Le général de Villiers appelle à "retrouver une unité nationale" face aux menaces
La France doit "réarmer massivement" durant les 10 prochaines années pour faire face aux menaces, juge l'ancien chef d'état-major français Pierre de Villiers, pour qui il est...
La France doit "réarmer massivement" durant les 10 prochaines années pour faire face aux menaces, juge l'ancien chef d'état-major français Pierre de Villiers, pour qui il est essentiel de "retrouver une unité nationale".
Le général en retraite, ex-chef d'état-major des armées (2014-2017), a accordé cet entretien à l'AFP à l'occasion de la publication de son nouvel ouvrage, "Pour le succès des armes de la France" (Fayard).
Q: Emmanuel Macron souhaite une accélération de la hausse du budget militaire, et votre successeur, le général Fabien Mandon, met en garde contre un conflit avec la Russie: a-t-on pris la mesure de la menace?
R: Le réveil est brutal. La guerre en Ukraine a progressivement fait sortir les dirigeants de cette forme de somnambulisme dans lequel nous étions.
Avec les échéances électorales qui sont devant nous, je voudrais que le sujet de la défense, de la protection de la France et des Français puisse être discuté et être en première ligne des débats parce que la situation est grave.
Q: Vous écrivez que "le prix de la paix, c'est l'effort de guerre", les Français y sont-ils prêts?
R: Je crois que oui. Il y avait une inquiétude et maintenant il y a une peur et même une angoisse. La peur fait réagir, le courage fait décider. Je pense que nous sommes arrivés à ce stade.
Dans l'histoire du monde, on voit bien que les faibles sont attaqués par les forts. Si on veut de nouveau être forts et respectés, il faudra réarmer massivement en équipements, en personnels, en munitions, en logistique, mais aussi en forces morales. Ce réarmement me semble possible et souhaité par les Français. Mais nous sommes dans une situation financière très délicate, la tentation du renoncement à ce réarmement sera grande.
La cohésion nationale a été mise à mal par de multiples fractures sociales, géographiques, intergénérationnelles. Il faut retrouver cette unité nationale.
Aujourd'hui, nous sommes en risque parce que nous avons oublié que la guerre était possible et les fractures nous affaiblissent énormément. Il faut à tout prix les soigner, en commençant par la jeunesse, l'éducation, la famille, par ce service militaire que j'appelle de mes vœux depuis très longtemps.
Q: Le chef de l'Etat a annoncé des "surmarches" budgétaires en 2026 et 2027. Dans votre livre, vous plaidez pour des hausses de 5 milliards par an pendant 10 ans...
R: Je ne peux que souscrire à cet effort de 6,7 milliards deux ans de suite. Mais je note que la situation politique est très inquiétante. Tous nos moulinets diplomatiques doivent faire un peu sourire ceux à qui ils s'adressent car nous ne sommes même pas capables d'avoir un budget.
L'effort pour aboutir au modèle d'armée que je propose nécessitera en moyenne cinq milliards d'euros de plus par an jusqu'en 2035.
Q: La création annoncée d'un service militaire volontaire répond-elle à ce besoin?
R: Il y a déjà une bonne nouvelle, c'est la fin du service national universel (SNU) qui était une fausse bonne idée. Réunir des jeunes non majeurs pendant quelques jours seulement, c'est la colonie de vacances, cela n'apporte pas le résultat escompté.
L'annonce d'un service national a le mérite d'exister avec un objectif pragmatique (jusqu'à 50.000 personnes par an en 2035). Il y aura trois difficultés à surmonter. La première est budgétaire: il ne faut pas que les crédits nécessaires amputent le budget des armées. Ensuite, il faudra résoudre les problèmes d'infrastructures parce que nous n'avons plus de casernes. La troisième c'est l'encadrement, il va falloir trouver des effectifs supplémentaires.
Cet encadrement pourrait provenir en partie d'un service militaire obligatoire pour les étudiants des grandes écoles françaises. Par ce brassage, cela permettrait d'apprendre à ces jeunes ce qu'est la nation française. Cela leur permettrait aussi de développer leur capacité à exercer l'autorité, et ce serait une belle expérience.
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