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Economie

Les agences de notation doutent des choix politiques en France 

En raison de finances publiques très dégradées et de l’instabilité politique, les agences de notation Fitch et S&P ont abaissé la note souveraine de la France, tandis que Moody’s l’a placée sous perspective négative. Eclairage.


© Adobe Stock.
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Le 12 septembre dernier, l’agence de notation Fitch abaissait, sans surprise, la note souveraine de la France de AA- à A+ en raison du déficit public trop élevé et des difficultés politiques à mener une consolidation budgétaire. Le 17 octobre, S&P en a fait de même. Quant à Moody’s, le 24 octobre, elle s’est contentée, pour l’heure, de placer la note sous perspective négative. Investisseurs et agences de notation sont en vérité suspendus aux résultats des débats parlementaires, dont personne ne sait s’ils déboucheront (ou non) sur le vote d’un budget ambitieux en matière de consolidation budgétaire…

Oligopole de la notation

Les agences de notation sont des sociétés privées qui attribuent des notes sur des titres de dettes émis par les agents économiques privés ou publics : entreprises, banques, États, collectivités… Cette note sert à évaluer le risque de non-remboursement des dettes par l’emprunteur et se trouve souvent accompagnée d’une perspective pour informer le marché de l’évolution probable de la notation à moins de deux ans. S&P, Moody’s et Fitch sont les trois principales agences, chacune possédant son propre système de notation. Elles forment un oligopole mondial très lucratif, qui se renforce au gré des acquisitions de petites sociétés de notation.

En fournissant de l’information sur la solvabilité d’un agent économique, ces agences contribuent théoriquement à la transparence du marché et à son bon fonctionnement. Le problème est qu’elles sont essentiellement rémunérées par les emprunteurs eux-mêmes. Ces derniers n’ont souvent d’autre choix que de faire appel à une agence, sous peine de ne pas réussir à placer leurs titres sur les marchés, l’absence de note ou une note basse s’accompagnant, en général, de taux d’intérêt élevés. De là, découle, hélas, des risques de conflit d’intérêts, à l’instar des produits financiers pourris notés AAA durant la crise des Subprimes, qui se sont soldés par des procès retentissants aux États-Unis !

Face à ces dangers, l’UE a adopté deux règlements afin d’encadrer l’activité des agences de notation sur le territoire européen, sous la surveillance de l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF). Ainsi, elles doivent notamment se soumettre à une procédure d’enregistrement, respecter quelques règles éthiques destinées à minimiser les conflits d’intérêts et rendre publics leurs critères de notation. Mais, dans les faits, eu égard à leur assise historique et financière, ce sont toujours S&P, Moody’s et Fitch qui font la pluie et le beau temps.

Conséquences d’une dégradation de la note souveraine

Depuis les années 1980, l’émission massive et fréquente de titres négociables de dettes publiques par les États a renouvelé l’intérêt des agences pour la notation souveraine. Celle-ci est fondée sur des variables économiques (croissance, inflation, ratio de dette publique…), mais aussi sur des considérations plus politiques liées à la capacité de l’État à lever l’impôt ou à honorer ses engagements financiers, notamment dans un contexte d’instabilité gouvernementale. Quoi qu’il en soit, les controverses demeurent nombreuses, comme lors de la crise de la zone euro entre 2010 et 2012, durant laquelle les États du sud de l’Europe (Espagne, Portugal, Grèce…) ont d’abord été surévalués, avant de voir leur note souveraine être abaissée trop rapidement, au point d’exacerber l’affolement financier.

Cette note souveraine est donc susceptible d’influencer les taux d’intérêt à la faveur d’une prime de risque exigée par les acquéreurs de titres. Tout dépend néanmoins de la situation des autres États de la zone euro, de l’ampleur de la dégradation, de la perception et de l’anticipation de celle-ci par les investisseurs, et finalement de la confiance des marchés. De plus, certains investisseurs institutionnels, à l’instar des fonds de pension ou des assureurs, ne peuvent statutairement détenir en portefeuille que des titres de dettes dont la notation est supérieure à un plancher donné, excluant dès lors les obligations des États dont la note souveraine a été trop dégradée. Il peut en résulter des difficultés de placement de titres et de liquidité sur les marchés.

Dans le cas de la France, la dégradation de sa note souveraine n’a pas conduit jusque-là à une explosion du taux d’intérêt sur les OAT, mais c’est tout de même un coup porté à la fierté du gouvernement français que de constater la réduction de l’écart des taux longs (spread) avec l’Italie ou la Grèce… Au sein de l’UE, seuls les Pays-Bas, l’Allemagne et le Luxembourg caracolent encore en tête du classement de la notation. En France, les doutes portent d’ailleurs moins sur le niveau de la dette publique (113,9 % du PIB), que sur les perspectives économiques et surtout politiques.

En dernier ressort, ce n’est donc pas tant les conséquences de la dégradation de la note souveraine qu’il faut redouter, mais plutôt celles d’une poursuite de l’instabilité politique, ce d’autant plus que les parlementaires peinent à s’accorder sur un budget un tant soit peu crédible…