À Boulogne-sur-Mer naît un consortium autour des algues
Activité complémentaire et marginale ou opportunité de créer une filière viable et vertueuse ? C’est à cette question qu’ont tenté de répondre acteurs privé et publics, à Nausicaa le 12 novembre dernier, lors d’une conférence dédiée aux projets d’expérimentation de culture de nos «salades des mers».
Et si les algues représentaient bien plus qu'une activité complémentaire à la pêche ? C'est en tout cas l'idée explorée par Opalgue, un consortium privé-public, qui s'est réuni le 12 novembre à Boulogne-sur-Mer. Il ne s’agit pas seulement d’une suture nominative entre la Côte d’Opale et les algues ; le jeu de mot «Opalgue» va beaucoup plus loin : «c’est un spectre très large qui s’appuie sur des projets d’expérimentation de culture d’algues sur la Côte d’Opale», explique Martine Lesage, directrice du programme du consortium public-privé qui travaille le sujet.
Officiellement portée par le Comité régional des pêches maritimes et des élevages marins (CRPMEM), l’idée a reçu le soutien du Conseil régional des Hauts-de-France pour les parties d’études préliminaires (300 000 euros) et bénéficie d’un travail en réseau. Il compte une quinzaine de partenaires parmi lesquels des universités, des collectivités territoriales, de multiples laboratoires comme l’Ifremer, et des acteurs publics (comme l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du Travail). Autant de compétences et de moyens qu’il faut mettre à contribution pour développer plusieurs voies.
Des usages multiples
L’idée centrale réside dans la culture et la valorisation de macro-algues endémiques (dont l’espèce est déjà présente sur nos côtes). «La culture des algues peut répondre à plusieurs problématiques comme la crise alimentaire - y compris animale -, car elles peuvent constituer un apport important en terme de nutriments ; elles captent également le CO2 et relâchent de l’oxygène ; les développements sanitaires et cosmétiques sont aussi au programme» énumère encore Mathilde Lesage.
Avant d’y parvenir, plusieurs problèmes doivent trouver leur solutions : une fois cultivées en écloserie, il faudra remettre les espèces sélectionnées dans leur milieu naturel sur des supports qui devront tenir la distance entre les marées, les courants, les vents, des fonds marins mobiles… Une modélisation d’une structure est en cours et devra orienter la configuration des «champs» finaux d’une surface de 5 hectares à 2 kilomètres du large.
Un marché «colossal»
L’opportunité semble claire : le marché mondial de l’algue affiche des taux de croissance à deux chiffres tous les ans, et l’Europe fait figure de nain sur ce terrain. 37 millions de tonnes d’algues sont produites tous les ans dans le monde, dont 95% sont «cultivés» en Asie. Parmi cette écrasante majorité, 77% sont destinés à l’alimentation humaine. Essentiellement en Asie où chacun en mange 8 kilogrammes par an. «C’est un marché colossal» argumente le CRPMEM. L’Europe, elle, n’en produit que 360 000 tonnes… Dont 70 000 tonnes en France. Et le plus gros producteur plafonne à 250 tonnes par an.
Une situation à laquelle Boulogne-sur-Mer, qui bénéficie de la plus grande plate-forme halieutique de savoir-faire en Europe, compte bien remédier. Trois sites ont déjà été présélectionnés en concertation avec chaque acteur intéressé : au large nord de Boulogne-sur-Mer, de Marck-en-Calaisis et en face de Neufchatel-Hardelot. La phase préparatoire initiée fin 2023 va se poursuivre jusqu’à la fin de l’année 2026 avec des études complémentaires. Dès l’automne prochain, des expérimentations sur site seront lancées an concertation avec certaines communes comme Neufchatel-Hardelot dont la maire Paulette Juilien-Peuvion s’est montrée favorable. L’écloserie se tiendra à Wimereux chez le spécialiste de l’aquaculture Nouvelle Vague. Au final, ce seront les pêcheurs qui auront les concessions pour aller «aux champs».
Pour Aletheia Press, Morgan Railane