Le Pays de Valois s’interroge sur l’avenir du commerce mondial
Lors des 4èmes Rencontres économiques à Russy-Bémont, le 6 novembre, la collectivité s’est penchée sur l’instabilité du commerce mondial et, plus particulièrement, sur ses répercussions sur l’agriculture locale, laquelle occupe 70% du territoire et représente 8% de son PIB.
Le 6 novembre, au Domaine de Montigny, plus d’une centaine de participants a assisté aux 4èmes Rencontres économiques du Valois. Cette édition a d’abord permis de réfléchir aux impacts de l’instabilité du commerce mondial sur l’agriculture locale. Un focus nécessaire, puisqu’avec 42 700 hectares de terres cultivées et près de 250 exploitations, elle occupe une place prépondérante au sein du territoire. «Les agriculteurs sont soumis à un certain nombre de mutations qui les obligent à s’interroger, à innover ou à se diversifier. En tant que chargé du développement économique, nous nous devons de les accompagner», souligne Didier Doucet, président de la Communauté de communes du Pays de Valois.
Un marché volatile
«Le marché des céréales est ultra-mondialisé, à l’échelle de la France, une tonne de blé sur deux est exportée. Nos productions dépendent directement des marchés internationaux», rappelle Guillaume Van de Velde, directeur de Ceremis, l’union de cinq coopératives des Hauts-de-France et de Seine-et-Marne qui commercialise 4,5 millions de tonnes de céréales et d’oléo-protéagineux. Selon lui, le jeu mondial a beaucoup évolué depuis la montée en puissance des pays de la mer Noire, et surtout de la Russie. «Elle était importatrice de céréales il y a 25 ans, avant de devenir aujourd’hui le 1er exportateur mondial de blé» note-t-il.
«Nous subissons aussi les conséquences de la guerre commerciale initiée par Trump, puisque cela impacte les parités monétaires, qui évoluent à chaque déclaration», ajoute-t'il. Un avis partagé par Armel Philippon, agriculteur et cofondateur de SHARP Ingénierie : s’il ne vend pas directement son blé aux États-Unis, il redoute lui aussi chaque prise de parole du président américain. «Nous avons beau produire au même coût, sortir une belle matière première, nous sommes pénalisés par les cours mondiaux», regrette-t-il.
Plus d’export et plus de local
Une volatilité qui oblige les agriculteurs à s’adapter, à l’image de Hugo Scart, qui vient de reprendre une exploitation familiale. Ce dernier a misé sur la proximité pour contrer l’envolée du prix de l’azote depuis la guerre en Ukraine. «Nous avons la chance d’être sur un territoire où l’on compte beaucoup de méthaniseurs. Nous nous sommes donc débrouillés pour être autonomes à l’échelle locale, afin de ne pas dépendre des fluctuations mondiales», explique-t-il.
De son côté, Armel Philippon a opté pour la diversification, avec l’introduction, par exemple, du lin. «On aimerait travailler davantage sur des débouchés locaux, notamment dans le bâtiment», observe-t-il, tout en regrettant l’instauration de taxes et de normes européennes jugées trop restrictives. Pascale Sebille, présidente du MEDEF de l’Aisne et dirigeante de l’entreprise Autexier, a, elle, fait le choix de l’exportation vers des pays complexes. «Nous avons décidé d’aller là où les autres ne vont pas», précise celle qui travaille notamment avec l’Iran, l’Irak, l’Angola, le Nigeria, mais aussi les États-Unis.
Retrouver un leadership européen
Lors de la seconde table ronde, l’ex-directeur du renseignement à la DGSE, Alain Juillet, et l’économiste Christian Saint-Étienne ont porté un regard plus global sur la situation mondiale. «Jusqu’à récemment, on considérait que le libre-échange fonctionnait plutôt bien, même s’il était perfectible. Et puis Xi Jinping, avec ses prix cassés, Vladimir Poutine, avec son expansionnisme, et Donald Trump, avec sa guerre commerciale, sont venus troubler cet ordre», analyse Alain Juillet.
Une instabilité qui va bien au-delà des échanges commerciaux, pointe de son côté Christian Saint-Étienne : «La situation est extrêmement fluctuante, tout peut arriver», s’inquiète-t-il, avant de rappeler que le président américain est un homme de deal, pas un guerrier. «La France et l’Europe doivent sortir du déclin dans lequel elles s’enfoncent depuis 28 ans et retrouver un véritable leadership», exhortent les deux hommes. Ces derniers notent enfin que le FMI table, dans les années à venir, sur une croissance de 1% en Europe, bien derrière les États-Unis et la Chine. «Il sera impossible de s’en sortir sans exportations», prédisent-ils.