Déchets toxiques: la justice se prononce sur le confinement à Stocamine
C'est un dossier environnemental qui a pris une coloration politique: le tribunal administratif de Strasbourg se prononce mardi sur la légalité du confinement définitif des déchets toxiques enfouis sur le site de Stocamine...

C'est un dossier environnemental qui a pris une coloration politique: le tribunal administratif de Strasbourg se prononce mardi sur la légalité du confinement définitif des déchets toxiques enfouis sur le site de Stocamine (Haut-Rhin), auquel s'opposent associations et élus alsaciens.
Dans cette ancienne mine de potasse de Wittelsheim reconvertie en site de stockage, 42.000 tonnes de déchets toxiques (cyanure, arsenic, mercure...) censés être non-inflammables sont entassés à près de 600 mètres de profondeur. La question de leur devenir se pose depuis un incendie survenu en 2002.
Si l'autorisation de les entreposer était initialement temporaire, l'État, par un arrêté de la préfecture du Haut-Rhin du 28 septembre 2023, a prolongé pour une durée illimitée l'autorisation de stockage. Sans attendre l'épuisement des recours en justice, la société des Mines de Potasse d'Alsace (MDPA), gestionnaire du site et détenue à 100% par l'État, a entamé depuis un vaste chantier pour couler des barrières de béton dans les galeries souterraines.
La société ne communique pas sur l'avancée des travaux, mais selon Sabine Drexler, sénatrice LR du Haut-Rhin et élue à la Collectivité européenne d'Alsace (fusion des conseils départementaux du Bas-Rhin et du Haut-Rhin), "il y a un mois, 25% des bouchons étaient déjà mis en place. Aujourd'hui ça doit être un peu plus".
Dégradation des galeries
La décision de l'Etat et les travaux qui ont suivi suscitent une certaine opposition en Alsace. Des élus ont rejoint habitants et associations dans leur combat: tous craignent que le maintien des déchets en profondeur, même sous le béton, ne pollue à terme la nappe phréatique d'Alsace, qui alimente des millions de personnes.
En cause: l'état de la mine, trop dégradé selon eux pour empêcher une infiltration d'eau qui finira, au contact des déchets, par contaminer la nappe phréatique, malgré la présence des barrières de béton.
Pourtant à l'audience le 15 mai, l'avocate des Mines de Potasse d'Alsace, Carine Le Roy-Gleizes, a mis en avant le "consensus scientifique" en faveur du confinement des déchets, affirmant qu'il s'agissait de la solution "la plus susceptible de protéger l'environnement".
Le rapporteur public Alexandre Therre s'est lui aussi prononcé en faveur de la poursuite des travaux de confinement, estimant que la "dégradation très significative" des galeries, où "les toits s'affaissent et les murs se rapprochent", empêchait d'extraire "en toute sécurité" les déchets.
Un raisonnement qui fait bondir François Zind, l'avocat d'Alsace Nature, qui estime être mis devant "le fait accompli" et craint de voir les déchets toxiques transmis "en héritage aux générations futures".
Acharnement de l'État
Lors du débat parlementaire sur le budget de l'État pour 2025, Mme Drexler avait fait voter un amendement visant à financer, à hauteur de 100.000 euros, une nouvelle étude de vérification de la solidité des cuvelages des puits, afin de mieux appréhender les différents scénarios possibles en termes de pollution de la nappe.
Dans un rare communiqué transpartisan publié fin mai, neuf parlementaires alsaciens de tous bords ont fait état d'un "risque désormais certain d'une inondation rapide de la mine qui provoquera une pollution irréversible de la nappe phréatique". Ils ont réclamé l'arrêt des travaux de confinement et le démarrage du déstockage des déchets, mais aucune suite n'a été donnée à cette initiative.
"On sent vraiment un acharnement de l'État à vouloir confiner les déchets, et à ce qu'on ne remonte rien", s'inquiète Sabine Drexler. "Cet acharnement, ça nous interroge tous quand on sait les conséquences d'une pollution et combien ça va coûter une fois que la nappe (phréatique) sera polluée. Ça va se chiffrer en milliards..."
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