projet commun au niveau du territoire. Cela est aussi dû au fait qu'il y a plusieurs communautés de communes et pas toujours la même vision, et il y a des sujets d'incompréhension sur l'exploitation de la forêt et sur la dégradation des chemins».

Gestion en continu

L'ONF, établissement public, dit pourtant appliquer une politique transparente dont l'action est encadrée et réglementée. Elle met en place un comité de massif qui se réunit une fois par an et qui doit être animé ensuite par des ateliers. «Il faut qu'on anime ce comité et qu'il soit un espace de dialogue entre tous ceux qui gravitent autour de la forêt mais encore une fois, notre but n'est pas d'exploiter la forêt à tort et à travers mais bien de maintenir l'écosystème... On nous parle parfois de coupes rases alors que c'est la forêt où nous sommes le plus sur des traitements réguliers, la forêt en continu», souligne Jérôme Jaminon. D'autant que Saint-Gobain, forte de la richesse de son sol et de la diversité de ses essences, est peut-être la forêt locale la plus en avance face au défi du changement climatique qui se pose dès maintenant.

Une forêt diversifiée et résiliente

«La forêt de Saint-Gobain, une des plus belles de la région, présente un modèle de diversification qu'on voudrait reproduire ailleurs parce que cela donne une forêt plus résiliente. Du côté de Chantilly et Compiègne, où on retrouve beaucoup de chênes par exemple, si cette essence craque, la forêt dépérit fortement, ici ce serait embêtant mais ça ne ferait pas de grands trous», précise Jérôme Jaminon. Saint-Gobain présente beaucoup de variétés : «Il y a un peu de dénivelé, du relief, on retrouve des conditions d'expositions différentes avec des vallons très humides et des zones plus exposées au sud donc cela fait un intérêt écologique diversifié. Dans l'ancienne haute forêt, qui était un peu la réserve des anciens seigneurs de Coucy, vous avez du chêne, du frêne, même chose du côté de Coucy-Basse mais ce sont des arbres plus jeunes parce que cette partie de forêt, rasée pendant la Première Guerre mondiale, a été reconstituée, détaille Julien Staub, responsable de l'unité territoriale de Saint-Gobain. On retrouve aussi dans le sol toutes les couches du bassin tertiaire parisien : du calcaire, de l'argile, du sable. Sur certaines parcelles, vous allez avoir un mélange de dix essences, ce qu'on ne retrouve pas à Villers-Cotterêts où il n'y a que du hêtre».

Cette diversification de la forêt de Saint-Gobain n'empêche tout de même pas l'ONF d'accompagner cette résilience et de se poser la question d'introduire petit à petit de nouvelles essences comme le chêne pubescent présent du côté de Toulouse et Montpellier et mieux adapté au changement climatique. La forêt devrait aussi accueillir davantage de résineux. «Nous ne pouvons pas attendre que la forêt dépérisse parce qu'elle stocke du CO2, cette fonction puits de carbone est essentielle», souligne le directeur de l'agence territoriale de Compiègne.

Des dispositifs d'aide au renouvellement forestier

L'ONF vient d'accompagner la commune de Champs qui possède une forêt de 4,7 ha, dans le but de la renouveler. «Il existe des appels à projets nationaux comme le dispositif d’aides au renouvellement forestier et on propose ce service d'accompagnement de A à Z aux communes : nous les aidons à monter le dossier, nous vérifions la conformité des documents d'aménagements, nous les conseillons dans le choix des essences..., illustre Jérôme Jaminon. Pour Champs, c'est un projet à 50 000 euros et il n'est pas évident pour les communes qui ont des petites surfaces de forêt et donc peu de revenus à en tirer, de s'engager dans ce renouvellement, sans aides. Ces dispositifs ont accéléré les choses puisque dans l'Aisne, grâce à cela, nous avons déjà reboisé 300 ha en forêt de collectivité, et 600 ha de forêt domaniale». Le taux de financement par ces dispositifs peut atteindre jusqu'à 80% de l'enveloppe globale.

Avec la maire de Champs Marie-Angéline Ténaillon (au centre). (c) Préfecture de l'Aisne