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Tech

Incertitudes sur la rentabilité et dispersion des projets… : l’IA au milieu du gué

L’IA commence à décevoir. La majorité des entreprises ne sait pas précisément quoi en faire. On multiplie les projets sans lignes directrices. Le retour sur investissement est peu lisible. Les utilisateurs, insuffisamment encadrés, peu ou pas formés, continuent de tester dans leur coin…


© Adobe Stock
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Une banque d’affaires spécialisée ‘tech’, Klecha & Co, résume bien le dilemme : les quatre ‘hyperscalers’ nord-américains - Amazon, Microsoft, Google et Meta (Facebook) - auraient dépensé plus de 300 Mds $ en 2025 dans l’IA et ses infrastructures. Or 5,2 % seulement des projets d’IA dans les entreprises enregistrent un gain financier supérieur à 10 % : ils sont bloqués, pour 74%, en phase pilote.

Une étude de McKinsey parle de « paradox GenAI » (IA générative, du type ChatGPT, Copilot, Gemini, Mistral AI…) : 80 % des entreprises disent l’utiliser, sans pouvoir en mesurer l’impact financier. Et le cabinet Gartner alerte : il est probable qu’en 2028, 15 % des décisions opérationnelles reposeront sur des agents IA autonomes et, d’ici là, 33% des applications auront intégré un ou plusieurs agents IA. Mais d’ici à 2027, 40 % des projets IA seront abandonnés en raison des coûts face à une valeur commerciale incertaine et à certains risques.

L’IA ne tiendrait pas ses promesses

Une étude de l’Université de Chicago et de Copenhague (07/2025) a démontré que le temps gagné avec l’IA serait de 3 % seulement. Certaines entreprises qui ont commencé à remplacer leurs employés par l’IA disent payer des experts pour corriger les erreurs, ce qui, au bilan, leur coûte plus cher. Ce job de correction des erreurs de l’IA deviendrait très lucratif (100 $ / h). On reproche à l’IA de ne pas reproduire l’identité de marque, ni comprendre les cibles démographiques, ni créer des contenus qui « convertissent » vraiment. L’étude mentionne plusieurs cas où l’option « tout-IA » a conduit à une « marche arrière spectaculaire », à la suite de remarques de clients.

Même tonalité en France : selon PwC France & Maghreb (« AI in opérations », 05/2025), 68 % des responsables d’entreprise espèrent améliorer leur rentabilité d’au moins 3% et leur prise de décision, grâce à l'IA d'ici à 2030 (pour 45 % des cas, il s’agit d’IA générative). Or, à ce jour, seulement 4 % des dirigeants ont constaté des avantages financiers significatifs.

Une étude dAWS révèle que seulement 19 projets pilotes sur 45 lancés en moyenne, en France, pourraient aboutir en production en 2025. Car la pénurie de profils qualifiés vient compliquer la mise en production.

Le célèbre institut MIT de Boston (« The GenAI divide ») le confirme : 80% des entreprises dans le monde ont testé des outils d’IA générative ; mais 40% seulement les ont déployés. Et 5% seulement ont atteint une phase de production avec un impact financier positif. Principaux reproches : les outils d’IA générative n’apprennent pas, ne retiennent pas le contexte, ni les corrections passées, ni les préférences clients, par exemple. On en reste à des brouillons et à des tâches simples.

Autre problème, les solutions génériques (cf. les ‘wrappers’ de ChatGPT) sont déployées sans adaptation aux process existants. Dans ce contexte, 60% des solutions d'IA générative pour entreprise, annoncées plus robustes, sécurisées et mieux adaptées, ne réussissent pas à franchir la phase pilote.

En France, l’Insee (06/2025, données de fin 2024) avait révélé que 53% des entreprises utilisatrices de l’IA ont eu recours à deux technologies au moins : l’IA générative (la plus utilisée par les entreprises de moins de 250 salariés) et le ‘machine learning’ ou l’automatisation ( davantage dans l’industrie, les transports et l’entreposage, essentiellement pour la sécurité ou sûreté). L’IA est plutôt utilisée pour l’innovation, la R&D, ou pour le marketing et les ventes ou encore la sécurité informatique.

A la même période, Bpifrance indiquait que 32% de PME et ETI recouraient à l'IA ; 16% n'utilisaient que l'IA générative, 6% d’autres IA, et 10% les deux. Deux secteurs d’activité sont les plus concernés : information et communication, finance et assurances ; les principaux freins étant : surcoûts et mauvais usages ou trop risqués (30% des répondants) et cas d’usage difficiles à identifier (23%).

Problèmes de gouvernance et de pilotage

Le MIT épingle une autre faille : 95% des projets pilotes sont lancés simultanément en trop grand nombre, trop rapidement, sans stratégie de POC (proof of concept). Seuls deux secteurs d’activité - technologie et médias - enregistrent une « disruption structurelle ». Les autres secteurs n’affichent pas de changement radical, pas au-delà du traitement accéléré de certains dossiers. Le MIT révèle également que 33% seulement des entreprises réussissent à développer leur IA en interne, vs 67% avec des prestataires. Les déploiements réussis sont ceux soutenus par l’exécutif, initiés avec les métiers, accompagnés de formations et évalués. Enfin, 90% des employés préfèrent utiliser des IA génératives à titre personnel (ChatGPT, Claude…) jugées plus rapides. Or, dans certains secteurs, un tiers des entreprises payeraient des abonnements… inutilisés.

Compétences et incompétences…

Petit détour final concernant les compétences : le cabinet Gartner soulève un paradoxe, une « atrophie des compétences en matière de réflexion critique », due à « l’utilisation géniale de l'IA ». En 2026, une organisation sur deux exigera des évaluations de compétences « sans IA ». Et, à l’embauche, on généralisera des évaluations pratiques sur les compétences en la matière…