La très belle réussite du forum Femmes et industrie à Friville-Escarbotin
Le forum Femmes et industrie était organisé en baie de Somme par le Cercle de Théia dans le cadre de la Semaine de l’industrie. Il a mobilisé une quarantaine de partenaires et entreprises. Le bilan est déjà très positif avec des résultats concrets et une seconde édition annoncée, le tout sous le regard d’Aurore Bergé, ministre de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations, et de Muriel Pénicaud, ancienne ministre du Travail.
«Prenez la place, prenez toute la place et ne vous excusez jamais ! Les autres ne s’excusent pas». Invitée à inaugurer le forum Femmes et industrie qui s’est déroulé au lycée du Vimeu à Friville-Escarbotin, Aurore Bergé, ministre de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations, n’a pas mâché ses mots en s’adressant à près de 900 élèves de 4ème des établissements du territoire et à une centaine femmes en reconversion professionnelle.
Des secteurs d’avenir et qui rémunèrent bien
Famille, réseaux sociaux… trop souvent les discours sont négatifs au sujet des jeunes femmes et des dames qui veulent travailler en industrie alors que le secteur, qui peine déjà à trouver des salariés va devoir faire face à des départs à la retraite importants : «On est loin de Zola», a continué en aparté la ministre, accompagnée toute cette journée passée à Mers-les-Bains, à Friville et enfin à Embreville par Kilian, un jeune Abbevillois atteint de troubles du spectre de l’autisme dans le cadre de l’opération nationale Duoday. «L’intelligence artificielle est aussi utilisée dans l’industrie. Il y a tellement d’éventails de métiers. Les femmes ne doivent rien s’interdire. Ce sont des secteurs d’avenir et qui rémunèrent bien. Certains sont entrées comme opératrices. Aujourd’hui, elles occupent des postes de direction. Il fait ouvrir plus les portes des entreprises, que les enseignants les visitent…».
Seuls freins à lever : la mobilité et la garde d’enfants (pour laquelle le gouvernement a mis en place divers dispositifs financiers). Pas moins de 40 entreprises et partenaires avaient répondu présents pour cette journée exceptionnelle organisée par le Cercle de Théia. Ancienne ministre du Travail ayant réformé le code du travail au sujet de l’égalité hommes/femmes, Muriel Pénicaud, ambassadrice de la France à l’OCDE, a dédicacé son livre «Travailler autrement» (Éditions Glénat). À son arrivée en milieu de matinée, Aurore Bergé a fait de même pour «Nos Combats pour la République» (Éditions R. Laffont). Toutes deux ont pu constater le capital sympathie qui les entourait.

S’ouvrir tous les champs des possibles
«Il y a un enjeu énorme pour les jeunes filles à s’ouvrir tous les champs des possibles dans l’industrie, qui offre des métiers innovants de belles carrières, a estimé Muriel Pénicaud. On voit le résultat de ce que l’on fait. Il faut les faire rêver d’autant que 65% des métiers n’existent pas encore. Je donne un coup de chapeau aux organisateurs de cette journée. Je n’avais jamais vu cela».
De son côté, Jean-Claude Ester, délégué départemental aux droits des femmes et à l’égalité de la Somme a ajouté : «L’industrie est porteuse d’avenir et d’emplois. Les femmes sont une chance pour elles. Il faut travailler dès le plus jeune âge sur la déconstruction des stéréotypes».
Stéphane Decayeux, président de l’IUMM Vimeu, dirige Decayeux STI à Chépy et de Decayeux Luxe à Nibas. Il emploie 200 salariés dont 35% de femmes : «On pourrait faire mieux, a-t-il assuré. Chez nous, elles occupent des postes qui demandent de la dextérité. Les mentalités bougent. Les femmes sont moins frileuses. Plus tôt on communique des informations, mieux c’est. Il n’y avait aucune femme à la chambre syndicale patronale professionnelle. Elles sont désormais deux sur un total de neuf membres».
Chez le fabriquant de serrures Bricard à Feuquières-en-Vimeu, 140 salariés, les dames représentent 60% des effectifs : «Ce sont des métiers qui demandent de la dextérité. Il est essentiel de montrer le vrai visage de l’industrie auprès des jeunes et de leurs familles», a estimé Sébastien Brasseur, directeur industriel du site.
La Glass Vallée représente 65 entreprises et environ 7 500 salariés. Trieuses, opératrices, service RH, comptabilité, direction… les femmes peuvent occuper tous les postes. Conciliation entre vie familiale et vie professionnelle Dans l’après-midi, Aurore Bergé a d’ailleurs visité l’entreprise SERDYM, à Embreville. Elle est spécialisée dans le recyclage, le polissage et le reconditionnement du verre pour la parfumerie.
On peut trouver sa place dans l’industrie
Avec 80% de femmes dans ses effectifs, cette entreprise illustre la réussite d’un modèle industriel qui allie compétitivité et organisation du travail adaptée, grâce à des aménagements d’horaires favorisant la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle. Ce territoire compte plus d’un tiers des familles monoparentales, très majoritairement des femmes, vivent en situation de précarité.
À 41 ans, Jennifer Delenclos est manager de production chez VKR (Velux) à Feuquières-en-Vimeu : «Si on a l’envie et la motivation, on peut trouver sa place dans l’industrie». Elle a débuté comme opératrice de production et chapeaute aujourd’hui 40 personnes. Une montée en compétences qui lui a demandé une importante remise en question, pour laquelle elle a été accompagnée par Juliette Charley, coach professionnelle.

Directrice de l’agence France Travail de Friville-Escarbotin, Lyne Dehornoy a affiché un large sourire. Elle a salué une «journée formidable. Les équipes ont préparé 90 femmes demandeuses d’emplois à des entretiens. Elle se sont senties écoutées, valorisées par les employeurs qu’elles ont rencontrés. Elles se sont positionnées pour participer une réunion d’information de l’organisme de formation Proméo alors qu’elles avaient dit non».
Les professeurs principaux de troisième vont être sensibilisés pour donner des conseils personnalisés aux élèves, et plus particulièrement aux filles : «C’est une journée extraordinaire, a qualifié pour sa part recteur de l’académie d’Amiens, Pierre Moya. Ce territoire a une tradition industrielle. Il y a peu de filles dans ces filières. Il faut persévérer. C’est pour cela que des visites d’entreprises sont organisées toute l’année».
La chance de travailler en confiance avec l’Éducation nationale
La journée s’est poursuivie par deux tables rondes sur les thématiques : «Parcours inspirants : témoignages croisés de femmes de l’industrie et de leurs entreprises» et «Femmes, talents cachés de l’industrie : à quand la reconnaissance ?». Au terme de cette journée marquante, la dynamique et discrète présidente du Cercle de Théia, Marie-Thérèse Bouttemy a annoncé qu’une seconde édition se déroulerait en 2026 : «La venue d’Aurore Bergé a donné une impulsion forte : elle a rappelé, sur le terrain, combien l’égalité femmes–hommes et la place des femmes dans l’industrie sont des enjeux nationaux majeurs. Nous avons la chance de travailler en confiance avec l’Éducation nationale».
Un ancrage territorial est indispensable à ses yeux : «L’égalité passe par la mixité dans l’industrie, par l’ouverture des horizons professionnels et par la capacité à accompagner ces jeunes filles pour qu’elles deviennent, demain, des femmes de responsabilité. Les tables rondes de l’après-midi ont démontré que tout est possible, a t-elle poursuivi. Les témoignages de femmes occupant des postes à haute responsabilité ont montré la voie et donné envie».
Le Cercle de Théia dresse un bilan doublement positif pour aujourd’hui car l’événement a créé un choc d’inspiration et pour demain car il fixe une trajectoire : «Nous allons continuer, avec les industriels du Vimeu et l’Éducation nationale, à ouvrir les portes, à susciter des vocations et à accompagner les transitions. Nous pouvons réellement déplacer les lignes et transformer ce bassin industriel en territoire pilote de la mixité. Les entreprises rencontrées ont compris que l’avenir de l’industrie passe aussi par les femmes, et elles sont prêtes à avancer avec nous pour améliorer l’égalité, les parcours et les conditions de travail», a conclu plus déterminée que jamais Marie-Thérèse Bouttemy.