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Transports

Financement : les péages autoroutiers au secours des infrastructures de transport

Pour contrer la dégradation des infrastructures routières et ferroviaires, le gouvernement veut mettre à contribution les recettes des péages autoroutiers, au-delà de la fin des concessions aux sociétés privées, dans les années 2030. Un projet de loi sera proposé au Parlement en décembre prochain.


© Adobe Stock.
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Une nouvelle loi-cadre sur le financement des transports, tous modes terrestres confondus, sera présentée au Parlement « avant la fin de l’année, en décembre », a indiqué le ministre Philippe Tabarot, le 9 juillet, en conclusion de la conférence « Ambition France transports ». La vaste consultation, qui avait débuté le 5 mai à Marseille, s’est achevée plus rapidement que prévu. En remettant son rapport au ministre, son lointain prédécesseur Dominique Bussereau (2002-2004 puis 2007-2010), président de la conférence, a rappelé que les travaux ont réuni « 60 experts », dont bon nombre de professionnels concernés, et suscité « plus de 230 cahiers d’acteurs », des contributions au débat public.

L’enjeu est crucial, puisqu’il s’agit d’assurer le financement des infrastructures de transport dans les prochaines décennies. Faute d’un entretien suffisant, les routes se dégradent, toujours plus de ponts sont fermés au trafic routier, tandis que le réseau ferré nécessite une maintenance régulière que la SNCF n’est plus toujours en mesure d’assurer. En outre, les structures subissent de plein fouet les conséquences du réchauffement climatique, sous forme de feux de forêt, inondations, fissures, éboulements, qui se produisent plus souvent. Il n’est plus rare qu’une voie majeure soit fermée à la circulation plusieurs jours durant. La demande de déplacements croît toujours, tirée par l’étalement urbain et l’éparpillement des lieux de vie, de travail et d’achat. En arrière-plan, l’Etat assure faire de la « décarbonation des mobilités » une priorité.

C’est la troisième fois en moins de dix ans que la France se penche au chevet de ses transports, après la loi d’orientation des mobilités de 2019 et le rapport du Conseil d’orientation des infrastructures (COI) de 2023, qui devait trancher parmi les projets en cours. Philippe Tabarot admet que « plusieurs plans annoncés ces dernières années ont suscité des espoirs, sans être suivis d’effets », dans une allusion transparente aux 100 milliards d’euros d’ici 2040 promis en février 2023 par Elisabeth Borne, alors Première ministre, pour la modernisation ferroviaire.

Alors, où trouver de l’argent ? Le rapport de Dominique Bussereau mise principalement sur les péages autoroutiers. A partir de 2031, les principales concessions faites aux sociétés autoroutières, conclues dans les années 1950 et 1960, d’une durée de plusieurs décennies, vont s’arrêter une à une. Comme le réclamaient une bonne partie des experts et des personnes auditionnées, la loi « actera le maintien des péages dans le cadre d’un nouveau système concessif ». Le texte présenté au Parlement prévoira « un fléchage de 100% des recettes » des nouvelles concessions « vers les investissements dans les transports ». Philippe Tabarot insiste : « les transports iront aux transports ». Si cette option était réclamée depuis plusieurs années par les élus comme par les opérateurs, l’Etat ne l’avait pas encore reprise à son compte. Fin mai, le PDG d’une grande entreprise du secteur confiait que « si ‘Ambition France transports’ acte cela, ça sera déjà très bien ».

La mesure ne fait toutefois pas consensus sur l’échiquier politique. A l’extrême-droite, le Rassemblement national plaide depuis plusieurs années pour une « renationalisation » des autoroutes ou pour la suppression des péages. A gauche, les élus de La France insoumise se prononcent à intervalles réguliers contre les péages autoroutiers ou les mesures renchérissant le coût de la voiture, comme, dernier exemple en date, les zones à faibles émissions (ZFE). En 2014, Ségolène Royal, alors ministre de l’Ecologie, avait fugacement proposé « la gratuité des autoroutes le week-end ».

Trêve de démagogie, a tranché le ministre. Le maintien des péages devrait rapporter, en 2036, lorsque l’ensemble des principales concessions auront été renouvelées, « 2,5 milliards d’euros par an ». Des recettes « stables et pérennes », qui iront en priorité à la « régénération et à la modernisation des réseaux existants ». Si une programmation précise des investissements sera proposée par le COI, les nouveaux projets ne seront donc pas la priorité. C’était aussi ce que disait, en 2017, Emmanuel Macron à peine élu à l’Elysée. Avant de changer d’avis quelques années plus tard, en relançant des lignes à grande vitesse et en renonçant à limiter les projets autoroutiers.

Abandon de la taxe sur les billets de train

Mais les recettes autoroutières ne rentreront qu’à partir de 2032. D’ici là, à compter de 2028, un budget annuel de 1,5 milliard d’euros assurera l’entretien du réseau ferré, promet le ministre. La SNCF en fournira une partie, les certificats d’économie d’énergie financés par les fournisseurs d’énergie polluante, qui contribuent par exemple déjà à des programmes de rénovation des logements, y seront également affectés. Enfin, le gouvernement entend recourir à des investisseurs privés, selon des modalités pas vraiment définies.

En revanche, l’Etat renonce « à ce stade », explique Philippe Tabarot, à une contribution d’un euro ponctionnée sur chaque billet de train, une proposition avancée par l’ancien député socialiste Gilles Savary. La mesure avait les faveurs de Marie-Ange Debon, présidente du directoire de l’opérateur Keolis. La taxation des billets de train « a des vertus. Elle rapporterait 800 millions d’euros par an », indique celle qui présidait, jusqu’en juin, l’Union des transports publics et ferroviaires (UTPF), organisation des entreprises du secteur.

Cet organisme a salué, dès le 10 juillet, les mesures annoncées par Philippe Tabarot, tout en regrettant que le ministre n’ait « fait aucune annonce » pour « répondre à l’accroissement des besoins de mobilité, chiffrés à +50% d’ici 2050 pour les transports collectifs ».

La future loi demeure de toute façon sujette aux aléas de la discussion parlementaire. Or, la législature en cours montre que les transactions avec les différents groupes politiques aboutissent, souvent, à un patchwork de mesures illisibles et contradictoires...