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A Aubervilliers, des femmes formées à devenir des "battantes" en entrepreneuriat

"Ma soeur et moi avons l'énergie, le plan et la détermination": après avoir présenté son projet de laverie automatique, l'apprentie entrepreneuse Clarisse Kobina vient le défendre pied à...

L'acteur américain Forest Whitaker signe des autographes après avoir inauguré le centre de formation de sa fondation, la "Whitaker Peace and Development Initiative (WPDI)" à Aubervilliers, en banlieue parisienne, le 17 mai 2023 © THOMAS SAMSON
L'acteur américain Forest Whitaker signe des autographes après avoir inauguré le centre de formation de sa fondation, la "Whitaker Peace and Development Initiative (WPDI)" à Aubervilliers, en banlieue parisienne, le 17 mai 2023 © THOMAS SAMSON

"Ma soeur et moi avons l'énergie, le plan et la détermination": après avoir présenté son projet de laverie automatique, l'apprentie entrepreneuse Clarisse Kobina vient le défendre pied à pied face à des experts. 

Dans 48 heures, elle sera confrontée à un vrai jury qui lui attribuera ou non une bourse labellisée Forest Whitaker fin juin.

L'acteur américain de 63 ans, très investi dans les problématiques de précarité et de développement économique notamment, était venu en mai 2023 dans le quartier populaire des Quatre-Chemins à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) inaugurer un centre de formation dépendant de son ONG, la Whitaker Peace & Development Initiative (WPDI). Fondée en 2012, elle s'implantait pour la première fois en Europe, après l'Amérique et l'Afrique.

"L'action de WPDI commence par l'ouverture d'un centre dans lequel on forme des jeunes qui vont (...) travailler pour la paix", avait alors déclaré aux journalistes Forest Whitaker, après plusieurs visites en toute discrétion en Seine-Saint-Denis, département parmi les plus pauvres et à la criminalité parmi les plus élevées de France.

Si cette initiative se concrétisera par une semaine d'éducation à la paix et à la non-violence dans les collèges et lycées du département en octobre prochain, le directeur du centre, Grégory Lepionnier, et son équipe poursuivent depuis plus de deux ans leur mission auprès d'un autre public cible: les femmes.

"A l'échelle internationale, elles sont victimes de discriminations, mises au ban de la société. Si on veut changer leurs conditions de vie, il faut développer leur pouvoir d'agir", explique à l'AFP Grégory Lepionnier.

"Les Battantes", son programme phare, propose donc pendant trois à quatre mois d'accompagner des femmes sur la voie de l'entrepreneuriat.

Obligées d'avancer

"Vous avez déjà des relations avec des bailleurs ?", "les 6.000 euros, c'est pour lancer la communication ?"... Clarisse Kobina a réussi à boucler son pitch en cinq minutes. 

Mais cette responsable commerciale export de 36 ans, actuellement en pause professionnelle, doit répondre aux interrogations de Chloé Lemeunier, l'une des expertes convoquées en ce jour de juin, sur les contours de sa future entreprise, Wash'n Chill, qu'elle veut implanter à Saint-Denis: modèle économique, concurrence, zone d'implantation...

"On n'attend pas quelque chose de parfait", mais de constater "leur mobilisation pour leur territoire", analyse la responsable du centre d'innovation sociale à l'université Paris 8.

"On se voit toutes les semaines pour travailler notre projet, en collectif, en individuel. On est obligées d'avancer", abonde Djazia Larachiche, 54 ans, une autre postulante parmi une quarantaine à la bourse Whitaker.  

Son projet à elle ? Laradom, une structure qui veut proposer des services "de bien-vivre à domicile" aux personnes âgées et handicapées dépendantes et aux ménages actifs, à Pantin et dans les alentours.

"Les Battantes" n'est cependant pas la première initiative consacrée à l'entrepreneuriat féminin sur le territoire, riche d'acteurs en la matière: CCI 93, Réseau Entreprendre 93... 

En 2023, 57% des 502 entrepreneurs suivis par la Maison de l'initiative économique locale, qui accompagne la création et le développement des très petites entreprises, étaient des femmes, indique à l'AFP Marine Simon, chargée de la mission emploi de la ville d'Aubervilliers et qui travaille avec l'association. 

Idée du siècle

Clara Métayer, 30 ans, aurait pu être l'une d'elles. Mais la couturière, à son compte depuis trois ans à Paris, a été "séduite" par WPDI lors d'un forum sur l'emploi en janvier. "Ce qui m'a plu, c'est que les formateurs ont aussi de l'expérience dans le milieu associatif." 

Son objectif: développer "Sauve qui peut" pour enseigner, notamment en milieu scolaire, la réparation textile par la couture. 

Octroyer une dotation de 1.000 à 6.000 euros, ainsi qu'un accompagnement d'un an sur un tel projet d'économie sociale et solidaire, "correspond à l'ADN de la Fondation BNP Paribas", l'un des mécènes de la WPDI, affirme sa déléguée générale Isabelle Giordano. 

Aminata Doucouré, 38 ans et Stéphie Nkubi Wangara, 36 ans, lauréates des premières promotions, sont désormais membres du jury blanc.

La première a fondé une marque de produits capillaires naturels pour cheveux crépus. La seconde est devenue cheffe traiteur dans l'événementiel et le privé, et valorise la gastronomie afro-caribéenne. 

Stéphie Nkubi Wangara n'a que deux conseils à donner à ses successeures: "Entreprendre, c'est aller vers l'inconnu", il faut donc ne pas avoir peur, "lâcher prise" sur ses émotions et surtout "vendre son projet comme l'idée du siècle". 

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