La Chine accusée de "fausser" le marché mondial de l'acier
La planète croule sous les excédents d'acier, dont une bonne partie est subventionnée par la Chine, ce qui "fausse" le marché mondial et freine les investissements de...

La planète croule sous les excédents d'acier, dont une bonne partie est subventionnée par la Chine, ce qui "fausse" le marché mondial et freine les investissements de décarbonation de la sidérurgie, accuse l'OCDE.
Le marché de l'acier, métal fondamental pour l'humanité dans la plupart de ses activités, "est faussé par des forces non marchandes, où les producteurs qui ne perçoivent pas de subventions ne peuvent pas affronter la concurrence sur un pied d'égalité", avertit l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) qui regroupe essentiellement des pays occidentaux, dans un rapport publié mardi.
Au moment où le deuxième producteur mondial ArcelorMittal a du mal à financer ses investissements de décarbonation en Europe, où l'Allemand ThyssenKrupp est en voie de démantèlement après avoir annoncé des milliers de suppressions d'emplois, et où le géant américain US Steel est contraint de se rapprocher du japonais Nippon Steel, le rapport "Perspectives de l'acier 2025" est un "coup de semonce" pour le secteur au niveau mondial, a estimé Jerry Sheehan, directeur de l'OCDE pour les sciences, la technologie et l'innovation.
Car la croissance de la demande mondiale d'acier, prévue à "moins de 1%" par an, "ne suit pas" l'accroissement prévu des capacités de production qui, elles, devraient bondir de 6,7% entre 2025 et 2027, nourries essentiellement par des subventions, selon les projections de l'organisation.
La chute des prix qui s'en suit place beaucoup d'industriels face à "des défis sans précédent" selon le rapport.
Au coeur du problème: les taux de subvention de l'acier en Chine (en pourcentage des recettes des entreprises) sont "cinq fois supérieurs à la moyenne de ceux des autres économies", selon le rapport, alors que les exportations d'acier de la Chine, premier producteur mondial d'acier, "ont plus que doublé depuis 2020".
Celles-ci ont atteint le niveau record de 118 millions de tonnes (Mt) en 2024, tandis que les importations chinoises d'acier ont chuté de près de 80%, à 8,7 Mt. Ce qui "pose un défi de taille" aux autres pays, car leurs propres exportations "ont diminué" tandis que leurs importations "montaient en flèche", remarque l'OCDE.
fondamental et stratégique
Depuis 2020, les importations d'acier ont augmenté de près de 13% dans l'Union européenne et au Royaume-Uni, de 18% au Japon et en Corée, de 40% en Amérique du Nord, 52% en Turquie, 60% en Amérique du Sud et jusqu'à 77% en Océanie.
Les exportations de la Chine vers les marchés tiers "s'envolent aussi", et c'est ainsi que l'Afrique du Nord, le Moyen-Orient et l'Asie du Sud-Est "accroissent à leur tour leurs exportations, en particulier vers les pays de l'OCDE, parce que leurs marchés nationaux sont saturés avec l'excédent d'acier", ajoute le rapport.
Cette situation génère une multiplication des "recours commerciaux": en 2024, "81 enquêtes anti-dumping concernant des produits sidérurgiques ont été ouvertes par 19 Etats dans le monde" (contre 16 procédures engagées par cinq pays en 2023).
"Près de 80% des procès ont été intentés contre des producteurs asiatiques, la Chine comptant à elle seule pour plus du tiers du total", selon le rapport.
Le déséquilibre du marché ralentit fortement aussi les efforts d'investissement pour décarboner l'industrie sidérurgique, déplore l'OCDE, alors que la fabrication d'acier est responsable à elle seule de 8% des émissions mondiales de CO2.
"Les producteurs d'acier ne pourront pas revenir à des niveaux de rentabilité sains et soutenus avant d'avoir traité comme il se doit le problème des surcapacités mondiales", avertit l'OCDE, qui appelle à une "coopération internationale pour des règles du jeu équitables sur le marché mondial de l'acier".
L'affaire est d'autant plus importante que l'acier représente 2% du PIB mondial, et jusqu'à 4% si l'on tient compte de ses effets indirects sur l'économie mondiale, a rappelé Edwin Basson, directeur général de l'Association mondiale de l'acier.
"L'impact de l'acier va bien au delà du secteur de l'acier lui même", a ajouté M. Sheehan. "L'acier n'est pas seulement industriel, c'est fondamental et c'est stratégique", a-t-il poursuivi. "Il se trouve dans les ponts qui nous relient, dans les véhicules qui nous transportent, dans les hôpitaux qui nous soignent, dans le bâtiment dans lequel nous sommes, et dans les éoliennes qui alimentent la transition énergétique."
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