Sauvegarder l'article
Identifiez vous, pour sauvegarder ce article et le consulter plus tard !

Entreprises

Embûches et dynamiques de la filière bois

La filière bois est essentielle pour la décarbonation dans la construction, mais aussi comme source d'énergie, plaident ses représentants devant les sénateurs. Ils alertent : plusieurs difficultés parmi lesquelles des problèmes d'assurances mettent en péril leurs activités.


© Adobe Stock.
© Adobe Stock.

Une filière clé entravée ? Le 27 mai, plusieurs représentants et professionnels de la filière du bois étaient reçus par la Délégation aux entreprises du Sénat, lors d'une audition accessible en ligne. Dominique Weber, président du Comité stratégique de la filière bois, a rappelé qu'en 2014, le bois avait été distingué par l’État comme l'une des 21 filières « stratégiques » pour l'économie. La filière bois compte 420 000 emplois et représente 30 milliards d'euros de valeur ajoutée pour une activité essentiellement tournée vers les métiers du bâtiment. « La filière est en croissance (…) Depuis la sortie du Covid, il y a eu une accélération des investissements, notamment portés par les plans France Relance et France 2030 (…). De 2021 à fin 2024, près de 2,1 milliards d'euros d'investissements supplémentaires ont été engagés dans la filière », explique Dominique Weber. Pour l'essentiel, ils ont été dirigés vers les procédés industriels, afin d'augmenter les capacités de sciage ou de séchage nécessaires pour produire davantage de produits d'ingénierie pour le bâtiment.

Sur ces sujets , « la France était un peu en retard par rapport aux Allemands ou aux Autrichiens ; les appels à projets ont eu de très bons résultats », note Dominique Weber. En aval, l'utilisation du bois dans la construction s'est développée. « Il y a de plus en plus de chantiers d'envergure (…).Aujourd'hui, le bois n'est plus réservé à la construction individuelle. Il est utilisé pour réaliser des immeubles de plusieurs étages », précise Patrick Maillard, président de l’Union des métiers du bois. Il rappelle l'enjeu écologique de l'utilisation du matériau, « outil incontournable de la décarbonation de la construction ».

Mais le matériau a aussi un rôle à jouer comme « bois énergie » dans le cadre du mix énergétique national, selon Frédéric Coirier, président directeur général du groupe Poujoulat, actif dans ce secteur. En France, le bois représente un quart de l'énergie consommée dans les logements (contre 18% au niveau européen). « Le bois-énergie est le plus utilisé lorsque l'électricité renouvelable est la moins disponible : il va donc de pair avec l'électrification des usages.(...) Dans les pays les plus électrifiés, comme en Scandinavie, le taux d'équipement monte à 80 %, ce qui est peut-être la voie à suivre », plaide Frédéric Coirier.

« Double peine » assurantielle

Or, en France, la consommation de bois énergie n'augmente pas, la hausse de l'utilisation dans l'industrie étant contrebalancée par une baisse chez les particuliers. « On veut brider le développement du bois énergie », dénonce Frédéric Coirier. Pour lui, « les services de l'État communiquent depuis de nombreuses années des chiffres erronés (…), le bois-énergie serait responsable de plus de 60 % de la pollution aux particules fines. Nous avons été stigmatisés ». Des études (aux résultats aujourd'hui reconnus par les pouvoirs publics) concluent à un taux de 15 % à 20 %.

Outre à cet ostracisme qui semble se lever, la filière bois fait face à d'autres difficultés. En particulier, Dominique Weber encourage l’État à continuer de soutenir les entreprises du secteur pour qu'elles puissent accroître des capacités encore insuffisantes. « Actuellement, seulement 55 % de la croissance annuelle de la forêt est récoltée, contrairement à des pays comme l'Autriche ou l'Allemagne qui coupent presque l'équivalent de la croissance biogénique annuelle. (…) Les changements climatiques affectent la ressource. Il faudrait sortir le bois de la forêt pour ne pas le laisser dépérir », poursuit Dominique Weber.

Autre sujet « préoccupant » pointé par Philippe Denavit, président du groupe Malvaux, fabricant de panneaux de bois décoratifs : les difficultés que connaissent les entreprises du secteur à s'assurer. Pour lui, c'est la « double peine » avec des assureurs qui imposent des exigences induisant de lourds investissements, et qui se désengagent. « Les primes ont à minima doublé, et parfois triplé ces dernières années (…). Les franchises atteignent un niveau absurde », souligne Philippe Denavit. Par exemple, une PME qui fait du négoce (sans activité industrielle) s'est vue demander une franchise de 400 000 euros pour assurer 800 000 euros de stock. Le groupe Malvaux a renoncé à assurer l'une de ses usines qui date de 1928, et pour laquelle l'assureur a demandé une franchise de 10 millions d'euros. Et de nombreuses entreprises familiales du secteur risquent de se retrouver dans la même situation, dénonce Philippe Denavit. Or, une absence d'assurance interdit l'accès à certains financements et marchés : « Cela met en péril la pérennité de nos activités » .