Calais et Caudry : la dentelle en grand danger
2025 annus horribilis pour la dentelle de Calais-Caudry ? Plusieurs fabricants de la célèbre dentelle et l'un de ses sous-traitants teinturiers, sont proches du tapis. La célèbre dentelle Leavers, symbole d’un savoir-faire unique, pourrait bien disparaître.

Clap de fin pour la profession ? On pourrait aisément le penser. Depuis plusieurs décennies, la dentelle de Calais-Caudry connaît un lent déclin. En 2025, la situation semble atteindre un point critique. À Calais, l’entreprise Darquer-Méry, l’un des derniers fabricants de dentelle Leavers, a été placée en redressement judiciaire en avril. Elle emploie encore 32 personnes.
À ses côtés, Chroma Biotech, l’un des deux derniers teinturiers spécialisés dans la dentelle, est aussi en grande difficulté. Il faut dire que son activité dépend directement de celle de Darquer-Méry et d'autres fabricants, eux-mêmes fragilisés.
Un lent effondrement
Ce n’est pas la première fois que la filière traverse une crise. Ces 20 dernières années, plusieurs grandes entreprises de dentelle ont fermé ou changé de mains. C’est le cas de Noyon, Desseilles, Riechers & Marescot, Boot, Cosetex, ou encore Colors Biotech (devenu Chroma Biotech). La production a chuté, les clients de luxe se sont raréfiés, et les savoir-faire risquent de se perdre.
En 2019, un homme d’affaires du Valenciennois, Pascal Cochez, a tenté de sauver l’ensemble en rachetant plusieurs sociétés pour les regrouper : Darquer, Méry, Boot, Cosetex. Mais malgré les efforts, le projet industriel ne décolle pas.
Des chiffres inquiétants
Les résultats financiers de Darquer-Méry en disent long. En 2021, le chiffre d’affaires atteint 1,8 million d’euros, avec 400 000 euros de bénéfices. En 2022, le chiffre monte à 2,2 millions, mais les bénéfices tombent à 61 000 euros. En 2023, c’est la rechute : 1,7 million d’euros de chiffre d’affaires, et 300 000 euros de pertes. Enfin, en 2024, on assiste à une remontée spectaculaire de l'activité, mais le résultat négatif explose à prés de 900 000 euros. Trop lourd à supporter.
Le 17 juillet, l’entreprise est passée devant le tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer. L’audience a permis à l'entreprise de poursuivre son activité d'ici son prochain rendez-vous avec le tribunal fixé le 2 octobre prochain. Ses 32 salariés vont pouvoir souffler le temps de l'été et l'entreprise tenter de refaire sa trésorerie grâce à la prise en charge des congés payés par les AGS. Une bulle d'air dans une activité atone.
À Caudry, une situation tout aussi compliquée
À Caudry, la situation est également préoccupante. Le groupe Holesco (Sophie Hallette, Riechers-Marescot...) souffre aussi et s'est résigné à licencier 12 personnes dans les 12 derniers mois. Son concurrent Solstiss tente de rester à flot et de soutenir sa filiale Chroma Biotech (sise à Calais) dont Darquer est l'un des principaux clients. Le Caudrésien est allé jusqu'à investir plus de 400 000 euros au capital de Darquer-Mery pour qu'il reste à flot.
Dans le landerneau de la dentelle, seuls les établissements Jean-Bracq à Caudry semblent résister avec un chiffre d'affaires étal de 3,5 millions d'euros sans perte. Et Storme continue de faire mentir les pronostics morbides suite au déménagement d'un de ses métiers Leavers en mai dernier. En effet, les frères Storme ont repris leur production et l'on peut entendre, comme autrefois, quelques métiers Leavers tourner dans la dernière usine de centre-ville de Calais. Sans soutien massif – public, privé ou du monde du luxe – la dentelle de Calais-Caudry pourrait bien ne plus exister demain.