Le Parlement allonge la rétention d'étrangers jugés dangereux
Le Parlement a définitivement adopté mercredi un texte allongeant jusqu'à 210 jours la durée de rétention d'étrangers en instance d'expulsion et jugés dangereux, une mesure chère au ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau mais...

Le Parlement a définitivement adopté mercredi un texte allongeant jusqu'à 210 jours la durée de rétention d'étrangers en instance d'expulsion et jugés dangereux, une mesure chère au ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau mais rejetée par la gauche et les associations.
La proposition de loi de la sénatrice Les Républicains Jacqueline Eustache-Brinio a été adoptée successivement mardi par l'Assemblée nationale - à 303 voix contre 168 - puis par le Sénat mercredi - à 228 voix contre 108, juste avant la suspension des travaux parlementaires en fin de semaine.
Juste à temps, également, pour offrir au ministre de l'Intérieur un petit succès au Parlement, lui qui prône cette mesure depuis l'assassinat de la jeune Philippine, étudiante retrouvée morte à Paris en 2024.
Son meurtrier présumé était un Marocain faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF), qui venait de sortir d'un centre de rétention après plusieurs années en prison.
"A quelques jours près, l'administration détenait le laissez-passer consulaire" qui aurait permis de l'"éloigner", selon M. Retailleau, qui a salué devant ses anciens collègues sénateurs l'adoption d'un texte qui "va protéger les Français".
"La violence et la brutalité dont a été victime Philippine devraient mener à un consensus sur la nécessité d'assurer la sécurité de tous et partout", avaient déjà réagi dans un communiqué les parents de la victime, Loic et Blandine Le Noir de Carlan, mardi au moment du vote des députés.
Menace d'une particulière gravité
Les débats ont aussi pris une tournure solennelle après le décès du député LR Olivier Marleix, qui en était le rapporteur pour l'Assemblée nationale et avait retravaillé la proposition de loi pour qu'elle convienne aux deux chambres du Parlement.
A l'heure actuelle, la durée de maintien dans les centres de rétention administrative (CRA), où peuvent être enfermés des étrangers en vue de leur expulsion afin de "prévenir un risque de soustraction", est de 90 jours maximum, sauf pour ceux ayant été condamnés pour terrorisme: elle peut alors aller jusqu'à 210 jours, soit sept mois.
Le texte prévoit d'appliquer cette durée maximale de 210 jours aux étrangers dont le "comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour l'ordre public", ainsi qu'à ceux ayant été condamnés pour certains crimes ou délits graves (meurtre, viol, trafic de stupéfiants, vol aggravé avec violences...).
Seraient également concernés les étrangers condamnés à une interdiction du territoire (ITF), ou visés par une décision d'expulsion ou d'interdiction administrative du territoire.
Plusieurs associations, dont France terre d'asile et la Cimade, ont alerté la semaine dernière contre un allongement qui pourrait s'appliquer à "nombre" de personnes retenues en CRA.
La "menace d'une particulière gravité pour l'ordre public" est une notion "floue, laissant la porte ouverte aux interprétations arbitraires", se sont-elles inquiétées.
Cette rétention prolongée, "dans le désoeuvrement quotidien et parfois la violence, va accroître inutilement les souffrances et traumatismes des personnes enfermées", ont-elles ajouté.
Rétention de demandeurs d'asile
La gauche, vent debout, dénonce aussi une mesure inutile, arguant que l'allongement de la durée moyenne de rétention (33 jours en 2024, le double de 2020 selon un rapport d'associations) n'a pas permis d'augmenter le taux d'expulsion. En 2018, une loi avait déjà doublé la durée maximale de rétention de 45 à 90 jours.
Le socialiste Christophe Chaillou a ainsi accusé le ministre de l'Intérieur de "surfer sur des faits divers alimentant une sorte de machine populiste dans une course mortifère avec l'extrême droite et ses funestes pulsions".
"Nous respectons les équilibres et nous respectons les règles de droit", a rétorqué Bruno Retailleau, faisant valoir que le droit européen permet une durée de rétention pouvant aller jusqu'à 18 mois.
Le texte intègre par ailleurs des mesures, parfois réécrites, de la dernière loi immigration, retoquées au Conseil constitutionnel.
Comme le placement en rétention de certains demandeurs d'asile "dont le comportement constitue une menace à l'ordre public".
Ou encore la possibilité de relever des empreintes digitales et faire des photos d'identité sous la contrainte, dans le but de faciliter l'identification des personnes.
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