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Inflation alimentaire : comment les Français réinventent leurs courses

Face à l’inflation alimentaire, les ménages multiplient les visites en magasin, allègent leurs paniers et privilégient les produits moins chers ou en promotion. Les produits de base résistent mieux, tandis que les articles haut de gamme et non essentiels voient leurs ventes reculer.

© Adobe stock.
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Pour préserver leur budget en période de forte inflation, les consommateurs modifient leurs comportements d’achats, en particulier alimentaires. C’est sur cette nouvelle donne économique que Tristan Loisel et Julie Sixou de l’Insee apportent un éclairage, dans leur étude parue le 9 octobre et basée sur les données de tickets de caisse d’un grand groupe de distribution (Casino). Leur constat : entre début 2021 et fin 2022, chaque hausse de 1% du prix d’un produit alimentaire entraîne une baisse moyenne des volumes achetés de 0,6%. Pour contenir leurs dépenses, les ménages fractionnent leurs courses, privilégient les promotions et se tournent vers des produits plus abordables.

Des volumes en baisse

Les Français achètent désormais plus souvent, mais en plus petites quantités : une hausse de 1% des prix se traduit par une progression de seulement 0,1% du montant moyen du ticket, tandis que le nombre d’articles par passage en caisse chute de 0,8%. En 2021, un panier moyen contenait sept produits ; fin 2022, il en compte un de moins.

Les consommateurs multiplient également les visites en magasin (+0,3% pour +1% des prix) et se tournent davantage vers les offres promotionnelles. La part des ventes réalisées en promotion (2% du chiffre d’affaires du distributeur concerné), augmente de 0,4% pour chaque point d’inflation. Cette tendance est encore plus marquée dans les territoires les plus modestes où la hausse atteint 0,9%.

Les produits de base résistent

La sensibilité au prix varie selon le type de produit. Les denrées de première nécessité (riz, pain, farine, pommes de terre ou aliments pour bébés) résistent mieux à la hausse des prix, (-0,49 % pour la demande de pain) alors que les achats reculent nettement pour des produits non essentiels et stockables comme l’alcool (élasticité-prix moyenne -0,72 pour la bière, -1,02 pour le vin) ou le chocolat.

Les produits d’origine animale subissent également un ajustement notable : -0,71 pour la viande et -0,80 pour le poisson, catégories où les substituts moins chers (œufs, lait, fromages) sont privilégiés. Les produits bénéficiant d’un label (Nutriscore A, origine France) sont un peu mieux préservés, leur demande ne diminue que de 0,5% en moyenne, traduisant un attachement à la qualité nutritionnelle.

Les MDD gagnent du terrain

La demande se contracte davantage pour les produits haut de gamme ou conditionnés en grand format. Une hausse de 1% du prix des 20% des produits les plus chers d’une catégorie fait chuter leurs ventes de 0,75%, contre 0,50% pour les produits les moins chers. En parallèle, lorsque les produits les plus onéreux augmentent, les ventes des produits les plus accessibles de la même catégorie progressent de 0,22%.

La demande est aussi peu sensible au prix pour les marques de distributeur (MDD), globalement moins chères et dont les tarifs ont été moins souvent révisés à la hausse entre 2021 et 2022 : elle ne recule que de 0,25% pour 1% d’augmentation de prix, vs -0,6% en moyenne sur l’ensemble des produits.

Diversification de l’offre et arbitrages économiques

Autre constat de l’Insee, l’adaptation des consommateurs varient selon les territoires. Dans les zones les mieux dotées en commerces alimentaires, la concurrence joue : la diversité de l’offre alimentaire facilite les arbitrages des consommateurs, en fragmentant leurs achats pour mieux maîtriser leur budget. Dans ces zones, le nombre d’articles par ticket de caisse recule de 1,3%, soit deux fois plus que dans les zones moins bien desservies.

Les enquêtes de conjoncture mensuelles de l’Insee confirment ces évolutions : fin 2022, 68% des ménages reconnaissent avoir modifié leurs habitudes alimentaires sous l’effet de l’inflation. Si 15% disent consommer moins, 9 % diversifier ses magasins ou changer de gamme.

AÏcha BAGHDAD et B.L