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En Roumanie, entre inquiétude et colère autour d'une mine historique inondée

Devant la célèbre mine de sel de Praid, dans l'est de la Transylvanie roumaine, des panneaux "Défense d'entrer"...

Panneaux "défense d'entrée" devant le pont enjambant la rivière Corund et menant à l'entrée de la mine de sel de Praïd, en Roumanie, le 3 juin 2025 © Daniel MIHAILESCU
Panneaux "défense d'entrée" devant le pont enjambant la rivière Corund et menant à l'entrée de la mine de sel de Praïd, en Roumanie, le 3 juin 2025 © Daniel MIHAILESCU

Devant la célèbre mine de sel de Praid, dans l'est de la Transylvanie roumaine, des panneaux "Défense d'entrer" accueillent les visiteurs. 

Les fortes pluies de la semaine dernière, qui ont envahi ses couloirs, ont entraîné la fermeture sine die du site, provoquant la déception des touristes et l'inquiétude de toute une région.

"Ca fait mal au coeur", déplore Ioan Mera, venu visiter la cathédrale souterraine de 2,7 kilomètres de profondeur, présentée comme l'une des plus grandes d'Europe.

"Ce site est un monument historique, notre trésor", explique à l'AFP le touriste de 55 ans au sujet de la réserve de sel en service depuis le XVIIIe siècle.

Des intempéries ont transformé la paisible rivière Corund en un tempétueux torrent, au débit sans précédent en 30 ans, et la mine a été gagnée par l'eau.

L'état d'urgence a été décrété en raison du risque d'effondrement des galeries les plus anciennes, des dizaines de villageois ont été évacués et les 130 mineurs se retrouvent au chômage technique.

Près de 40.000 personnes d'une province voisine sont aussi privées d'eau potable en raison de l'augmentation de la salinité dans les nappes phréatiques. 

Chambres vides

Alors que la mine avait accueilli en 2024 un demi-million de personnes, avec un tourisme, florissant depuis l'adhésion de la Roumanie à l'Union européenne en 2007, les professionnels du tourisme s'alarment.

Lorsqu'il a ouvert ses chambres d'hôtes il y a 18 ans, Alexandru Muntean, 58 ans, ne comptait qu'une centaine de concurrents. Un chiffre multiplié par quatre depuis, grâce à l'attractivité des souterrains partiellement reconvertis en centre de traitement des maladies respiratoires.

"Des dizaines de milliers de personnes y ont été soignées", raconte Attila Ambrus, un autre quinquagénaire ayant ouvert sa demeure aux curistes. 

"Aujourd'hui, les six chambres sont vides, nous n'avons aucune réservation et celles qui avaient été faites ont été annulées", déplore-t-il sous le soleil revenu.

Des travaux pour pomper la boue et déplacer le lit du cours d'eau en cause ont commencé et des experts sont arrivés sur les lieux pour évaluer la situation sans pouvoir descendre dans la mine à ce stade.

Coller des rustines

Le gouvernement a approuvé 60 millions d'euros d'aide au tissu économique local et demandé le soutien de l'UE.

Le voisin hongrois, Viktor Orban, a également proposé un soutien financier, la majorité des 6.500 habitants de Praid étant issus de la communauté magyare, première minorité de Roumanie. 

A l'image du maire Laszlo Nyagrus, qui évoque "une situation unique, dramatique pour l'ensemble de la région". S'il espère que le site pourra être sauvé, il pense déjà à l'après et à la diversification des sources de revenus.

Comme bien souvent en Roumanie, où la corruption est endémique et les pouvoirs publics mal-aimés, on cherche des responsables. Et "on les trouvera", a promis en visite sur place le président Nicusor Dan, fraîchement élu sur la promesse d'un dégagisme des élites aux manettes depuis des décennies.

Les problèmes d'infiltrations d'eau étaient connus depuis 2007, ont admis les autorités.

C'est certain, il y a eu "négligence" de la part de "ceux qui ne se donnent pas la peine de protéger" le patrimoine, lance M. Muntean, sans toutefois avancer d'éléments concrets. 

Si au lieu de "coller des rustines", des "vrais travaux" avaient été réalisés, "la nature n'aurait pas causé de tels ravages", s'emporte Attila Ambrus.

Il faut désormais compter avec une violence destructrice décuplée par le réchauffement climatique, a rappelé Nicusor Dan, alors que la Roumanie a déjà été touchée l'an dernier par des inondations meurtrières dans l'est du pays. 

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