Sauvegarder l'article
Identifiez vous, pour sauvegarder ce article et le consulter plus tard !

Se diversifier pour survivre: au Japon, des PME prêtes à s'adapter face à la tempête Trump

Comme toutes les PME qui forment le cœur du tissu économique japonais, Mitsuwa Electric, fabricant de fils métalliques et autres composants, a traversé maintes épreuves au fil des décennies: désormais, son PDG Yuji Miyazaki s'efforce de garder son optimisme...

L'entreprise japonaise Mitsuwa Electric n'est pas une marque très connue, mais cette PME de 100 salariés est une référence mondiale dans son créneau très spécialisé © Yuichi YAMAZAKI
L'entreprise japonaise Mitsuwa Electric n'est pas une marque très connue, mais cette PME de 100 salariés est une référence mondiale dans son créneau très spécialisé © Yuichi YAMAZAKI

Comme toutes les PME qui forment le cœur du tissu économique japonais, Mitsuwa Electric, fabricant de fils métalliques et autres composants, a traversé maintes épreuves au fil des décennies: désormais, son PDG Yuji Miyazaki s'efforce de garder son optimisme face aux barrières douanières érigées par l'administration Trump.

Le Japon, bien qu'allié-clé des Etats-Unis, est soumis aux mêmes droits de douane américains de base de 10% que la plupart des nations, ainsi qu'à des surtaxes de 25% sur les voitures et de 50% l'acier. Et le pays est menacé d'un relèvement à 25% des surtaxes dites "réciproques", suspendues jusqu'au 1er août.

Pour autant, M. Miyazaki assure n'être "pas trop inquiet". "Nous fournissons des produits très spécifiques à des industries spécialisées, où il est difficile de changer de fournisseur ou de pays d'approvisionnement au gré des changements de taxes douanières", déclare-t-il à l'AFP, en arpentant le site de son entreprise créée il y a 92 ans.

"Si les firmes américaines ne peuvent pas produire elles-mêmes des pièces, elles n'ont d'autre choix que de les importer, quels que soient les droits de douane", insiste ce descendant du fondateur du groupe.

Avec 100 employés, Mitsuwa Electric n'est pas une marque très connue. Mais comme beaucoup des millions d'autres PME - qui représentent 99,7 % des entreprises japonaises -, c'est une référence mondiale dans son créneau très spécialisé.

Après avoir commencé à fabriquer des filaments pour ampoules électriques, elle produit aujourd'hui des tiges, aiguilles, plaques, tubes et fils de métal pour divers produits (phares automobiles, photocopieurs, appareils à rayons-X....). En 2022, elle a remporté un record mondial Guinness pour le plus fin fil métallique disponible sur le marché, d'un diamètre moitié plus mince qu'un cheveu.

Mitsuwa compte parmi ses clients des entreprises en Asie, Europe et Amérique du Nord, dont le géant japonais de l'ingénierie Toshiba ou une filiale du constructeur automobile Toyota. 

Pour l'heure, il ne subit qu'un impact limité de l'offensive douanière américaine: un client du secteur automobile lui a demandé de baisser ses prix.

Mais la situation pourrait s'aggraver. "Nous ne pouvons que nous adapter à l'évolution de l'environnement économique", soupire M. Miyazaki.

Tirer les leçons

Le Premier ministre japonais Shigeru Ishiba a certes envoyé son négociateur commercial, Ryosei Akazawa, à Washington à sept reprises depuis avril pour tenter d'arracher un compromis.

Mais sa stratégie maximaliste, qui consiste à réclamer l'élimination totale de tous les droits de douane, alarme certains acteurs industriels à l'approche de la date butoir du 1er août. Un enjeu-clé pour la coalition gouvernementale, qui aborde en mauvaise posture des élections sénatoriales ce dimanche.

Alors que l'automobile représente 8% des emplois au Japon, les exportations de voitures de l'archipel en direction des Etats-Unis ont chuté d'environ 25% sur un an en mai et juin.

Plus généralement, l'imprévisibilité du président américain Donald Trump et la complexité des surtaxes douanières alarment les entrepreneurs, constate Jetro, l'organisation d'aide aux PME soutenue par le gouvernement.

Depuis février, Jetro a reçu plus de 2.000 demandes de renseignements de ses membres concernant la politique douanière américaine, un flux qui s'est accéléré ces dernières semaines en vue  d'obtenir les "informations les plus récentes". 

Le patron de Mitsuwa Electric lui-même commence à s'inquiéter de voir Washington mettre à exécution ses menaces de surtaxer à 200% les produits pharmaceutiques et de cibler les équipements médicaux. 

Mais, avec sa large gamme de produits et la diversification de sa clientèle, son groupe a été jusqu'à présent relativement protégé, observe-t-il.

Cette stratégie de diversification est essentielle à la survie d'autres PME, abonde Zenkai Inoue, professeur à l'Institut des sciences de l'information de Kyushu. "Je propose une stratégie du +trépied+: il faut avoir au moins trois clients dans des régions différentes", explique-t-il à l'AFP.

"Pour une PME, assurer sa stabilité financière en sollicitant des financements bancaires est important pour survivre dans l'immédiat", mais "la prochaine étape consistera à étendre ses canaux de vente à d'autres marchés", ajoute-t-il.

Selon cet expert, certaines entreprises japonaises ont tardé à se préparer aux droits de douane américains, alors même que M. Trump les avaient promis dès sa campagne électorale de 2024. 

"On a connu l'époque où les entreprises japonaises, fortement dépendantes du marché chinois, avaient été durement touchées par un changement soudain de politique de la part de Pékin", rappelle M. Inoue. "Certaines n'en ont pas suffisamment tiré les leçons." 

674Y2T3