La France bataille pour sa compétitivité
La France conserve sa place de leader européen en termes d'attractivité des investissements étrangers. Mais ce podium européen s'est affaissé au regard des performances américaines et l'image de l'Hexagone s'est dégradée, d'après le baromètre EY.

Une
première place en trompe l’œil. Le 15 mai, EY publiait son
baromètre de l'attractivité de la France vis-à-vis des
investissements étrangers, intitulé «
nouveaux chocs, nouveaux défis pour la France et l'Europe ».
En cause : de profonds changements internationaux en matière
d'attractivité des différentes zones géographiques.
En 2024, l'Amérique du Nord a attiré 20% de projets d'investissements internationaux de plus par rapport à l'année précédente, principalement en raison du prix compétitif de son énergie et des subventions de l'Inflation Reduction Act, initié par Joe Biden. Ces facteurs ont favorisé d'importants investissements dans les semi-conducteurs, les équipements industriels, composants électroniques, énergies renouvelables et l’aéronautique. À l'inverse, l'Europe a perdu 5% de projets (5 383) par rapport à l'an dernier. Pis, les emplois générés (269 740) ont été beaucoup moins nombreux que l'an passé (-16%). Les investisseurs étrangers ont marqué le pas, rendus méfiants par des tensions géopolitiques (35%), le contexte macro-économique (34%) et les barrières commerciales (30%). Les Américains, en particulier, ont considérablement freiné leur activité : en 2024, 942 entreprises américaines seulement ont fait le choix d’investir en Europe, le plus bas niveau enregistré depuis plus de dix ans. « Cette contraction des investissements (-11 % par rapport à 2023) illustre aussi bien la prudence accrue des groupes américains vis-à-vis du Vieux Continent que la capacité croissante de l’économie américaine à retenir ses propres investisseurs », pointe le rapport.
Au sein même de l'Europe, les évolutions ont différé selon les pays. Les trois qui attirent le plus d'investissements étrangers les ont vu fondre. La France qui a enregistré 1 025 projets, a subi une baisse de 14%, par rapport à l'an dernier ; le Royaume-Uni avec ses 853 projets recensés en a perdu 13% et l'Allemagne, 17% (608 projets). « L’augmentation très forte des projets dans les pays du Sud (notamment, en Espagne) et la stabilité des investissements en Europe centrale contrastent avec le ralentissement général des pays d’Europe de l’Ouest », notent les analystes de EY. Poursuivant une tendance déjà observée les années précédentes, en 2024, certains pays ont connu une hausse parfois considérable de leurs investissements directs étrangers : +15% pour l'Espagne (351 projets), 13% pour la Pologne (259) et 5% pour l'Italie (224). Autre constat du rapport, le caractère « très concurrentiel » du contexte européen, les pays se disputant des investissements étrangers qui se raréfient.
Des
projets industriels en baisse
Dans
ce contexte, la France a conservé sa première place sur le podium
européen, mais le nombre de
projets enregistrés est le plus bas depuis sept
ans (à l’exception de 2020, année de la pandémie de
Covid-19). Et le nombre d'emplois afférents a diminué aussi
: 29 000 environ, soit
27 % de moins que ceux annoncés en 2023. L'Hexagone a aussi
conservé sa première place en matière d'investissements étrangers
industriels (415 implantations et extensions d'usines), devant la
Turquie (227) et le Royaume-Uni (183). Cela représente plus du
quart des projets manufacturiers étrangers en Europe, mais
correspond néanmoins, à 22% de projets en moins par
rapport à 2023. Et
la chute est d’autant
plus marquée qu'en parallèle, les restructurations et fermetures
d’usines par des entreprises étrangères ont augmenté dans les
mêmes proportions. Elles sont passées de 67 en 2023 à 82 en 2024.
L'évolution des emplois a suivi la même dynamique. « Les projets réalisés dans l’Hexagone génèrent moins d’emplois qu’ailleurs en Europe et portent davantage sur l’extension de sites existants que sur de nouvelles implantations, contrairement à l’ensemble de ses principaux concurrents », note le rapport. Plusieurs facteurs sont en cause, selon EY : des délais d’implantation plus longs, un accès au foncier plus limité et un « important » écart de compétitivité. En 2024, le coût horaire de la main-d’œuvre dans l’industrie manufacturière s’élevait à 46,3 € en France, contre 15,8 € en Pologne, 31,9 € en Italie et 27,5 € en Espagne. « Interrogés sur les principales faiblesses de la France en tant que destination industrielle, 33% des dirigeants internationaux citent le coût de la main-d’œuvre, devant celui des terrains industriels (29%), le taux d’automatisation (25%) ou encore le coût de l’énergie (24%)», détaillent les analystes.
Au-delà de ceux industriels, la France conserve la première marche du
podium européen pour les investissements de R&D, avec 104
projets (-15%). Mais elle reste loin derrière le Royaume-Uni pour
les projets concernant les sièges sociaux (47 contre 86) et ceux
pour les activités financières (23 contre 39). Point positif
soulevé par le rapport, « aux yeux des groupes
internationaux, la France conserve des atouts structurels, sa
position géographique ou son énergie décarbonée. Surtout, son
attractivité est reconnue sur des secteurs d'avenir comme le
quantique et l'intelligence artificielle ».
De
l'autre côté, l'instabilité de la situation politique française
générée par la dissolution de juin 2024 a entamé la confiance des
investisseurs étrangers : 59% d'entre eux considèrent que le
climat politique a dégradé l'attractivité de la France.
Néanmoins, 31
% des dirigeants interrogés déclarent avoir réduit ou reporté
leurs plans d’investissement en France depuis juin 2024, alors
qu'ils étaient près de la moitié, en octobre dernier.
« Cette baisse suggère qu’une partie des entreprises de notre
panel, à la faveur d’un cadre fiscal et budgétaire plus lisible,
ont finalement fait le choix de réaliser dans l’Hexagone les
investissements qu’elles avaient initialement réduits ou
différés », note
EY. Sept sondés sur dix considèrent
que l'attractivité de la France va s'améliorer.