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L'État assigné par le père d'Estelle Mouzin pour faute lourde dans l'enquête sur la disparition de sa fille

Éric Mouzin, père d'Estelle Mouzin, victime de Michel Fourniret disparue en 2003, a assigné mercredi l’État pour faute lourde et déni de justice, fustigeant à l'audience un "amateurisme" dans l'enquête...

Eric Mouzin, le père d'Estelle Mouzin, arrive à la cour d'assises pour assister au procès de Monique Olivier, ex-femme du tueur en série Michel Fourniret, le 14 décembre 2023 à Nanterre, près de Paris © JULIEN DE ROSA
Eric Mouzin, le père d'Estelle Mouzin, arrive à la cour d'assises pour assister au procès de Monique Olivier, ex-femme du tueur en série Michel Fourniret, le 14 décembre 2023 à Nanterre, près de Paris © JULIEN DE ROSA

Éric Mouzin, père d'Estelle Mouzin, victime de Michel Fourniret disparue en 2003, a assigné mercredi l’État pour faute lourde et déni de justice, fustigeant à l'audience un "amateurisme" dans l'enquête sur la disparition de sa fille.

Le 9 janvier 2003, alors qu'elle rentrait de l'école à Guermantes, en Seine-et-Marne, Estelle Mouzin disparaît. 

Elle ne sera jamais retrouvée. 

L'instruction de deux décennies a mené à la condamnation en décembre 2023 de Monique Olivier à la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d'une période de sûreté de 20 ans, pour sa complicité dans trois enlèvements et meurtres commis par son ex-mari Michel Fourniret dont celui d'Estelle Mouzin, la plus jeune des victimes du tueur en série.

Condamné à la perpétuité incompressible pour les meurtres de sept jeunes femmes ou adolescentes entre 1987 et 2001, Michel Fourniret est mort le 10 mai 2021 à 79 ans. 

Il n'a jamais été jugé pour la mort d'Estelle Mouzin, dont le corps n'a pas été retrouvé.

Au début de l'enquête, la piste de ce tueur en série est un temps suivie avant d'être abandonnée. 

Ce n'est qu'en 2020 que la juge Sabine Khéris, succédant à sept autres magistrats, réussit à faire reconnaître à Michel Fourniret son rôle dans la mort d'Estelle Mouzin.

"La piste Michel Fourniret, pourtant évidente, n'a pas été suivie comme elle aurait dû être suivie et nous l'avions demandé à de multiples reprises", a plaidé Me Didier Seban, avocat d’Éric Mouzin, listant un manque d'investigations sur la téléphonie et sur des ADN féminins non exploités dans la camionnette de Michel Fourniret. 

Lors de l'audience mercredi devant la 1ère chambre civile du tribunal judiciaire de Paris, Éric Mouzin, père de la fillette, est allé jusqu'à qualifier les actes du service enquêteur d'"amateurisme".

"Dans le dossier, il y a une copie d'écran de la page Mappy: 2H43 de Guermantes aux Ardennes belges" où résidait alors le tueur en série. "Conclusion: ça ne peut pas être Michel Fourniret", a-t-il relaté, agacé. 

Pendant neuf ans, le dossier n'était pas coté (système de classement des différentes pièces du dossier qui permet de les répertorier). Ce n'est qu'en 2012 que la partie civile a pu avoir un accès complet à la procédure. 

Le procureur a reconnu des "manquements du service public de la justice à l'égard de la partie civile". 

"Il y a une faute lourde mais entre cette faute lourde et le fait que Michel Fourniret n'a pas été mis en examen, il n'y a pas de causalité directe", a ajouté le représentant du ministère public. 

Pas d'inaction

"La source de préjudice la plus importante est la non mise en examen de Michel Fourniret et son épouse entre 2006 et 2019", a déclaré le procureur. Mais "dans la mesure ou il s'agit de décisions juridictionnelles contre lequel le demandeur dispose de voies de recours, il n'y a pas lieu d'engager la responsabilité de l’État".

L'avocate représentant l'agent judiciaire de l’État a développé le même argumentaire.

"Éric Mouzin n'a pas utilisé les voies de recours (...) Il pouvait saisir la chambre de l'instruction pour outrepasser le silence des juges d'instruction", a-t-elle affirmé, ensuite contredite par Me Seban citant quelques recours effectués par les parties civiles. 

"Il appartient à Monsieur Éric Mouzin d'apporter la preuve d'un dysfonctionnement: absence d'information, déperdition de scellés, absence de prise en compte de Michel Fourniret et Monique Olivier", a poursuivi l'avocate.

Au sujet du délai déraisonnable de l'instruction, constituant d'après Éric Mouzin un déni de justice, le procureur a estimé qu'il n'était "pas démontré de particulière période de carence ou d'inaction".

"Certes, des juges d'instruction se sont succédé mais aucun d'eux n'a laissé l'affaire des mois sans rien faire", a affirmé le procureur.

L'avocate de l'agent judiciaire de l’État a demandé au tribunal de ne pas faire droit au préjudice matériel et financier. Au sujet du préjudice moral, admis par l’État, elle a demandé au tribunal de revoir à la baisse les montants.

Éric Mouzin demandait 150.000 euros au titre des préjudices matériel et financier et 200.000 euros pour le préjudice moral.  

La décision sera rendue le 3 septembre.

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