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Thaon-les-Vosges entre dans une nouvelle dimension

Avec la requalification engagée de la friche industrielle, dite BTT (Blanchisserie et Teinturerie de Thaon-les-Vosges), labellisée «sites clés en main 2030» dans le cadre du plan étatique de réindustrialisation, la commune de Thaon-les-Vosges affiche un atout indéniable en matière de développement économique de son territoire. Une nouvelle dimension se profile. Le point avec Cédric Haxaire, maire depuis 2020 et vice-président à l’économie de la Communauté d’agglomération d’Épinal.

© Benjamin Prost. «La friche BTT est un atout en matière de développement économique pour la ville», assure Cédric Haxaire, maire de Thaon-les-Vosges depuis 2020.
© Benjamin Prost. «La friche BTT est un atout en matière de développement économique pour la ville», assure Cédric Haxaire, maire de Thaon-les-Vosges depuis 2020.

Dans votre projet de territoire, à l’horizon 2040, l’axe du développement économique s’affiche comme la priorité principale, c’est assez rare pour une commune de votre taille (8 600 habitants)?

Pour une petite ville, ce n’est pas commun ! La dynamique économique à Thaon-les-Vosges est très importante. Le destin de la ville a toujours été lié aux évolutions industrielles et aujourd’hui il nous faut anticiper les évolutions structurelles de notre économie qui peuvent avoir des impacts lourds sur la commune. Aujourd’hui, nous avons l’exemple de la société Garrett Advancing Motion, sous-traitant pour l’automobile spécialisé dans les éléments pour les motorisations thermiques et figure de proue de la zone d’activité Innova 3000 de notre territoire, qui est exposé au revirement total du marché de l’automobile vers l’électrique. Ils se battent pour trouver de nouveaux marchés. À notre échelle nous devons également les accompagner pour trouver de nouveaux business en lien avec les différents autres acteurs territoriaux à l’image de la Communauté d’agglomération d’Épinal.

Dans ce volet économique, la réhabilitation de la friche dite BTT (Blanchisserie et Teinturerie de Thaon-les-Vosges), labellisée «sites clés en main 2030» dans le cadre du plan étatique de réindustrialisation, s’affiche comme le moteur de l’avenir de votre commune. Où en êtes-vous ?

C’est un dossier prioritaire et conséquent ! La déclaration d’utilité publique visant à acquérir les parcelles, soit à l’amiable soit par voie d’expropriation a été signée en décembre dernier. Cette friche de 50 hectares, située sur la zone des Aviots, a accueilli pendant des décennies la BTT qui a compté jusqu’à 3 500 salariés. Cette usine textile a décliné dans les années 60-70. Elle ferme définitivement en 2003. Il y a eu des tentatives de redynamisation dont certaines ont réussie comme l’implantation de l’industriel Viskake qui compte plus de deux cents salariés ou encore la blanchisserie industrielle Anett et sa centaine de collaborateurs. À l’époque, mon prédécesseur souhaitait voir l’implantation d’un parc d’attraction. C’était un projet qui, à mes yeux, n’était pas cohérent car il n’utilisait que sept hectares de la zone et n’était pas suffisamment porteur d’emploi et il n’y avait pas réellement d’investisseurs et de porteurs de projet.

Quelle est votre vision pour l’avenir de cette friche?

Il faut avoir une approche globale et faire de cette friche une véritable nouvelle zone industrielle et d’activités. Quand j’ai débuté mon mandat (Cédric Haxaire a été élu en 2020), nous nous sommes rapprochés de la Communauté d’agglomération d’Épinal qui possède la compétence économique. En 2021, l’intercommunalité partage notre point de vue. Il a été décidé de conquérir la totalité du foncier pour procéder à une dépollution, une déconstruction et une requalification totale du site en lien avec l’Établissement public foncier du Grand Est. Nous sommes entrés, à l’époque dans le dispositif de la Région Grand Est, La Manufacture territoriale, visant à accompagner une dizaine de projets phares dans la région. Le fait d’avoir été labellisé «sites clés en main 2030» a naturellement permis de donner une nouvelle dynamique au projet et des enveloppes budgétaires supplémentaires. L’État est chargé de piloter, avec la ville et la communauté d’agglomération, l’avenir du site. Avec cette gouvernance aujourd’hui en place et qui devrait encore plus s’asseoir car un PPA (Projet partenarial d’aménagement) est en cours, les choses devraient avancer. Mon objectif est de voir cette zone livrée en 2029, c’est très ambitieux !

© Benjamin Prost. La friche industrielle BTT fait partie de la cinquantaine de sites labellisés par l’État «sites clés en main 2030».

Quelle sera la vocation de cette zone, quelle typologie d’entreprises et d’activité souhaitez-vous y voir s’installer?

Cette nouvelle zone d’activités devra être adaptée au contexte actuel et surtout futur. L’industrie verte, des entreprises vertueuses en matière social et environnemental, sont les grandes orientations souhaitées. La présence à proximité de l’Écoparc de Chavelot entre également en considération. Des synergies sont plus que possibles. Cette zone pourrait s’inscrire dans sa continuité surtout si le projet Ep’HyNE (Épinal Hydrogène et Nouvelles Énergies) de l’énergéticien Verso Energy sur l’Écoparc de Chavelot, dont la concertation préalable vient d’être lancée, est une réalité. Cela changerait la donne !

Une nouvelle dimension?

Si ce projet se réalise, cela entraînera indéniablement de nouveaux besoins. Notre future zone pourrait s’inscrire dans cet écosystème de démonstrateur territorial d’envergure en matière d’énergie verte, de décarbonation permettant d’assurer la transition écologique de notre pays. Le tout avec l’accueil de centres de formation en lien avec ces sujets. C’est un véritable écosystème autour de l’entrepreneuriat qui pourrait être également mis en place.

Une centrale hydroélectrique est présente ainsi qu’une station de pompage sur la zone des Aviots, vous entendez les récupérer. Dans quel but?

Ces deux infrastructures permettraient de renforcer notre projet énergétique de développement des énergies renouvelables. Nous avons déjà une chaufferie biomasse et des panneaux photovoltaïques. L’ambition serait d’envisager une alimentation du site via une partie d’autoconsommation. L’énergie produite sur place sera insuffisante, c’est pour cela que nous travaillons avec RTE (Réseau transport d’électricité) dont une ligne de 400 000 volts passe à proximité pour aboutir à un raccordement. Cette donne est aujourd’hui prise en compte dans le plan décennal de développement du gestionnaire de transport d’électricité.

Réintroduire de l’industrie en cœur de ville est quasi atypique aujourd’hui, comment cette future zone va-t-elle s’articuler avec le centre-ville?

Tout peut être envisagé avec un aménagement d’espaces de services, un hôtel, des restaurants. Ces installations pourraient répondre à l’activité de la salle de spectacles, La Rotonde, présente dans le périmètre. C’est un véritable écoquartier, ouvert et vertueux qui pourrait voir le jour sans se fermer du centre-ville. Nous pourrions y créer ce qui ne se trouve pas dans le centre-ville.

Le centre-ville fait lui aussi également l’objet d’un programme de revitalisation, c’est un tout?

Tout doit être pris en globalité ! La redynamisation engagée du centre-ville est une nécessité. Un architecte, lors d’une réunion au sujet de la friche BTT, m’a dit qu’il ne fallait pas attendre que la zone soit faite pour penser à améliorer le centre-ville. Des travaux de végétalisation sont engagés, l’accueil de la mairie est amélioré, il faut également s’intéresser à nos écoles ou encore à la gare. Cette dernière demeure une des portes d’entrée de la ville. Une opération de revitalisation territoriale va voir prochainement le jour. Elle va dessiner, pour les quinze ans à venir, les espaces publics, la dynamique commerciale, l’habitat.

© Benjamin Prost. La salle de spectacles La Rotonde devrait prochainement être modernisée.


Cette dynamique économique souhaitée va entraîner l’arrivée d’une nouvelle typologie de population sur le territoire communal, les choses sont-elles déjà anticipées?

Si nous arrivons à maintenir cette dynamique économique, il nous faut améliorer le parc de logements pour accueillir de nouveaux profils. Nous avons déjà mené un important travail sur les logements vacants ! Ils sont passés de quatre cent cinquante en 2019 à deux cents au dernier pointage de janvier dernier. Il faut donner envie aux gens de vivre ici et il faut proposer une ville qui donne envie.

Depuis la sortie de la crise de la Covid-19, les Vosges ont connu un regain d’engouement aujourd’hui palpable, le développement touristique est-il un des axes travaillés?

Oui, mais d’une façon mesurée ! Nous sommes d’abord une destination culturelle et événementielle avec la salle de spectacles La Rotonde qui va d’ailleurs être modernisée prochainement. Le développement de l’activité touristique doit s’opérer de manière raisonnable. À Thaon-les-Vosges, notre contribution, c’est celle de l’industrie et d’une belle qualité de vie pour les habitants.



Zone Innova 3000 : mutation à venir ?

Le sujet risque d’être délicat ! La Zone Innova 3000 s’affiche comme la zone la plus importante des Vosges. Si elle souhaite le rester, elle doit envisager une mutation en profondeur. «Il faut qu’elle fasse sa propre mutation et que les occupants affichent une ambition partagée», assure Cédric Haxaire. «Un schéma des zones d’activités, au niveau de la communauté d’agglomération d’Épinal est en train de mûrir.» Une vraie feuille de route, labellisée par l’État, pourrait donc voir le jour.