Financement de la Sécurité sociale : Macron relance le débat !
Le président de la République a décidé de rouvrir le débat sur le financement de la Sécurité sociale, laissant le soin aux partenaires sociaux de faire des propositions, parfois déjà amorcées, comme la TVA sociale.

Lors
de son intervention télévisée, le 13 mai, Emmanuel Macron a
annoncé l’ouverture prochaine d’une conférence sociale « sur
le financement de notre modèle social qui pèse beaucoup trop sur le
travail ». Certes, la question est légitime et se pose
régulièrement depuis deux décennies, à tel point que nombre
d’organisations syndicales et patronales ont déjà avancé des
propositions. Mais le véritable enjeu est ensuite de mettre en
œuvre une telle réforme, sachant que les élections présidentielles
de 2027 sont en ligne de mire…
Financement
hybride de la Sécu
En
1945, la Sécurité sociale a été bâtie sur un modèle
essentiellement assurantiel (« bismarckien ») consistant
à financer les prestations par des cotisations sociales. Mais, dans
les années 1980, des voix se sont élevées pour en changer le
mode de financement, arguant, d’une part, que les cotisations
pesaient trop lourdement sur le coût du travail et, d’autre part,
qu’il devenait incongru de faire peser sur les salaires tout le
financement de prestations familiales et de santé alors que
l’ensemble des Français en bénéficient.
D’où
l’enclenchement d’un processus de fiscalisation de la protection
sociale avec la création de la Cotisation Sociale Généralisée
(CSG) en 1991. Cette fiscalisation progressive, conjuguée aux
allégements de cotisations mis en œuvre depuis 1993 et fortement
étendus depuis, a distendu le lien entre cotisations et prestations,
conduisant à une hybridation du modèle « bismarckien »
avec le modèle « beveridgien »
en vigueur au Royaume-Uni, ce dernier étant fondé sur un
financement par l’impôt et l’État dans une logique
d’assistance.
Tant
et si bien qu’aujourd’hui, en France, seule une petite moitié
des ressources de la Sécurité sociale provient encore des
cotisations, le reste reposant pour une part croissante sur les
impôts et taxes affectés (ITAF)
constitués notamment à 20 % de la CSG et à 8 % de la
TVA. Les contributions publiques de l’État et des collectivités
territoriales complètent alors l’ensemble en subventionnant les
régimes de retraite en difficulté, en soutenant les dépenses de
solidarité (RSA, Fonds de solidarité vieillesse) et en assumant une
partie des exonérations de cotisations sociales.
TVA
sociale
Hélas,
avec le ralentissement de la croissance, la dégradation du marché
de l’emploi et l’atonie de la consommation, c’est l’ensemble
des ressources de la Sécurité sociale qui sont affectées. Ainsi,
selon le Projet de loi de financement de la Sécurité sociale
(PLFSS), voté en février dernier, le solde total en 2025 serait
déficitaire de 16 milliards d’euros, dont
13,4 milliards pour la seule branche maladie. Certes, il est
encore une fois question de couper dans les dépenses publiques, mais
au vu des montants en jeu, l’équilibre de la Sécurité sociale ne
pourra pas être atteint sans réforme du mode de financement.
Ce
travail a déjà commencé avec la précédente conférence sociale
de 2023, qui avait débouché sur des propositions de refonte des
exonérations de cotisations sociales. La CGT appelle d’ailleurs à
leur réduction draconienne pour financer le déficit de la Sécurité
sociale. La CFDT, quant à elle, revendique un financement de la
protection sociale fondée davantage sur la CSG, puisque cet impôt
concerne l’essentiel des revenus. Cette dernière proposition
pourrait, dans son esprit, trouver un écho auprès des organisations
patronales, dans la mesure où le Medef, la CPME
et l’U2P défendent depuis longtemps une telle bascule entre
cotisations sociales et impôts, quoiqu’avec des modalités un peu
différentes, fondées plutôt sur la TVA. Dans tous les cas, il
s’agit de trouver un impôt dont l’assiette permettrait de
compenser à due proportion les baisses de cotisations employeurs,
sans effets négatifs ni sur l’emploi ni sur la consommation.
Une
sorte de potion magique en somme, qui n’est pas sans rappeler la
TVA sociale des années 1990/2000, affublée
de toutes les qualités : outil de réduction du coût du
travail permettant aussi de gagner en compétitivité à l’export,
arme anti-délocalisation, etc. Or, les études montrent que la TVA
sociale, qui s’apparente à une dévaluation non coopérative, peut
certes avoir des effets positifs sur la compétitivité des
entreprises, mais sous certaines conditions. En effet, si la TVA
sociale devait générer de l’inflation, la consommation des
ménages serait encore davantage freinée et les revendications
salariales se feraient plus fortes. Rien ne garantit alors le
financement vertueux tant espéré de la protection sociale. Certains
proposent alors d’autres cocktails socialement explosifs composés
d’une taxation accrue des rentes et d’une hausse de TVA…
Quoi
qu’il en soit, une synthèse sur la TVA sociale, rédigée en 2022
par des inspecteurs des finances du Conseil des Prélèvements
Obligatoires (CPO), avait conclu « à des effets limités et à
l’absence d’opportunité dans le contexte actuel, du recours à
la TVA pour des objectifs de politique structurelle ». Que
dire alors en 2025 dans un contexte politique bloqué et tendu ?