La banque centrale suisse ramène son taux directeur à 0%, sans franchir le pas du taux négatif
La banque centrale suisse a ramené jeudi son taux directeur à 0% et s'est dite prête à adapter encore sa politique monétaire si nécessaire, mais s'est abstenu de franchir le...

La banque centrale suisse a ramené jeudi son taux directeur à 0% et s'est dite prête à adapter encore sa politique monétaire si nécessaire, mais s'est abstenu de franchir le pas du taux d'intérêt négatif.
En amont de sa réunion trimestrielle de politique monétaire, de nombreux économistes s'étaient interrogés quant à savoir si la Banque nationale suisse (BNS) allait revenir au taux d'intérêt négatif, l'instrument qui l'avait aidé à limiter les poussées de fièvre sur le franc suisse entre 2015 et 2022.
Parmi les éléments qui plaidaient en faveur d'une coupe plus ferme, ils avaient évoqué la hausse du franc face au dollar depuis les annonces de la Maison Blanche début avril sur les droits de douane, le risque de déflation qui refait surface ainsi que la position délicate dans laquelle se trouve la BNS pour intervenir sur le marché des changes depuis que le département du Trésor au Etats-Unis a placé la Suisse sur sa liste de surveillance de pays susceptibles de manipuler leur monnaie.
La BNS a toutefois opté pour une réduction d'un quart de point de pourcentage qui a ramené taux directeur à 0%, "à la limite du territoire négatif", a tranché son président, Martin Schlegel, lors d'une conférence de presse jeudi à Zurich.
Le taux d'intérêt négatif est instrument important "en période exceptionnelle", a-t-il déclaré, mais c'est une décision qui ne se prend pas "à la légère", la BNS ayant "conscience" de ses "effets secondaires non souhaités".
Vers 11H40 GMT, le franc suisse grappillait 0,08% face au dollar et prenait 0,09% face à l'euro.
Un instrument impopulaire
Karsten Junius, chef économiste de la banque J. Safra Sarasin, s'est félicité de cette décision, soulignant que "cela n'aurait pas été le moment approprié de le faire".
"Compte tenu de l'impopularité des taux négatifs, cela aurait même pu nuire à la position de la BNS", a-t-il ajouté dans un commentaire de marché.
Les sept années de taux négatif entre 2015 et 2022 ont laissé un souvenir amer aux gros épargnants puisque les banques, pour protéger leurs marges, l'avaient répercuté sur les dépôts, ce qui en pratique revenait à ponctionner des frais plutôt que de rémunérer leur épargne.
Le taux négatif avait également affecté les caisses de retraite, notamment sur les rendements obligataires, les poussant vers des placements plus risqués compte tenu des sommes grandissantes qu'elles doivent réunir avec le vieillissement de la population. Il avait fait craindre une surchauffe du marché immobilier, au point que les autorités suisses avaient dû introduire une contre-mesure pour calmer la demande des emprunts hypothécaires.
L'écrasante majorité des économistes pensaient que la BNS attendrait encore un peu avant de re-basculer en terrain négatif, notamment pour voir comment la situation va évoluer sur les droits de douane à partir de juillet.
Adrian Prettejohn, économiste chez Capital Economics, faisait partie des rares économistes à prédire un retour au taux négatif dès jeudi. Mais "la BNS n'en a pas terminé avec les baisses de taux" et face au risque "persistent" de déflation, il s'attend à une nouvelle coupe d'un quart de point de pourcentage en septembre.
L'inflation en Suisse est très faible, l'indice des prix à la consommation étant même tombé en terrain négatif en mai, à -0,1%.
Jeudi, la BNS a abaissé ses prévisions d'inflation, à 0,2% pour 2025 et 0,5% pour 2026 (contre respectivement 0,4% et 0,8% auparavant). Sa prévision de croissance est restée inchangée pour 2025, entre 1% et 1,5%. La BNS l'a par contre raboté pour 2026, également entre 1% et 1,5% (contre 1,5% précédemment).
Elle s'attend à "un ralentissement de l'économie mondiale", mais prévient que son scénario de base est "entouré d'une grande incertitude".
Le taux d'intérêt négatif est un instrument exceptionnel pour les banques centrales, mais était devenu pendant sept ans le pilier de la politique monétaire de la BNS afin de lutter contre la surévaluation de sa monnaie, le franc suisse étant une grande valeur refuge, comme le yen japonais, l'or ou les emprunts allemands.
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