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CHU de Lille : l'excellence au service de tous

Avec ses 11 hôpitaux, son université, ses écoles et près de 30 000 personnes qui foulent chaque jour ce site gigantesque de 60 hectares, le CHU de Lille est l'un des plus grands établissements publics de santé du Nord de l'Europe. Son directeur depuis 2017, Frédéric Boiron, revient sur ce qui en fait un établissement hors-normes et sur les défis à venir en matière de santé régionale.

Frédéric Boiron, directeur du CHU de Lille. ©Davy Rigault
Frédéric Boiron, directeur du CHU de Lille. ©Davy Rigault

Le CHU de Lille est l'un des meilleurs hôpitaux de France, de par ses spécialités et ses praticiens. Qu'est-ce qui en fait sa spécificité ?

Nous comptons plus de 16 000 professionnels, dont certains sont des référents internationaux dans leur spécialité. L'une de nos spécificités, c'est d'avoir un niveau élevé d'expertise et nous sommes souvent en effet, parmi les meilleurs en France, voire en Europe. Être l'un des plus grands CHU de France nous donne d'importantes capacités d'action.

Une autre des spécificités du CHU, c'est de regrouper 11 hôpitaux sur un seul campus, auxquels s'ajoutent les universités mais aussi des laboratoires de recherche dont nous sommes en co-tutelle ; c'est aussi une particularité lilloise. Le CHU est un ensemble au service de tous. Ici, on ne trie pas la patientèle, on ne fait pas de devis. On aime cette idée : pouvoir cultiver l'excellence dans une structure publique.

Votre budget annuel s'élève à 1,8 milliard d'euros. Quelle part consacrez-vous aux investissements ?

A mon arrivée en 2017, le budget était de 1,3 milliard d'euros. Déjà, il convient de préciser que sur ce budget d'1,8 milliard, quasiment 1 milliard est dédié à la masse salariale, dont les rémunérations évoluent en fonction des annonces gouvernementales, à l'image du Ségur de la Santé. La moitié de nos recettes est liée à notre activité, l'autre moitié, ce sont des dotations provenant de nos missions d'intérêt général. Chaque année, nous consacrons 50 millions d'euros à de l'investissement, en dehors de nos gros projets d'investissement, à l'image de la rénovation de Jeanne de Flandre (250 millions d'euros d'investissement, ndlr). Cela peut par exemple concerner l'achat de robots d'assistance chirurgicale.

Nous avons récemment installé une IRM 7 Tesla (à ultra haut champ magnétique), pour un meilleur dépistage des maladies neurologiques et psychiatriques : c'est seulement la 3ème ou 4ème en France.

Grâce à l'IRM 7T, nous souhaitons faire bénéficier à l’ensemble des IRM 3 Tesla de la région Hauts-de-France des capacités de détection très élevées et des connaissances acquises en ultra haut champ. C'est aussi ça le rôle d'un CHU : faire émerger des capacités nouvelles pour prévenir, et donc traiter plus tôt les maladies.

Quel est l'impact de l'IA dans vos métiers ?

Elle est considérable, tout en étant un sujet de discussion et de réflexion. Tous les équipements d'imagerie utilisent évidemment l'informatique mais il est aussi possible d'y ajouter de l'IA et ce sont des algorithmes, qui ont appris à reconstituer des images à partir de millions d'images, qui peuvent repérer des signaux. Cela améliore le travail mais l'IA n'est pas là pour innover : c'est l'œil du radiologue et son expertise qui sont indispensables pour traiter après la machine. L'IA renforce les capacités d'expertise mais ne fera pas disparaître les métiers. Aucun robot ne fonctionne seul, il faut toujours l'intervention humaine !

©Davy Rigault CHU de Lille


Le CHU de Lille est situé sur le même campus qu'Eurasanté. Avez-vous des volontés de rapprocher la recherche académique du monde de l'entreprise ?

L'idée brillante, de la naissance d'Eurasanté, était de rapprocher la recherche fondamentale puis clinique, du monde de l'industrie et de favoriser la transition. Nous sommes totalement partie prenante d'Eurasanté avec qui nous réalisons du transfert de technologies et nous avons des chercheurs qui créent des entreprises.

«Cultiver l'excellence dans une structure publique»

Le CHU de Lille comporte également une Direction de l'Innovation et de la Recherche, composée de 400 collaborateurs qui aident au montage et à l'accompagnement de projets de recherche. La recherche et l'innovation font partie des missions d'un CHU.

Il y a 15 ans a également été initié le Budget Programme Innovation (BPI) pour financer chaque année les innovations proposées par des soignants. Sur ce volet, il ne s'agit pas de recherche initiale mais de projets prêts à être mis en œuvre. C'est d'ailleurs comme cela qu'a été développée la production des îlots de Lagerhans – des groupes de cellules localisés dans le pancréas – développés par des équipes de l'hôpital Claude Huriez et qui ont débouché sur une production à destination d'autres CHU.

La région des Hauts-de-France est tristement connue pour sa prévalence sur certaines maladies, plus accrue que dans d'autres régions et une population touchée par des inégalités de santé.

En effet, les Hauts-de-France sont très touchés avec une importante prévalence des cancers, mais aussi de l'obésité, de la diabétologie, etc., avec des effets sur la cardiologie, la neurologie. Il y a de gros efforts de prévention à renforcer. Ce n'est pas facile parce que la population n'est pas toujours très accessible, les messages de prévention sont entendus mais nous avons derrière nous des décennies de médecine curative. Il faudrait faire de la prévention très en amont et continuer de coordonner les acteurs de santé entre eux.

On parle souvent du mal-être de l'hôpital public en France. Partagez-vous ce constat ?

En France, nous avons la chance d'avoir ce système de santé et ce système public hospitalier. Nous sommes un des pays développés où l'accès à la santé est l'un des plus partagés. Attention, je ne dis pas que c'est toujours facile mais les soins de bon niveau sont accessibles à tous, malgré les difficultés. Pour être honnête, je ne partage pas le discours catastrophiste sur l'hôpital que l'on entend depuis 20 ans où on nous dit que l'hôpital est au bord du gouffre et qu'il est en train de s'effondrer. Il n'y a qu'à regarder le budget du CHU de Lille : je rappelle que c'est la collectivité qui nous apporte ces ressources et que nous vivons grâce à la solidarité ! Evidemment, nous avons des dépenses qui sont encore mal financées et nous aimerions avoir davantage de capacité d'investissement mais on continue de pouvoir investir de façon courante, au service de tous.

258 millions d'euros investis pour Jeanne de Flandre

C'est l'une des premières maternités de France métropolitaine en nombre de naissances avec près de 6 000 naissances par an. Plus de 1 500 professionnels médicaux et paramédicaux travaillent dans cet établissement ouvert en 1996 et qui va entrer dans une importante phase de rénovation et d'extension, soutenue par l'Agence Régionale de Santé à hauteur de 150 millions d'euros. «Jeanne de Flandre Demain» est l'une des pierres angulaires du programme «CHU Lille 2030» qui vise à restructurer les activités du campus hospitalier. Parmi les projets sur Jeanne de Flandre – dont les travaux devraient s'achever en 2033 – : la création d'un plateau technique dédié à l'enfant et d'un plateau d'imagerie de la femme, le regroupement des services de pédiatrie, l'extension d'un bloc de gynécologie ou encore la reconfiguration de l'accueil des familles. L'hôpital restera ouvert en permanence pendant cette opération de grande ampleur.