Ecologie
La logistique s'efforce de se décarboner
Paradoxe : même pour exercer une activité qui aboutit à l'économie d'émission de gaz à effet de serre, il faut faire rouler des camions qui en émettent... Le secteur de la logistique s'efforce de mettre en place des solutions moins polluantes, des véhicules électriques au transport fluvial. Témoignages, lors d'une journée organisée par la filière de la logistique, le 12 novembre.
Problème et solution en même temps. Le 12 novembre à Paris, dans le cadre de la journée organisée par la filière de la logistique, une table-ronde était consacrée à « la logistique, pilier d'une économie en transformation ». Le témoignage de Lucie Muniesa, directrice développement durable de Paprec, groupe familial qui gère 20 millions de tonnes de déchets par an, illustre l'ampleur de l'enjeu. « En 2024, nous avons généré deux millions de tonnes de CO2 pour mener notre activité laquelle a contribué à éviter l'émission de 10 millions de tonnes de co2 (…) La logistique est cruciale. Elle au cœur de notre modèle économique (…) nous avons besoin de chaînes logistiques très efficientes », explique-t-elle.
La société a internalisé une partie des transports. Elle dispose d'une flotte de 3 200 poids lourds et 400 véhicules utilitaires légers. Souci, « 75% de nos émissions de gaz à effet de serre viennent du transport », pointe Lucie Muniesa. Pour les réduire, « nous activons les leviers relativement classiques, qui sont d'abord l'électrification des flux de véhicules », expose-t-elle. Depuis peu, le parc de véhicules de la société est à 70% électrifié et certaines des collectes sont 100% décarbonées. Néanmoins, « on ne peut pas tout électrifier », souligne Lucie Muniesa. D' autres leviers sont aussi actionnés comme les outils d'optimisation des tournées des véhicules ou les carburants alternatifs. Le ferroviaire et le ferroutage ? « Aujourd'hui, nous n'avons pas de solutions en France qui permettent de répondre aux besoins », estime-t-elle. En revanche, la société mise depuis 15 ans sur les transports par voie fluviale. En particulier en Île-de-France, Haropa Port propose infrastructures de terminaux portuaires et services logistiques sur la Seine, depuis le Havre jusqu'à Paris. Paprec utilise par exemple cette solution pour transporter des déchets issus de chantiers situés dans Paris ou d'autres zones de l’Île-de-France, jusqu'à son site de Gennevilliers. « Cela s'y prête vraiment bien, et c'est une pratique qui est en train de se développer », commente Lucie Muniesa. Le transport maritime, lui, est plutôt utilisé pour acheminer les matières produites à partir des déchets vers des clients finaux. La solution permet de diviser par cinq les émissions de gaz à effet de serre par rapport au transport routier.
« La première économie à faire, c'est de ne pas reconstruire ce que l'on a déjà »
Chez Autodistribution aussi, la logistique constitue un enjeu fondamental. Fondée en 1962, la société est spécialisée dans la distribution de pièces détachées pour véhicules légers et poids lourds en Europe. Sur son site Internet, elle revendique plus d'un million de références stockées pour une activité qui implique une supply chain élaborée. « Dans 90% des besoins, nous répondons en deux heures », souligne Romain Thenard, directeur de la supply chain. Comme Paprec, la société fait évoluer ses solutions logistiques. « Le véhicule électrique aujourd'hui apporte certaines réponses. On l'affecte en général dans des tournées qui font moins de 150 kilomètres. Au delà, nous cherchons d'autres solutions », explique Romain Thenard qui regrette les évolutions fiscales qui « complexifient l'exercice de prédictibilité ». En terme d'organisation, lui aussi a adopté une solution mixte. Une flotte en propre assure les livraisons lorsque leur « densité » la rend pertinente. Pour le reste, les partenaires « offrent une vraie performance économique, et aussi en termes d'émissions de gaz à effet de serre, parce qu'ils parviennent à bien remplir leur camion », explique Romain Thenard qui alerte sur la fragilité de ces transporteurs.
Fabrice Gachon, directeur général d'Europa courses, société de transport routier auvergnate fondée en 1988, confirme. Il évoque une équation « de plus en plus complexe à résoudre(...) d'autant que les PME du transport ont les marges les plus faibles de l'économie française ». Pour lui aussi « le véhicule électrique ne répondra pas à tous les besoins. Il est deux à trois fois plus cher, et l'autonomie n'est pas forcément au rendez vous », estime-t-il. Les alternatives ? Fabrice Gachon plaide en premier lieu pour le « rétrofit des véhicules au biogaz.(...) Pour la planète, la première économie à faire, c'est de ne pas reconstruire ce que l'on a déjà ». Au delà des solutions déployées par les professionnels, d'autres s'inventent dans le cadre du programme Marguerite porté par La Fabrique de la Logistique, laquelle regroupe des acteurs du secteur. Exemple : la Semmaris, qui gère le marché de Rungis, organise des tournées pour aller livrer des restaurateurs avec un même véhicule, évitant le déplacement de chacun d'entre eux.