Entretien avec le président de la Chambre nationale des commissaires de justice

Benoit Santoire : «Améliorer et simplifier le service au justiciable»

Président de la Chambre nationale des commissaires de justice, Benoit Santoire est venu à la rencontre de ses 209 confrères de la Cour d’appel de Douai. L’occasion de décrypter une profession créée en juillet 2022. Entretien.

Benoit Santoire, président de la Chambre nationale des commissaires de justice. © CNCJ
Benoit Santoire, président de la Chambre nationale des commissaires de justice. © CNCJ

Quelles sont les raisons de la création de la profession de commissaire de justice ?

L’objectif était de regrouper deux très anciennes professions d'Officiers publics et ministériels, les huissiers de justice et les commissaires-priseurs judiciaires, et d’en faire une nouvelle grande profession du droit, premier relais de la justice sur le terrain. Initiée par la loi Croissance et activité du 6 août 2015, il s’agissait de conjuguer les singularités des deux métiers afin de bâtir une nouvelle profession plus cohérente et efficace. Officiellement née le 1er juillet 2022, la nouvelle profession de commissaire de justice regroupe donc aujourd'hui 3 700 officiers publics et ministériels répartis sur tout le territoire français, régis par leur Ordre national, la Chambre nationale des commissaires de justice, sous la tutelle du ministère de la Justice, pour améliorer et simplifier le service au justiciable (particulier, entreprise, collectivité).

En quoi ce rapprochement répond-il à une problématique de simplification ?

Dans l’esprit du grand public, nos deux anciennes professions peuvent apparaître très distinctes. Pourtant certains huissiers de justice exerçaient déjà certaines activités des anciens commissaires-priseurs judiciaires, telles que les inventaires, les prisées et les ventes aux enchères publiques judiciaires. Nos anciennes professions n’étaient donc pas si éloignées qu’il pourrait y paraître à première vue. En effet, elles avaient pour vocation de faire appliquer les décisions de justice, que ce soit pour recouvrer une condamnation pécuniaire ou pour réaliser un inventaire judiciaire. Nos deux professions avaient également pour mission de protéger le justiciable, que ce soit pour matérialiser une preuve, répondre au besoin du créancier de recouvrer son dû ou pour préserver son patrimoine s’agissant d’un majeur protégé.

À la suite de ce rapprochement, le justiciable peut désormais bénéficier de l’ensemble des prestations fournies par nos deux anciennes professions, réunies en un seul interlocuteur. Ce professionnel choisi par le justiciable sera en mesure d’offrir l’ensemble des prestations pour répondre à tous les besoins potentiels dudit justiciable, sans avoir à renvoyer vers un autre professionnel. C’est une simplification et une meilleure lisibilité pour le justiciable.

Quelles sont les missions confiées aux Commissaires de Justice ?

Il me faut tout d’abord vous préciser que les ex. huissiers de justice et les ex. commissaires-priseurs judiciaires n’existent plus en tant que tels et sont tous désormais des commissaires de justice. Ce qui implique que la nouvelle profession regroupe l’intégralité des missions des deux anciens métiers : la signification des actes judiciaires et extrajudiciaires ; la mise en application des décisions de justice ; les constats, le recouvrement amiable et judiciaire ; les inventaires, prisées et ventes judiciaires ; les mesures conservatoires ; la rédaction d’actes sous seing privé et le conseil juridique ; la médiation judiciaire et conventionnelle ; l’administration d’immeubles ; et l’intermédiation de mandataire d’assurance. Aujourd’hui un commissaire de justice assure toutes ces missions, et en endossera même d’autres à l’avenir, car notre profession se modernise et évolue sans cesse.

Ces missions communes, qui sont l’agrégation de toutes les missions des deux anciennes professions, sont évidemment exercées de la même manière quelle que soit l’origine de chaque professionnel. Les huissiers de justice et les commissaires-priseurs judiciaires étaient des officiers publics et ministériels et à ce titre déjà tenus à une déontologie forte. Notre nouvelle profession de commissaire de justice est tenue aux obligations de ce statut d’officier public et ministériel, et quelle que soit la mission exercée, y compris dans le domaine concurrentiel, le professionnel est soumis au même Code de déontologie.

Comment s’est mise en œuvre la formation à ce nouveau métier ?

Auparavant, chacune des deux professions disposait de son propre cursus de formation : les commissaires-priseurs judiciaires, via leur Chambre nationale qui assurait la formation initiale et continue en partenariat avec le Conseil des Ventes Volontaires (ancienne dénomination de l’actuel Conseil des Maisons de Vente) ; les huissiers de justice réalisaient leur formation continue obligatoire au sein de l’École Nationale de Procédure, laquelle comportait également un département indépendant et paritaire pour assurer la formation interne des salariés. En 2018 nous avons lancé l’INHJ (Institut national de formation des huissiers de justice) pour accompagner la transition vers la nouvelle profession, puis, en 2020 nous avons créé l’INCJ (institut national de formation des commissaires de justice) qui a accueilli la première promotion de commissaires de justice, sortis diplômés en 2023.

Aujourd’hui l’INCJ assure la formation pour tous les futurs commissaires de justice et aborde toutes les facettes et missions variées de cette nouvelle profession. Pour intégrer l’INCJ, le niveau d’étude exigé est passé de bac+4 à bac+5 et les candidats doivent réussir un examen d’entrée pour intégrer le cursus. La formation dure 2 ans et combine des enseignements théoriques et stages pratiques. Les étudiants doivent ensuite valider un examen d’aptitude qui remplace l’examen professionnel d’huissier de justice et celui de commissaire-priseur-judiciaire. Par ailleurs, l’EFSCO (École de Formation des Salariés des Commissaires de justice) est également opérationnelle. Cette école est gérée suivant les règles du paritarisme, c’est-à-dire qu’elle est dirigée par des représentants des employeurs et des représentants des salariés puisque la formation dispensée est destinée à ces derniers.

Les premiers étudiants ont été diplômés il y a quelques mois. Quel premier bilan tirez-vous ?

Cette première promotion diplômée commissaire de justice est venue définitivement sceller cette nouvelle profession car elle lui donne corps, et concrétise cette formation commune. Cette première promotion n’a pas «essuyé les plâtres» mais a pu bénéficier d’une formation repensée, dont le plus gros changement était intervenu récemment avec la mise en place d’un examen d’entrée dans le cursus de formation, contrairement à ce qui se faisait auparavant où il n’y avait qu’un examen de sortie, lequel est par ailleurs maintenu. Nous nous sommes toutefois heurtés à un problème d’attractivité de la profession. Cela peut s’expliquer par les difficultés rencontrées par la profession durant la pandémie, mais aussi par une certaine évolution des mentalités, notamment des jeunes, dont certaines aspirations personnelles sont parfois moins compatibles avec l’exercice d’une activité libérale.

Nous avons pris en compte ces aspirations et la Commission Parité a proposé un certain nombre d’aménagements en mesure de convaincre davantage les jeunes, et notamment les jeunes filles qui sont aujourd’hui largement majoritaires parmi les diplômés. Nous avons par ailleurs mis en place des campagnes de communication à destination des jeunes afin de faire de la pédagogie, de mieux faire connaître toutes les facettes très variées de notre profession et de répondre à certaines idées reçues qui peuvent encore nous handicaper. Au vu des derniers résultats de l’examen d’entrée, nous avons matière à être optimistes car le nombre de reçus est en hausse significative. Nous sommes donc en train de gagner la bataille de l’attractivité de cette nouvelle profession.