Sur la Manche, le ballet de canots-taxis venant chercher des migrants
En quelques heures lundi matin, cinq canots chargés de dizaines de migrants ont pris la direction de l'Angleterre depuis les plages d'Hardelot et d'Equihen (Pas-de-Calais), à l'issue d'un ballet complexe et parfois chaotique avec gendarmes et...

En quelques heures lundi matin, cinq canots chargés de dizaines de migrants ont pris la direction de l'Angleterre depuis les plages d'Hardelot et d'Equihen (Pas-de-Calais), à l'issue d'un ballet complexe et parfois chaotique avec gendarmes et secours, a constaté un photographe de l'AFP.
A l'aube d'une journée brûlante et à la faveur de conditions météorologiques propices, de nombreux migrants tentent la traversée vers l'Angleterre lundi matin, dans le Nord et le Pas-de-Calais.
Vers 4H00 du matin, alors qu'il fait encore nuit, un groupe d'une vingtaine de migrants prend la mer depuis la plage d'Equihen, au sud de Boulogne-sur-Mer. Seuls quatre d'entre eux portent des gilets de sauvetage.
Leur canot est peu chargé au regard des habitudes des passeurs dans la Manche. Peut-être servira-t-il de "taxi-boat", en allant récupérer plus loin sur le littoral d'autres exilés.
Vers 6H00, un autre groupe se met à arpenter le sable dans l'attente de son taxi-boat.
Et justement, peu après, quatre autres canots viennent simultanément chercher des candidats à la dangereuse traversée sur cette plage et celle, voisine, de la station balnéaire huppée d'Hardelot, parfois sous les yeux de touristes en short et de riverains promenant leurs chiens.
Des migrants se ruent éperdument vers la mer. Certains sont repoussés dans les dunes par des gendarmes qui bloquent les entrées et sorties des dunes vers la plage.
Des familles avec des enfants sur les épaules ont atteint l'eau mais elles peinent à monter dans un des canots, de l'eau jusqu'au cou. Elles finissent par renoncer, sous les yeux des gendarmes qui leur demandent de revenir vers le rivage.
En faisant arriver les canots par la mer pour récupérer les migrants, les passeurs espèrent éviter les forces de l'ordre déployées à terre où elles crèvent parfois les embarcations sur la plage.
Deux des canots arrivés simultanément s'échangent ce matin-là des passagers en mer.
Sur l'un des canots, l'embarquement des passagers, particulièrement difficile, s'étire sur une heure et demie. Un jetski des pompiers et un canot de la gendarmerie maritime tournent autour de l'embarcation, vérifiant que ce moment à risque ne tourne pas au drame.
Dix-sept personnes sont mortes en tentant de rallier l'Angleterre par la mer depuis le début de l'année, selon le ministère de l'Intérieur. L'année 2024, tristement record, avait connu 78 décès de ce type.
Sur le sable, d'autres gendarmes surveillent la scène, sans entrer dans l'eau - une stratégie qui pourrait évoluer.
Des images diffusées sur les réseaux sociaux ces dernières semaines montrent que les forces de l'ordre interviennent parfois jusque dans les premiers mètres en mer. Paris envisage, sous la pression de Londres, de modifier la doctrine d'intervention des policiers et gendarmes en mer afin de pouvoir intercepter les taxi-boats jusqu'à 300 mètres des côtes.
Actuellement, conformément au droit international de la mer, une fois qu'une embarcation est à l'eau, les autorités ne font que du sauvetage.
Un peu plus tard ce matin-là, des bénévoles de l'association Opal'exil distribuent sur la plage vêtements et boissons aux migrants qui ont échoué à monter dans les canots.
Malgré les tragédies répétées et le démantèlement de filières - neuf passeurs afghans et kurdes ont été condamnés lundi matin à Lille - les traversées clandestines ne fléchissent pas.
Plus de 18.500 personnes sont arrivées en Angleterre à bord de "small boats" depuis le 1er janvier, selon des chiffres officiels britanniques. C'est un chiffre inédit à ce stade de l'année et 6.000 de plus que sur les six premiers mois de l'année 2022, année record en la matière depuis l'apparition des traversées par "small boats" en 2018.
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