Finances
Budget de la Sécurité sociale : un compromis bancal
Le budget de la Sécurité sociale pour 2026 a été adopté dans la douleur sur la base d’un compromis politique, qui ne résout hélas pas le problème du financement à long terme.
Après des semaines de palabres et de joutes verbales, le projet de loi de Financement de la
Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026 vient d’être adopté, ce mardi 16 décembre. Le Premier ministre avait d’ailleurs déclaré, dès le 6 décembre, que même si ce budget « n’est pas parfait », en l’état des choses « il est le meilleur budget possible ». C’est dire combien les compromis ont dû être nombreux, et surtout dans le camp gouvernemental, pour en arriver à une telle déclaration, alors même qu’Édouard Philippe (Horizons) et Bruno Retailleau (LR) exprimaient publiquement leur désapprobation. Le seul mérite de ce budget est finalement d’exister, même s’il ne règle en rien les questions de fond relatives à la Sécurité sociale.
Fiscalisation croissante de la Sécurité sociale
Fondée en 1945 sur les principes d’universalité, de solidarité et d’unité, la Sécurité sociale protège les individus contre les risques sociaux, classés historiquement en quatre branches : la branche accidents du travail et maladies professionnelles, la branche famille, la branche maladie et la branche retraite. En 2021, s’est ajoutée la branche autonomie (CNSA) dont la finalité est de gérer les dépenses liées à la perte d’autonomie des personnes âgées et handicapées. Sans surprise, dans les dépenses des régimes de base en 2024, les branches vieillesse (44,5 %) et maladie (38,3 %) se taillent la part de lion.
Mais, alors qu’à l’origine la Sécurité sociale reposait sur un modèle essentiellement assurantiel (« bismarckien ») consistant à financer les prestations par des cotisations sociales, aujourd’hui, seule la moitié environ de ses ressources provient encore des cotisations. Le reste résulte pour une part croissante des impôts et taxes affectés (ITAF) constitués, notamment, à 20 % de la CSG et à 8 % de la TVA. Les contributions publiques de l’État et des collectivités territoriales complètent ensuite l’ensemble en subventionnant les régimes de retraite en difficulté, en soutenant les dépenses de solidarité (RSA, Fonds de solidarité vieillesse) et en assumant une partie des exonérations de cotisations sociales.
Les branches maladie et vieillesse en déficit
Année après année, la branche maladie connaît des déficits difficiles à résorber : -30,5 milliards d’euros durant la pandémie en 2020, mais encore -13,8 milliards en 2024. La branche vieillesse accuse également un déficit chronique, qui s’est élevé à -4,5 milliards d’euros en 2024. Les autres branches historiques sont, quant à elles, plus ou moins à l’équilibre. L’un dans l’autre, le déficit des comptes des régimes de base de la Sécurité sociale et du fonds de solidarité vieillesse est passé de -10,8 milliards d’euros en 2023 à -15,3 milliards d’euros en 2024 et probablement -23 milliards en 2025.
À tel point que la Cour des comptes en est arrivée à la conclusion, dans son rapport remis le 3 novembre dernier, que « le doublement du déficit de la sécurité sociale entre 2023 et 2025 atteste une perte de contrôle de la trajectoire des finances sociales dans une période qui n’est pas caractérisée par une crise économique ou financière aiguë ». Et concernant le PLFSS, elle critique de manière perfide « le volontarisme des hypothèses économiques qui le sous-tendent, ainsi que le caractère hypothétique des projections de finances publiques, dans un contexte politique incertain ».
Problèmes structurels en suspens avec le PLFSS 2026
Les parlementaires et sénateurs ont avancé toutes sortes d’explications, plus ou moins pertinentes à ce déficit structurel : faible croissance de l’activité, et donc des recettes fiscales ou sociales, rapport entre actifs et retraités insuffisant pour financer les retraites par répartition à périmètre constant, dépenses sociales indues ou frauduleuses trop importantes, etc. Mais, concernant la dégradation du déficit constaté en 2025, la Cour des comptes rappelle avec justesse qu’elle « tient pour partie à un affaissement conjoncturel des recettes, lié au ralentissement économique et à une composition de la croissance défavorable aux recettes sociales. Les dépenses sociales restent par ailleurs structurellement dynamiques. »
Le problème est que la recherche d’un compromis sérieux sur les dépenses et recettes pluriannuelles de la Sécurité sociale était devenue une mission impossible, tant l’Assemblée nationale est divisée. À défaut de prendre le taureau par les cornes, le gouvernement a donc fait le choix d’avaler son chapeau en donnant beaucoup de gages de bonne volonté au Parti socialiste et aux écologistes : décalage (suspension ?) de la réforme des retraites, abandon du gel des pensions de retraite et des prestations sociales, renoncement au doublement des franchises médicales par décret, hausse de la CSG à 10,6 % sur les revenus du capital pour financer la branche autonomie, relèvement de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) à 3,1 % en 2026, etc.
Résultat financier des courses : le déficit de la Sécurité sociale s’établirait à -19,4 milliards d’euros en 2026 ! Tout reste donc à faire… en 2027 ?